Virgile, Énéide, Livre V, Escale en Sicile Jeux funèbres Combat de ceste
C'est avec le chant XXIII de l'Illiade un des rares récits de combats de pugilat, donc de ce qui s'apparentait le plus à ce qu'on appelle aujourd'hui la boxe. Il est trés vivant, terrifiant à certain égards. On comprend à sa lecture que les cestes, ces lanières de cuir dont les pugilistes entouraient leurs poings tenaient plus du coup de poing américain que du gant de boxe. Le but est de détruire l'adversaire, absolument, et la fin obligée du combat, le KO, voisine avec la mort. C'est aussi un texte qui nous permet de mesurer combien notre sensibilité à la violence a changé. Pourtant, l'effroi qui nous étreint à la lecture de ce terrible combat semble tout autant partagé par les spectateurs décrits par Virgile. Ainsi donc nous nous découvrons au travers des siècles parés d'une même sensibilité, mais doté d'organisations sportives et politiques régissant autrement le combat. Nietzsche dans sa généalogie de la morale a certainement pensé à ce passage, entre autres récits de cruauté datant de l'antiquité.
Sans déflorer le plaisir de nos lecteurs, il est difficile de ne pas se rappeler les derniers combats de Mohammed Ali, en lisant le portrait de ce pugiliste vieillissant mais plein d'orgueil et d'expérience qu'est Antelle, dans sa capacité à esquiver, à encaisser, à attendre l'instant propice.
Nous avons reproduit ci-dessous sans vergogne la traduction et la présentation de la Bibliotheca Classica Selecta (BCS) qui s'intègre aussi dans le vaste projet Du texte à l'hypertexte mis au point à la Faculté de Philosophie et Lettres de Louvain à l'initiative de Jean Schumacher.
Nous la trouvons excellente, et espérons qu'elle donnera à notre lecteur l'envie de lire ou relire l'Énéide.
(5, 362-484)
Adversaires hésitants (5, 362-423)
Énée appâte les concurrents pour un combat de ceste en offrant deux prix. Le colosse Darès, ne trouvant pas d'adversaire assez audacieux pour l'affronter, revendique la victoire et, avec l'approbation des spectateurs, veut emporter son prix (5, 362-386).
Mais le roi Aceste en appelle à l'honneur de son compagnon Entelle et le pousse à affronter Darès. Entelle justifie son abstention en évoquant son âge et ses forces perdues, toutefois il sème l'effroi dans l'assistance en jetant dans l'arène les deux cestes qu'il détient du dieu Éryx. Darès, terrifié, refuse le combat (5, 387-408).
Entelle propose alors un compromis, avec l'accord d'Énée et d'Aceste. Avec mépris, il accepte de renoncer aux cestes du dieu Éryx, si Darès renonce aussi à ses propres cestes (5, 409-423).
Post, ubi confecti cursus et dona peregit : « Nunc, si cui uirtus animusque in pectore praesens, adsit et euinctis attollat bracchia palmis ». |
Ensuite, les courses terminées et les présents distribués : « Maintenant, si quelqu'un sent en son coeur valeur et courage, qu'il se présente et lève ses bras aux mains bandées de cuir ». |
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Sic ait, et geminum pugnae proponit honorem, uictori uelatum auro uittisque iuuencum, ensem atque insignem galeam solacia uicto. Nec mora ; continuo uastis cum uiribus effert ora Dares magnoque uirum se murmure tollit, |
Ainsi parle Énée, proposant pour le combat une double récompense : pour le vainqueur, un jeune taureau voilé d'or et de bandelettes ; pour le vaincu, en guise de consolation, une épée et un casque magnifique. Les choses ne traînent pas. D'emblée, Darès, avec sa force démesurée, attire les regards et se dresse au milieu d'un grand murmure général. |
5, 365 |
solus qui Paridem solitus contendere contra, idemque ad tumulum quo maximus occubat Hector uictorem Buten immani corpore, qui se Bebrycia ueniens Amyci de gente ferebat, perculit et fulua moribundum extendit harena. |
Il était le seul attitré à se mesurer à Pâris ; c'est lui aussi qui, près du tombeau où repose le grand Hector, affronta le victorieux Boutès, un colosse qui, arrivant, prétendait appartenir à la dynastie d'Amycus le Bébryce : il le terrassa et l'étendit moribond sur le sable fauve. |
5, 370 |
Talis prima Dares caput altum in proelia tollit, ostenditque umeros latos alternaque iactat bracchia protendens et uerberat ictibus auras. Quaeritur huic alius ; nec quisquam ex agmine tanto audet adire uirum manibusque inducere caestus. |
Ce Darès lève fièrement la tête, prêt à engager le combat, il laisse voir ses larges épaules et, les bras tendus en avant, il les agite l'un après l'autre, fouettant l'air de ses coups. On lui cherche un adversaire ; mais dans l'immense assistance personne n'ose affronter l'homme ni équiper ses mains du ceste. |
5, 375 |
Ergo alacris cunctosque putans excedere palma Aeneae stetit ante pedes, nec plura moratus tum laeua taurum cornu tenet atque ita fatur : « Nate dea, si nemo audet se credere pugnae, quae finis standi ? Quo me decet usque teneri ? |
Dès lors, heureux à l'idée que tous ont renoncé à la palme, il se tient debout aux pieds d'Énée et, sans plus attendre, saisit de la main gauche le taureau par une corne, en disant : « Fils de déesse, si personne n'ose s'engager dans un combat, quand finir de rester debout ? Jusqu'à quand convient-il de me retenir ? |
5, 380 |
Ducere dona iube ». Cuncti simul ore fremebant Dardanidae reddique uiro promissa iubebant. Hic grauis Entellum dictis castigat Acestes, proximus ut uiridante toro consederat herbae : « Entelle, heroum quondam fortissime frustra, |
Ordonne que j'emmène mon prix ». Et tous les Dardanides unanimes murmuraient et exigeaient de lui remettre la récompense promise. Alors le sage Aceste adresse des reproches à Entelle, qui justement était assis près de lui, sur un lit de vert gazon : « Entelle, le plus vaillant des héros jadis, mais bien en vain, |
5, 385 |
tantane tam patiens nullo certamine tolli dona sines ? Vbi nunc nobis deus ille, magister nequiquam memoratus, Eryx ? Vbi fama per omnem Trinacriam et spolia illa tuis pendentia tectis ? » Ille sub haec : « Non laudis amor nec gloria cessit |
permettras-tu sans réagir que soit remporté sans combat un prix si prestigieux ? Où donc se trouve ce dieu fameux Éryx, vainement célébré comme notre maître ? Où est ton renom qui couvrait toute la Trinacrie, où sont ces trophées suspendus à ton toit ? » Celui-ci rétorque : « Non, l'amour des louanges et le désir de gloire |
5, 390 |
pulsa metu ; sed enim gelidus tardante senecta sanguis hebet, frigentque effetae in corpore uires. Si mihi quae quondam fuerat quaque improbus iste exsultat fidens, si nunc foret illa iuuentas, haud equidem pretio inductus pulchroque iuuenco |
chassé par la peur n'ont pas cédé le pas ; mais avec la lente vieillesse, mon sang glacé s'engourdit et mes forces s'épuisent et s'alanguissent. Si maintenant je jouissais encore de ma jeunesse d'antan, jeunesse d'où cet insolent tire orgueilleusement son assurance, je serais venu, sans être attiré par un prix et un taureau magnifique, |
5, 395 |
uenissem, nec dona moror. » Sic deinde locutus in medium geminos immani pondere caestus proiecit, quibus acer Eryx in proelia suetus ferre manum duroque intendere bracchia tergo. Obstipuere animi : tantorum ingentia septem |
et je n'attends pas de récompense ». Après avoir ainsi parlé, il lance devant lui les deux cestes, d'un poids considérable, sur lesquels pour combattre le fougueux Éryx avait l'habitude de porter la main et de tendre sur ses bras avec des lanières solides. Les esprits étaient stupéfiés : les immenses peaux de sept énormes boeufs |
5, 400 |
terga boum plumbo insuto ferroque rigebant. Ante omnis stupet ipse Dares longeque recusat, magnanimusque Anchisiades et pondus et ipsa huc illuc uinclorum immensa uolumina uersat. Tum senior talis referebat pectore uoces : |
étaient raidies par des lames de plomb et de fer cousues dessus. Darès, devant tous, reste interdit et de loin refuse le combat, le magnanime fils d'Anchise tourne et retourne cette masse en tous sens et ces lanières qui s'enroulent sans fin. Alors le vieil Entelle laissa monter de son coeur ces paroles : |
5, 405 |
« Quid, si quis caestus ipsius et Herculis arma uidisset tristemque hoc ipso in litore pugnam ? Haec germanus Eryx quondam tuus arma gerebat sanguine cernis adhuc sparsoque infecta cerebro, his magnum Alciden contra stetit, his ego suetus, |
« Et qu'aurait-il dit celui qui aurait vu les cestes d'Hercule et ses armes, et le combat affreux qui eut lieu sur ce rivage ? Ces armes-là, ton frère Éryx les portait autrefois – tu vois encore le sang et les éclats de cervelle qui les souillent – , avec elles, il affronta le grand Alcide ; moi, j'y étais habitué |
5, 410 |
dum melior uiris sanguis dabat, aemula necdum temporibus geminis canebat sparsa senectus. Sed si nostra Dares haec Troius arma recusat idque pio sedet Aeneae, probat auctor Acestes, aequemus pugnas. Erycis tibi terga remitto |
tant qu'un sang plus vif me donnait des forces, tant que la vieillesse jalouse n'avait pas semé sur mes tempes des cheveux blancs. Mais si Darès le Troyen récuse ces armes qui m'appartiennent, avec l'agrément du pieux Énée, et l'approbation d'Aceste, mon garant, combattons à armes égales. Je renonce pour toi aux cestes d'Éryx, |
5, 415 |
solue metus, et tu Troianos exue caestus ». Haec fatus duplicem ex umeris reiecit amictum et magnos membrorum artus, magna ossa lacertosque exuit atque ingens media consistit harena. |
cesse d'avoir peur, mais toi, défais-toi de tes cestes troyens ». Sur ces mots, il rejeta de ses épaules son double manteau, dévoila les fortes ariculations de ses membres, sa forte ossature et ses bras puissants, et il se dressa, gigantesque, au milieu de l'arène. |
5, 420 |
Déroulement et issue du combat (5, 424-484)
Darès, plus agile et plus jeune, Entelle plus massif, sont armés par Énée de cestes égaux et engagent une lutte sans merci, Entelle se contentant au début d'esquiver les coups (5, 424-442).
Finalement, Entelle tombe en tentant d'asséner un coup que Darès parvient à éviter. Aidé par Aceste, il se relève et, en proie à une véritable fureur, reprend la lutte et réussit à poursuivre Darès dans l'arène et à le ruer de coups (5, 443-460).
Énée interrompt la lutte, sépare les combattants et console Darès, en piteux état ; gratifié du prix de consolation, il est emporté par ses compagnons. Le vainqueur Entelle, ivre d'orgueil, immole aussitôt au dieu Éryx le taureau qu'il a reçu comme prix, et annonce qu'il renonce désormais à la lutte (5, 461-484).
Tum satus Anchisa caestus pater extulit aequos |
Alors le vénéré fils d'Anchise prend des cestes de même poids |
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et paribus palmas amborum innexuit armis. Constitit in digitos extemplo arrectus uterque bracchiaque ad superas interritus extulit auras. Abduxere retro longe capita ardua ab ictu immiscentque manus manibus pugnamque lacessunt, |
et noue aux mains des deux pugilistes des armes égales. Tous deux aussitôt, dressés sur la pointe des pieds, immobiles, lèvent sans peur leurs bras vers le ciel. Ils tiennent la tête haut, fort en arrière, pour parer les coups, entremêlent leurs mains et entament le combat. |
5, 425 |
ille pedum melior motu fretusque iuuenta, hic membris et mole ualens ; sed tarda trementi genua labant, uastos quatit aeger anhelitus artus. Multa uiri nequiquam inter se uulnera iactant, multa cauo lateri ingeminant et pectore uastos |
L'un a les pieds plus agiles, et est fort de sa jeunesse ; l'autre vaut par ses muscles et sa masse ; mais ses genoux engourdis vacillent, il tremble et un halètement pénible secoue son corps de géant. Les deux hommes échangent, sans effet, des coups sans nombre, et les redoublent au creux de leurs flancs et leur poitrine |
5, 430 |
dant sonitus, erratque auris et tempora circum crebra manus, duro crepitant sub uulnere malae. Stat grauis Entellus nisuque immotus eodem corpore tela modo atque oculis uigilantibus exit. Ille, uelut celsam oppugnat qui molibus urbem |
résonne de bruits puissants, les mains sans relâche frôlent les oreilles et les tempes, les mâchoires craquent sous la dureté d'un coup. Le massif Entelle est debout et, immobile, figé dans son effort, l'oeil attentif, il esquive les coups d'un simple mouvement du corps. Darès lui, tel celui qui assaille une ville forte avec des engins de guerre, |
5, 435 |
aut montana sedet circum castella sub armis, nunc hos, nunc illos aditus, omnemque pererrat arte locum et uariis adsultibus inritus urget. Ostendit dextram insurgens Entellus et alte extulit, ille ictum uenientem a uertice uelox |
ou tel celui qui avec des armes investit des redoutes en montagne, il explore systématiquement un accès, un autre, puis la place entière, et, sans succès, presse son adversaire d'assauts divers. Entelle se dressant montre sa main droite qu'il lève bien haut, l'autre, subtil, a prévu le coup suspendu au-dessus de lui, |
5, 440 |
praeuidit celerique elapsus corpore cessit ; Entellus uiris in uentum effudit et ultro ipse grauis grauiterque ad terram pondere uasto concidit, ut quondam caua concidit aut Erymantho aut Ida in magna radicibus eruta pinus. |
et, l'esquivant grâce à l'agilité de son corps, il s'est retiré ; Entelle a dépensé sa force dans le vent et, entraîné par son poids, s'écroule lourdement de tout son poids sur le sol, comme parfois on peut voir s'écrouler sur l'Érymanthe ou sur le grand Ida, un pin creux arraché à ses racines. |
5, 445 |
Consurgunt studiis Teucri et Trinacria pubes ; it clamor caelo primusque accurrit Acestes aequaeuumque ab humo miserans attollit amicum. At non tardatus casu neque territus heros acrior ad pugnam redit ac uim suscitat ira ; |
Teucères et jeunes Trinacriens, dans un même élan passionné, se lèvent, Un cri monte au ciel, Aceste est le tout premier à accourir, et, s'apitoyant sur son ami, son contemporain, il le relève de terre. Mais sans être retardé ni effrayé par sa chute, le héros retourne au combat plus fougueux encore, la colère attisant sa violence ; |
5, 450 |
tum pudor incendit uiris et conscia uirtus, praecipitemque Daren ardens agit aequore toto nunc dextra ingeminans ictus, nunc ille sinistra. Nec mora nec requies : quam multa grandine nimbi culminibus crepitant, sic densis ictibus heros |
à ce moment, sa fierté, la conscience de sa valeur ravivent ses forces, et plein de fougue, il poursuit sur toute la piste Darès qui fuit tête en avant, le frappant à coups redoublés, tantôt de la main droite, tantôt de la gauche. Point de relâche, point de répit : comme, lors d'une averse abondante, quand les grelons crépitent sur les toits, ainsi le héros, |
5, 455 |
creber utraque manu pulsat uersatque Dareta. Tum pater Aeneas procedere longius iras et saeuire animis Entellum haud passus acerbis, sed finem imposuit pugnae fessumque Dareta eripuit mulcens dictis ac talia fatur : |
à coups drus et répétés des deux mains, pousse et renverse Darès. Alors le père Énée voyant les colères s'envenimer davantage, et Entelle s'acharner dans ces sentiments exacerbés, ne le supporta pas, mais mit fin au combat, et en arracha Darès à bout de forces, et avec des paroles apaisantes il dit ainsi : |
5, 460 |
« Infelix, quae tanta animum dementia cepit ? Non uiris alias conuersaque numina sentis ? Cede deo ». Dixitque et proelia uoce diremit. Ast illum fidi aequales genua aegra trahentem iactantemque utroque caput crassumque cruorem |
« Malheureux, quelle démence sans borne a saisi ton coeur ? Ne sens-tu pas d'autres forces et un changement de la volonté divine ? Cède au dieu ». Il parla et de sa voix sépara les combattants. Alors les fidèles compagnons de Darès, qui traînait ses genoux malades, agitait la tête de gauche à droite, |
5, 465 |
ore eiectantem mixtosque in sanguine dentes ducunt ad nauis ; galeamque ensemque uocati accipiunt, palmam Entello taurumque relinquunt. Hic uictor superans animis tauroque superbus : « Nate dea, uosque haec » inquit « cognoscite, Teucri, |
et crachait un sang épais où se mêlaient des dents, le ramènent aux navires. On les rappelle, et ils reçoivent le casque et l'épée ; on laisse à Entelle la palme et le taureau. Celui-ci, le coeur triomphant après sa victoire, fier de son taureau, dit : « Fils de déesse, et vous, Teucères, apprenez ceci : |
5, 470 |
et mihi quae fuerint iuuenali in corpore uires et qua seruetis reuocatum a morte Dareta. » Dixit, et aduersi contra stetit ora iuuenci qui donum astabat pugnae, durosque reducta librauit dextra media inter cornua caestus |
les forces que possédait mon corps, au temps de ma jeunesse, et la mort d'où a été rappelé Darès, qui vous reste vivant ». Il dit et, se dressant devant le mufle du taureau, prix du combat, qui lui faisait face, il ramena en arrière son bras droit, de haut il asséna entre les cornes les cestes pesants |
5, 475 |
arduus, effractoque inlisit in ossa cerebro : sternitur exanimisque tremens procumbit humi bos. Ille super talis effundit pectore uoces : « Hanc tibi, Eryx, meliorem animam pro morte Daretis persoluo ; hic uictor caestus artemque repono. » |
et les enfonça jusqu'aux os, lui ayant éclaté.la cervelle. Le taureau abattu, sans vie, tremblant, s'affale sur le sol. Entelle laisse encore ces paroles s'échapper de son coeur : « Éryx, en t'offrant en échange de la mort de Darès une victime meilleure, je m'acquitte de ma dette ; vainqueur, je dépose ici mes cestes et mon art ». |
5, 480 |
Notes (5, 362-484)
combat de ceste (5, 362-484). Cette troisième épreuve rappelle sur plusieurs points la description, plus courte, d'Homère (Iliade, 23, 653-699) et, chez Apollonius de Rhodes (2, 1-153), le combat entre Amycus et Pollux. Cfr aussi Théocrite, Idylles, 22, 44-134.
mains bandées de cuir (5, 364). Les cestes (caestus) étaient des « gantelets pour le pugilat. Ils consistaient en courroies de cuir attachées autour des mains et des poignets, et montant quelquefois jusqu'au coude ; ils étaient aussi armés de plomb ou de clous de métal » (A. Rich, Dictionnaire, p. 91). Ils tenaient donc plus du coup-de-poing américain que du gant de boxe.
voilé d'or et de bandelettes (5, 366). L'expression vise peut-être deux formes distinctes de décoration, d'une part des bandelettes (cfr 2, 133), d'autre part des cornes dorées (cfr 9, 627). C'était l'ornementation rituelle des animaux destinés au sacrifice.
Darès (5, 368). Ce personnage n'intervient que dans cet épisode, à moins qu'il ne faille l'identifier au Darès, cité en 12, 363, dans l'énumération des nombreuses victimes de Turnus. Il est présenté sur un ton épique, exagéré, comme un colosse surhumain. Virgile lui a prêté le nom d'un prêtre d'Héphaistos chez Homère (Iliade, 5, 9).
Pâris (5, 370). Le fils de Priam, mentionné à plusieurs reprises dans l'Énéide, en particulier à propos du « jugement de Pâris » (cfr 1, 27 ; 2, 602 ; 4, 215 ; 6, 57 ; 7, 321 ; 10, 702 et 10, 705). Il n'était pas seulement le bel amant d'Hélène ; c'était aussi un champion redoutable et fort.
Boutès (5, 372). Trois Boutès apparaissent dans l'Énéide (cfr aussi 9, 647, et 11, 690-691). Celui qui est mentionné ici est censé avoir affronté Darès dans les jeux funèbres organisés en l'honneur d'Hector, le fils aîné de Priam, mort sous les coups d'Achille (cfr 1, 98-99). Plusieurs autres Boutès interviennent dans la mythologie (cfr le Dictionnaire de P. Grimal et celui de J.-Cl. Belfiore). L'un d'entre eux, Argonaute ou roi indigène de Sicile, est parfois présenté comme le père d'Éryx.
Amycus le Bébryce (5, 372-373). Amycus, fils de Neptune, roi légendaire des Bébryces, une peuplade thrace habitant les rives de la mer Noire, passait pour l'inventeur du ceste, provoquant à la lutte tous les étrangers. Il fut finalement vaincu par Pollux, selon Apollonius de Rhodes (Argonautiques, 2, 1-153) et Théocrite (Idylles, 22, 44-134).
Aceste (5, 387). Le roi sicilien, dont il est beaucoup question au chant 5 (par exemple 5, 30).
Entelle (5, 387). Connu seulement par ce passage, ce compagnon d'Aceste serait le fondateur d'Entella, une ville de Sicile, chez les Hélymes (cfr 5, 73).
Éryx (5, 391). Considéré comme un fils d'Aphrodite (et, dans certaines versions, de Boutès), Éryx aurait donné son nom à la montagne au nord-ouest de la Sicile, non loin de Drépane (3, 707), sur laquelle s'élevait un célèbre temple d'Aphrodite (cfr 1, 570 et 5, 24), dont on lui attribue la construction. Le personnage sera évoqué à plusieurs reprises dans la suite du chant (5, 401-404 ; 5, 412-419).
Trinacrie (5, 393). C'est-à-dire la Sicile.
Celui-ci rétorque (5, 394ss). On comparera avec les regrets du même ordre qu'Homère met dans la bouche de Nestor (Iliade, 23, 626-651) et de Laërce (Odyssée, 24, 376-382).
les immenses peaux de sept énormes boeufs (5, 404-405). Exagération épique, sans doute inspirée d'Homère, Iliade, 7, 220, où Ajax porte « un bouclier de bronze à sept peaux de boeuf ».
le combat affreux (5, 411). Quand Hercule ramenait en Grèce les boeufs de Géryon (cfr 8, 202), il rencontra Éryx en Sicile, et le tua dans le combat qui les opposa. Hercule est appelé l'Alcide, car il descendait d'Alcée, le père d'Amphitryon, père putatif d'Hercule.
Érymanthe (5, 448). Chaîne de montagne d'Arcadie, où Hercule tua le sanglier d'Érymanthe.
Ida (5, 449). La forêt qui surplombait Troie (cfr notamment 5, 252).
mit fin au combat (5, 463). Comme Achille met fin au pugilat chez Homère (Iliade, 23, 734).
d'autres forces... (5, 466-467). Entelle est visiblement aidé par une force surnaturelle, sans doute le dieu Éryx. Énée lui suggère de céder.
on les rappelle (5, 471). Comme Darès est incapable de recevoir lui-même son prix, ce sont ses compagnons qui le remplacent. On verra chez Homère (Iliade, 23, 696-699) comment se termine le pugilat.
le casque et l'épée... (5, 472). Ce sont les prix de consolation qui avaient été présentés en 5, 366-367.
(5, 483-484). Entelle, en immolant à Éryx un taureau plutôt que Darès, se montre ironique et méprisant à l'égard de son adversaire. Ces deux vers de Virgile pourraient aider à interpréter un passage un peu obscur du pamphlet anonyme du IVe siècle p.C., intitulé Carmen contra Paganos, vers 62-63 : Contra Paganos
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