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Tentative de description de la géographie d’un club de boxe : Le Boxing Beats à Aubervilliers - la mezzanine

Page 6 sur 6: la mezzanine

La mezzanine.

Les corps sont donc en bas, tout à fait en bas, puisque le gymnase est situé en contrebas de la rue. L’esprit est en haut, sur la mezzanine, là où se trouve la salle dévolue au soutien scolaire, et le bureau de Saïd. À supposer qu’il soit possible de séparer corps et âme (ce qui n’est pas mon sentiment), celui qui veut accéder aux hautes sphères doit donc emprunter un des deux escaliers métalliques. Comme un escalier est quasiment condamné, il passera par le second et accèdera à son sommet directement sur la salle de cours.

Elle est divisée en trois espaces. Une série d’ordinateurs est alignée face au mur dans la partie jouxtant le bureau de Saïd. Ces ordinateurs qui ne sont pas connectés sur internet ne sont presque jamais utilisés. Les tables sont donc proposées aux collégiens dont le travail nécessite un silence relatif.

Autrement, le travail scolaire se fait le plus généralement autour d’une table rectangulaire pouvant accueillir jusqu’à huit étudiants. Derrière cette table, une armoire métallique renferme divers ouvrages disparates (dictionnaires, livres scolaires, ouvrages sur la boxe, encyclopédies) et des jeux de société. C’est là que désormais nous enfermerons le goûter promis aux gamins, car l’expérience nous prouve que si notre réserve de biscuits et de jus de fruits demeure dans un placard ouvert, une souris qui doit avoir la taille d’un boxeur passe et d’une semaine sur l’autre et nous nous retrouvons fort démunis à l’heure attendue du goûter.

Le troisième espace est un salon marocain dont Saïd a récemment apporté les meubles qui permet de rassembler les jeunes qui n’ont pas de devoirs à faire autour d’un jeu de société.

On constate une tension entre les deux espaces extrêmes de la salle, l’espace des ordinateurs vers lesquels Claudine essaye de diriger les jeunes afin que François, son époux, leur fasse la démonstration du logiciel pédagogique qu’il a conçu et fabriqué, et le salon marocain où Zoé décrypte les règles du jeu de société autour desquels les ados s’agglutinent. Ce sont bien deux visions pédagogiques qui sourdement s’opposent là. Je pourrais donner mon point de vue sur la chose, mais ma position d’observateur impartial me l’interdit. Je dirai simplement pour conclure que parfois, à l’occasion d’un anniversaire par exemple, le système d’occupation de l’espace connaît une mutation radicale : Claudine alors, qui a confectionné un gâteau, invite les jeunes à le partager dans l’espace réservé au jeu, territoire de Zoé. C’est un instant de communion, il faut bien le constater.

Le bureau de Saïd est donc à l’extrémité de la mezzanine. On y trouve deux tables : celle de Saïd, et celui de la trésorière. Je n’ai jamais vu ce bureau utilisé qu’en début d’année pour la délivrance des licences. La trésorière allant alors jusqu’à descendre son bureau dans la salle pour s’assurer que chacun s’acquitte de sa licence et de son assurance.

J’entre rarement dans cette pièce, et lorsque j’y vais c’est toujours avec quelque timidité. Non que Saïd, constamment bienveillant et d’une grande douceur puisse intimider volontairement, mais peut-être la figure du boxeur, du champion, et du coach qu’il incarne m’ impressionne-t-elle.

Dans son bureau, Saïd passe de long temps en conciliabules téléphoniques. Parfois des visiteurs (boxeurs, coaches, parents d’élèves, organisateurs de combat, journalistes) traversent la salle de cours de cours pour rejoindre Saïd dans sion bureau. Comme l’usage l’impose, nous nous levons alors, serrons la main, et indiquons le chemin pour ceux qui l’ignorent.

Depuis la fenêtre de son bureau, Saïd a une vue plongeante sur la salle d’entrainement. On le voit ouvrir parfois cette fenêtre et donner de là-haut une information, poser une question à un coach, ou interpeler un boxeur.

De la fenêtre de la salle de cours, nous avons une vue panoramique sur la fresque murale qui couvre le mur du fond du gymnase. On y reconnaît des boxeurs en action : Ali, Tyson, Saïd lui-même. La devise du club est aussi inscrite : par le poing nait l’espoir, par l’espoir ; de l’espoir nait l’histoire. Les vertus réclamées aux boxeurs sont aussi égrenées entre les portraits des boxeurs : force, courage, détermination etc.

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