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Boxing Gym, De Frederic Wiseman, 2011

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Magnifique documentaire sur le quotidien d’une sale de Boxe d’Austin au Texas, où se côtoient des gens très différents, tous âges et sexes confondus. Wiseman ne filme pas des champions mais des gens de tous les jours. Il parle aussi de manière très fine du rapport à la violence (celle hors champ, de l’Amérique et celle ritualisée, de la salle). La bande son ultrarythmée composée à partir des sons de la salle est digne des meilleures compositions pour percussion d'un Steve Reich.

Clint Eastwood - Million Dollar Baby

Nous avons projeté le film aux jeunes qui suivent les cours de soutien scolaire au Boxing Beats.

Le deal c’était : « Comme c’est le ramadan et que c’est la canicule, on ne vous assomme pas avec vos devoirs scolaires. On regarde tranquillement un film ensemble. Mais en anglais, pour vous habituer à la langue… »

Voilà une initiative qu’elle était pédagogique !

Je me souvenais de Million Dollar Baby comme d’un grand mélo, et d’avoir pleuré à la fin déplorable de cette boxeuse devenant tétraplégique à la suite d’un combat douteux.

Cependant, je ne me souvenais pas que c’est l’ensemble du film qui trace un portrait mélancolique de la boxe.

« Le film de boxe est un sous-genre du film noir » annonce un article d’Aurélien Ferenczi au dos de la jaquette du DVD. Le noir dans le noir, une plongée dans le malheur, une accumulation de désastres sur une tête innocente, c’est le ressort majeur du mélo. Maggie, l’héroïne du film, tente longtemps de convaincre Frankie (Clint Eastwood) de devenir son coach. Le vieil entraîneur refuse longtemps. Il ne veut pas entraîner de femmes. Maggie a passé la trentaine, il faut quatre ans selon lui pour former un boxeur, sa carrière serait trop courte pour être intéressante. Par ailleurs, Frankie est dévoré par la culpabilité qu’il écluse à coup de confessions fleuves auprès de son prêtre catholique qui n‘en peut mais… Frankie est-il vraiment coupable de l’invalidité du vieux boxeur noir qui sert d’homme de ménage dans son Gym ? L’a-t-il suivi ou poussé jusqu’au match de trop, celui où le boxeur perdit l’usage d’un de ses yeux ? Que s’est-il passé avec la fille de Frankie pour que celle-ci refuse de répondre aux lettres que le vieil homme lui écrit, et qui lui reviennent invariablement sans avoir été ouvertes ?

L’homme est mauvais. La cause est entendue pour Frankie l’entraîneur comme pour Clint Eastwood le réalisateur. Les exemples abondent dans le film pour le prouver. Le jeune boxeur que Frankie a mis des années à former, l’abandonne à la veille de devenir champion du monde. Les boxeurs noirs expérimentés du club n’hésitent pas à massacrer à coup de poings les novices blancs.

La vie de Maggie est marquée par la misère de ses origines sociales. Elle travaille comme serveuse dans un restaurant qui prépare des tartes au citron avec des ingrédients en boîte marquée « home-made lemon pie ». L’argent qu’elle gagne dans ce boui-boui lui permet de payer son équipement et ses cours au gym.

A force de pugnacité, elle parvient à convaincre Frankie de l’entraîner. Quand elle commence à gagner des combats, ses gains lui permettent de réaliser son rêve : offrir une maison à sa mère. Mais celle-ci est une agressive obèse flanquée d’une fille idiote et d’un fils en taule, dont les premiers mots sont de reprocher à Maggie le cadeau de cette maison qui risque de lui faire perdre ses allocations.

Ce qui sauve Maggie, c’est son « fighting spirit ». Sa ténacité. Son abnégation. Son goût du combat. Elle est une combattante née, voilà qui ne souffre aucun doute. Le relief que prend cette vie, son exceptionnalité par rapport à toutes les vies de boxeur, réside dans le « e » de combattante. Maggie est une femme dont le combat ne se mène pas dans les obscures tranchées de la vie salariée ou domestique, mais sous les sunlights des rings.

Si j’abuse des anglicismes dans cette note, c’est que le film est empreint de cette culture irlandaise, noire, américaine de la boxe, et du goût du combat comme vertu cardinale. Tout ce qui reste à Maggie quand il ne lui reste plus rien, c’est le goût de se battre. Sa vie, comme sa carrière, comme ses combats, sera courte. Maggie a la spécialité de descendre des adversaires en moins d’un round. Le dernier combat de Maggie sera contre son entraîneur. Elle forcera Frankie à boire le calice jusqu’à la lie, et l’obligera à débrancher le respirateur qui la maintient en vie, et de lui injecter une dose massive et fatale d’adrénaline dans son cathéter.

Elle renvoie ainsi Frankie à son éternelle contradiction entre son désir d’amener ses boxeurs au plus haut niveau et celui de les protéger.

Comment conserver au combat sur le ring l’épithète paradoxale de « noble » art ? Le coup qui terrasse Maggie et occasionne sa fracture des cervicales, est porté alors qu’elle a baissé sa garde, après le gong, alors qu’elle tourne dos à son adversaire. C’est un coup ignoble. Mais Frankie n’a-t-il pas donné comme conseil à Maggie quelques minutes plus tôt de profiter de ce que son corps fasse écran à l’arbitre pour marteler le nerf sciatique de son adversaire, qui n’est évidemment pas une zone de frappe autorisée ?

« Ah, ça c’est une question sans fin… » Commente Francky, - le nôtre d’entraîneur- au Boxing Beats qui suit le film du coin de l’œil.

Seul le combat est beau, donc. La seule chose qui sauve l’homme c’est son esprit de combat, sa rage de vivre, et c’est aussi ce qui le tue. Il en est ainsi d’Achille comme de Maggie. C’est une immense qualité du cinéma américain, du film de boxe, et des films de Eastwood en général, de faire de gens très ordinaires des héros.

Mamadou, un jeune boxeur, suit la tragédie de Maggie, atterré. Il me murmure : « Elle ne va pas mourir ? Elle va guérir ? ». Évidemment, elle meurt, tuée par Frankie dans un ultime geste d’amour pour sa boxeuse. Car une vie sans combat ne vaut pas la peine d’être vécue.

Je ne sais pas si c’est très pédagogique comme morale, mais…

Des filles qui boxent, 2014, documentaire radiophonique

boxe France culturede Lucie Geffroy, Christine Robert et Cécile Bracq.

Ce n'est pas un film mais un documentaire radio (diffusé sur France Culture le 1er décembre 2014) qui propose une plongée dans l’intimité de boxeuses de haut niveau et qui a été en partie réalisé au Boxing Beats.

Mais pourquoi s'adonnent-elles avec acharnement à ce sport viril qui leur a longtemps été interdit ?

On suit les boxeuses à l’entraînement au Levallois Sporting club (Boxe française) et au Boxing Beats d’Aubervilliers (Boxe anglaise).

On entend notamment pour le Boxing Beats Saïd Bennajem, Natacha Lapeyroux (ancienne présidente du Boxing Beats, dont je conseille de consulter le très intéressant blog "penser la Boxe féminine"), Juliette Deswarte, Stelly Fergé (qui nous a accueilli pendant la séance d'initiation), Fatima El-Kabouss et une belle interview de Lucie Bertaud (ancienne championne de France et d'Europe, 1ere fille à intégrer l'équipe de Boxe anglaise à l'INSEP, aujourd'hui journaliste sportive et combattante de MMA).

écoute en ligne disponible ici.

Fat City, de John Huston, 1972

Fat CityAdapté du roman de Leonard Gardner (Fat City, 1969) qui raconte l'histoire d’un ancien boxeur devenu alcoolique qui tente de refaire surface et de revenir sur le ring. C'est un film sur le prolétariat de la boxe, les sportifs semi-professionnels qui n’accèderont jamais à la gloire. Sur la misère, l’exploitation et l’épuisement des corps, mais aussi sur la fraternité et l’amour des hommes. Un des plus beaux films de John Huston. A la gloire des loosers magnifiques.

Oates a dit que « Tout comme le danseur, le boxeur ‘est’ en fait son corps, auquel il est totalement identifié ». Huston montre que c’est parce qu’il n’a que son corps comme force de travail, que le boxeur est frère des travailleurs les plus pauvres. Au petit matin, Tully, le vieux boxeur se joint aux journaliers qui vont s’épuiser sur les immenses plantations de Californie. Les plus belles séquences ne sont pas celles des combats (le spectacle de la Boxe ici est celui d’une exploitation des corps aussi cruelle et obscène que celle qui use les corps des saisonniers) mais celles où par les paroles d’amour et de fraternité qu’ils échangent les personnages retrouvent parfois une dignité et un sens de vivre. (interview de J.Huston)

Foxcatcher, de Bennett Miller, 2014

FoxcatcherInspiré d’un fait divers authentique, Foxcatcher raconte l’histoire tragique et fascinante de la relation improbable entre un milliardaire cinglé et deux grands champions de Lutte des années 80-90, les frères Schultz.

Daveest l'entraîneur de son frère cadet Mark, plus imposant physiquement mais plus fragile intérieurement. On comprend dès le début du film dans une scène où Miller décrit brièvement le dénuement des athlètes professionnels une fois passé l’heure de gloire des olympiades (on le voit donner, en échange de quelques dollars, une conférence devant des lycéens morts d'ennui), que Mark est le héros anonyme et solitaire d'un sport qui n'intéresse personne. Mais alors qu'il cherche comment participer aux Jeux Olympiques de Séoul de 88, il est invité par le milliardaire mégalomane John Du Pont qui a décidé de monter une équipe de Lutte libre (l'équipe "Foxcatcher") dans sa grande propriété de Pennsylvanie, que Millerfilme comme une sorte de royaume fantastique à la beauté crépusculaire. Ce gourou grotesque etmonstrueux (interprété par Steve Carell génial dans le rôle), à la folie irradiante, fera tout basculer dans une folie meurtrière qui coûtera la vie à l'ainé des deux frères.Au fil des compétitions et des entraînements il se noue entre les trois hommes un manège fait de sourdes dominations.C'est cette relation de manipulation perverse et destructrice avec la psychologie fine qu'il arrive à tirer des personnages qui intéresse le réalisateur plus que la connaissance de la Lutte elle-même.

On a l'impression que ce qui l'intéresse le plus dans la Lutte, c'est son mystère. Le regard qu'il porte sur elle est moins celui d'un connaisseur que celui d'un observateur distant et fasciné par un univers qui a ses propres règles et valeurs.Il la filmeavec austérité, comme une chorégraphie étrange au savoir secret, confidentiel. Comme un langage presque illisible. Il arrive ainsi a nous maintenir dans une sorte de perception instable, où on n'est jamais sûr de ce qui est en train de se passer. Comme dans l'impressionnante scène de sparring des deux frères au début du film où le choc des corps, les torsions des membres qui se nouent et se dénouent disent plus que les quelques paroles que s'échangent les personnages

 

 

Gentleman Jim, de Raoul Walsh, 1942

GentlemanJimFilm de Raoul Walsh avec Errol Flynn, inspiré de la vie du boxeur James J. Corbett.

San Francisco 1887. La boxe est un sport pratiqué sans règles, relégué aux confins de la ville dans des exhibitions clandestines.Jim Corbett, modeste employé de banque, fils d'un cocher irlandais, y assiste souvent. Chez les Corbett les repas finissent souvent par une bagarre générale (entre frères)  "les Corbett remettent ça !" est le cri de ralliement des voisins qui ne ratent jamais l'occasion d'un bon spectacle (le père prend les paris). Ambitieux et opportuniste, JimCorbett sait, grâce à un culot et un optimisme indémontables profiter de toutes les occasions et un heureux concours de circonstance l'amène à pratiquer la boxe, où il excelle, et dans laquelle il voit le moyen de s'élever socialement.

Rusé, mais aussi vaniteux, insolent, et insatiable (car il fait aussi un peu l'acteur et ambitionne de jouer Hamlet), il va de victoire en victoire (au grand dam de la haute société qui parie toujours contre ce parvenu et lui propose sans cesse de nouveaux défis) et devient rapidement l'un des plus célèbres boxeurs des Etats-Unis. On est à l'époque où la Boxe gagne en reconnaissance et où on commence à organiser les combats selon les règles du Marquis de Queensberry.Corbettaffronte enfin le plus grand boxeur américain, le "grand" John L. Sullivan. Le match est un combat de titans dont Corbettsort vainqueur. A la fin du film, devenu champion du monde, Corbett fait (enfin) preuve pour la première fois de sa vie d’humilité face au champion déchu.

C'est un film très joyeux et entraînant par la vitalité et la jeunesse qui s'en dégage. Errol Flynn campe un personnage "bigger than life", en perpétuelle transformation, comme un courant d’énergie positive et joyeuse qui entraîne tout sur son passage.(l'Amérique à l'époque n'avait aucun doute)

Kingdom, de Byron Balasco, 2014

kingdomsérie télévisée américaine, créée par Byron Balasco en 2014 etdiffusée en France depuis 2015 sur la chaine OCS Choc. La 2e saison est en cours de tournage.

C’est un drame familial sombre et violent dont l'action évolue dans le milieu du MMA et se déroule dans le quartier de Venice à Los Angeles.  On y suit les personnages dans leurs addictions et leurs relations tumultueuses, dans un univers hypermasculin où les rôles de femmes sont majoritairement à la périphérie (il mais il paraît que ça change dans la 2e saison). Comme le dit Byron Balsaco, créateur de la série, "Ce sont des hommes tourmentés, travaillés par leurs angoisses, mais qui préfèrent y échapper en entrant dans la « cage » (on appelle ainsi l'octogone entouré de grillage qui sert de ring au MMA). Là, ils trouvent un monde plus simple, binaire, où l'on est vainqueur ou vaincu. Un monde réconfortant, en un sens, face à la complexité d'un quotidien que beaucoup d'entre eux n'arrivent pas à contrôler". interview ici.

Les Forbans de la nuit, de Jules Dassin, 1950

Forbans de la nuitC’est un film noir dont l’action se déroule la nuit dans les bas-fonds de Londres et qui croise le milieu de l’organisation des combats de Lutte et de Catch. Dans l'espoir de faire rapidement fortune, un petit truand sans envergure (Richard Widmark, magnifique, aux côtés de Gene Tierney)décide d'organiser des combats de lutte gréco-romaine truqués derrière le dos de la mafia locale qui contrôle le business (ce qui s’avèrera être une très mauvaise idée). Il embobine et embarque avec lui un vieux lutteur, le Grand Gregorius, (joué par un vrai champion de lutte gréco-romaine, Stanislaus Zbyszko, double champion du monde dans les années 20), personnage qui incarne la noblesse et l’histoire d’un sport à la gloire passée, qui croit voir l’occasion de prouver la supériorité de la Lutte sur les combats mis en scène (on aura compris : le catch, ce sport spectaculaire qui à l’époque commençait à détrôner la Lutte et lui donnait mauvaise réputation ).

Les scènes de combat sont belles, les corps enchevêtrent dans un clair-obscur presque abstrait. A la fin du film, un combat intense oppose le vieux lutteur à un champion de catch plus jeune et déloyal (extrait).