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Rapport de l'Office Mondial de la Santé sur la Violence, 2002

On trouve dans le RAPPORT MONDIAL SUR LA VIOLENCE ET LA SANTE la définition de la violence suivante : "La menace ou l’utilisation intentionnelle de la force physique ou du pouvoir contre soi-même, contre autrui ou contre un groupe ou une communauté qui entraine ou risque fortement d’entrainer un traumatisme, un décès, des dommages psychologiques, un maldéveloppement ou des privations. " (Chapitre 1. La violence-un défi planétaire, p 5).

Si on applique cette définition au sport, comme David Mayeda aime le faire dans ses articles sur le MMA, on peut dire que les sports qui nous intéressent ici sont donc fondamentalement violents. Puisque ce sont des sports où, comme dans tous les sports de combat en général, "l’utilisation intentionnelle de la force physique ou du pouvoir contre (...) autrui" est non seulement nécessaire mais approuvée. (même si on ajoute la nuance qu'à la Lutte il est interdit de frapper ou de blesser intentionnellement l'adversaire, à la différence des sports où il y a "percussion"),

Mais tout le monde n'a pas la même définition de la violence, c'est subjectif. Tout comme le seuil d'acceptation de la violence varie énormément d'un individu à un autre, et d'une société à une autre (voir la note de Stéphane sur Nietzsche), et bouge aussi au cours du temps (voir celle sur Elias).

Frapper quelqu'un dans la rue vous amènera en prison, mais le même geste fait sur un ring peut vous rendre riche et célèbre. Mais, me direz vous, sur un ring il s'agit de violence entre participants consentants et encadrés. Il y a donc une violence sportive socialement acceptable, et, pour reprendre les mots de Oates, un endroit où la « transgression du tabou de la violence est ouverte, explicite, ritualisée et routinière – ce qui confère aussi à la Boxe, ajoute-t-elle, son étrangeté familière ». La mesure selon laquelle un événement peut être considéré comme plus ou moins violent, ou d'une violence socialement acceptable dépend de comment nous définissons la situation dans laquelle la violence est utilisée. C'est une définition construite socialement.

 En quoi chercher à définir la violence dans le cadre de ces sports (dans la manière dont elle est vécue, gérée, ritualisée, encadrée, mais aussi représentée et médiatisée) nous intéresse? C'est parce que nous croyons que cela peut nous aider à réfléchir d'autres violences, peut être moins visibles, dans nos vies et la société (là où la violence ne se réduit pas à la blessure physique, mais peut aussi être structurelle, basée sur des choses comme les inégalités sociales, les lois injustes…)

Par exemple (mais peut-être trouverez-vous inepte et même choquant de comparer un conflit social à un affrontement sportif) au moment où j'écris cette note, on parle beaucoup de violence à propos de "l'affaire d'Air France" d'il y a quelques jours (violence physique, violence sociale, violence politique). Qu'il soit dans la bouche ou sous la plume de salariés en colère, de patrons déguenillés, de politiques ou de journalistes "indignés", le même terme ne fait pas référence à la même chose et montre bien aussi que toutes les violences n'ont pas le même poids ni la même considération politique et médiatique suivant le côté où l'on se trouve d'un rapport de force.

Entre la violence de l'humiliation imposée à un patron par des salariés (et son amplification médiatique en "lynchage") et la violence d'un plan social (lui, sans image) qui a un effet direct sur les vies de milliers de salariés (doublée par la violence du mépris et de l'indifférence des directeurs, puis par la condamnation des salariés dont le premier ministre a jugé la "violence inacceptable" ), il y a une grande différence de perception, d’acceptabilité et de traitement médiatique. Exprimer (de la part du gouvernement et de la majorité des médias) dans ce cas qu’une violence est plus acceptable qu’une autre nous indique que nous vivons dans un monde où la chemise d'un patron vaut plus que les vies de milliers de gens. On peut remarquer aussi que d’un côté il y a une violence avec une image (celle d’un directeur entouré de policiers et obligé d’escalader torse nu une grille pour échapper à des manifestants, pratiquement un symbole à l'heure qu'il est) et une autre invisible (on ne parle pas des suicides des salariés).

C’est pourquoi j'engage à regarder l'interview télévisée de Xavier Mathieu, qui est en fait, comme me le fait remarquer Stéphane, le combat d'un homme seul dans un dispositif destiné à le laminer, face à une meute de journalistes hostiles, mais qui devant sa détermination sont bien obligés de courber l’échine. Sa capacité à utiliser sa colère, à la montrer avec discernement sans se laisser submerger est la preuve d'une remarquable intelligence de l'émotion, et c'est exactement ce qu'est supposé faire un boxeur sur le ring.

Divers, Bibliographie

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