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Rencontre sur le parking

Les deux gamins se tenaient devant le parking à vélo. En me voyant attacher ma bicyclette, ils s’approchent.

-      Hé M’sieur, vous allez où, m’sieur ? 

-      Je vais au Boxing beats

-      Vous allez faire des photos ?

-      Non. Je vais au cours de boxe.

-      Mais vous êtes vieux pour faire de la boxe !

-      Tu as quel âge, toi ?

-      J’ai douze ans, m’sieur. Je suis en cinquième. Le petit, il a onze ans. Il est en sixième.

-      Vous faites quoi ici ?

-      On s’est inscrit à la boxe, m’sieur. On va venir le mercredi.

-      Vous avez fait de la boxe déjà ?

-      Non, c’est la première fois.

-      Ça vous fait peur ?

-      Ben on sait pas. C’est de la boxe éducative ils nous ont dit.

-      C’est quoi qui vous fait peur ?

-      On est petit encore. On va peut être recevoir des coups par des plus grands.

-      Tu apprendras à en donner aussi. Et puis à parer. Tu verras, c’est rigolo.

-      Ah, ouais, on va venir mercredi. À bientôt, m’sieur.

Mon problème pour le moment, c’est les crochets. Quand Sébastien ou un autre tente un crochet, il arrive toujours à son but.

Je sais parer les crochets en taï-chi. Je rentre dans la garde et accompagne le mouvement circulaire.

En boxe je ne vois pas. Je ne vois même pas vraiment arriver le coup. Alors je reçois pleins de coups sur les tempes.

Repérages au Boxing Beats 2014 - 2015

Gala du Boxing Beats d’Aubervilliers


Vendredi 25 avril 2014 : Gala du Boxing Beats à l'espace Fraternité d'Aubervillers

affiche gala boxingbeatspoursite

C'est le premier gala de boxe auquel nous assistons. C'est dans un Magic Miror, pas loin du canal de Saint Denis. Comme dans un cabaret nous sommes assis dans des loges où on nous apporte à manger.

À notre table : Agnès Muller (du service sport du Conseil Général du 93, Sylvère Chamoin (chef de service achat au consortium Stade de France), Hassen (prépare Roland-Garros catégorie plus de 50 ans), Véronique Aubert est passée (chargée de communication au théâtre d’Aubervilliers), Bourette (qui fait les costume de la Revue Éclair), Stéphane et moi.

Nous rencontrons : Martial Byl (directeur de la jeunesse et des sports d’Aubervilliers), Said Bennajem(directeur du Boxing Beats)

Entre les séries de combat, nous assistons à un défilés de mode entre les tables,  une démonstration de danses berbère accompagnée par un fanfare marocaine,

À la fin, une chanteuse lyrique chante sur le ring tandis que la salle se vide. Nous sommes une demi-douzaine à nous rapprocher pour l'écouter.

Nous avons assisté à 13 combats (cadets, juniors, seniors et différentes catégories de poids, 10 hommes et 3 femmes).

Pour lors d'un des derniers combats de la soirée, Sarah Ourahmoune, la médaillée olympique remonte sur le ring pour la première fois depuis son arécent accouchement. Plus tard, elle vient saluer notre table, son minuscule bébé dans les bras.


Mardi 20 mai 2014 : Entrainement au Boxing Beats d’Aubervilliers

Par le poing naît l’espoir, par l’espoir naît l’histoire : la devise du club est tagée sur un mur de la salle d'entraînement.

De 18h30 à 20h30 : entrainement des compétiteurs par Sounil Louazani

Nous discutons  avec un autre entraineur : Hamed Herkati en regardant l'entrainement. Il dit avoir fait tous les sports de combat, et que seule la boxe donne cette excitation.

Les compétiteurs s’entrainent tous les jours. Deux filles sont  là (l'une est Juliette de Swarte). Environ 15 garçons s'entraienent aussi. Il faut dix ans pour former un bon boxeur dit Ahmed.

boxeuse dossounilpoursite

Je regarde un  jeune junior s’entraîne avec les seniors.

Le cours commence par des courses autour du ring pour l'échauffement. Puis les boxeurs répètent des enchaînements de coups.  Ensuite, une série d'assauts. Et enfin, pompes, gainage, étirements

Une sono joue de la  salsa en permanence.  La sonnerie de la minuterie rythme le cours.


Vendredi 13 juin  : Entrainement Boxe au Boxing Beats d’Aubervilliers

(Par le poing, naît l’espoir, par l’espoir naît l’histoire)

Nous assistons d'abord au cours de boxe éducative des enfants (11 à 15 ans). Il est donné  par Deva Raymond

Nous rencontrons  la présidente, Natacha Lapeyroux qui boxe depuis 2 ans dans ce club et est présidente depuis 1 an. Elle anime par ailleurs un trés intéressant blog sur la boxe féminine. Elle écrit une thèse sur la présentation des femmes dans le sport à la télévision.

La minuterie commence à sonner :  quelques échauffements, des enchaînements de coups (2 direct avant, 1 direct arrière, crochet avant)

« la boxe c’est comme les échecs, c’est de la stratégie », « tu dois pas avoir peur des coups »dit Deva.

petitgarcon casquerougepoursite

Au début on s'entraine sans gants. Quand on est échauffé, on met les gants et on passe sur le ring.

À la fin ducours Deva propose un parcours dans la salle  : on enchaîne des coups contre trois poteaux,  puis face à l’entraîneur, et enfin sur les sacs.

Les trois garçons pratiquent depuis 1 ou 2 ans. Ils viennent trois fois par semaine. Ils se présentent aux compétitions

Deva les accompagne alors. (le dimanche, la pesée est à 8h et ça finit souvent à 19h)

Deva a arrêté la boxe en 2000. On perd des neuronesdit-il. A son époque,  tout le monde s’entraînait ensemble quelque soit son  niveaux.

L'entraînement des compétiteurs commence à partir de 17h30

C'est Saidqui le dirige.

Sont présents quatre garçons, et deux  filles (Julietteet Natacha).

D'abord, un parcours de renforcement musculaire et cardio : abdos, pompes, pas chassés avec un qui guide et l’autre qui suit, lancers ballons, faire tourner cercle de fonte, élastique aux bras etc

Puis les assauts. La boxe corps à corps me fait penser à la danse

Un miroir est installé comme dans un cours de danse. Il sert pour faire du Shadow boxing, boxer contre son ombre.


Jeudi 15 janvier 2015 : Entrainement au Boxing beats

Entraînement des compétiteurs de 18h30 à 20h30.

Les compétiteurs s’entraînent pour les élimininatoires pour les sélection au 1/8è de finale des championnats de France.  La compétition aura lieu dimanche prochain  à Argenteuil et le week-end  prochain dans un lieu à préciser, (à Saint-Ouen  peut-être?).

Le photographe du journal d’Aubervilliers (Ounil) est là.

Nous regardons les filles s’entraîner par séries de quatre rounds :

-Mayli Nicar contre Yacine

boxeuseSounil pour site

-Juliette de Swarte (Championne de France 2013 en pré-combat sénior) contre Sydney

-Fatima el Kabous (Championne de France 2006 et 2007 en boxe éducative) contre Christelle pendant 2 rounds puis contre Stelly Fergé (Championne de France 2009 boxe éducative) pendant 2 rounds

-Christelle contre Stelly Fergé pendant 2 rounds

Puis Sounil coache un garçon tandis que Sait coache Julien Frégé

Les deux entraineurs ont les pattes d’ours et font faire des enchaînements de coups répétés

Ceux qui ne sont pas sur le ring sautent à la corde, boxent sur les sacs, font des abdos, répètent des enchaînements de coups.

On entend  le bruit métronomique de la corde à sauter, les sonneries de la pendule, les coups sur les sacs, les coups sur l’adversaire, les instructions de l’entraîneur (varie le rythme ! c’est toi qui impose ton rythme, pas l’adversaire ! la boxe c’est trois coups ! ne recule pas ! boxe ! les arbitres seront favorables à celui qui prend l’initiative ! ne lâche pas !)

julien saute cordepoursite

Le boxeur Julien Frégé est comédien. Je l'avais croisé à La Métive en juillet 2010 lorsque je faisais la logistique de Jean-Christophe qui marchait le long du méridien de Paris.


Championnats pré-nationaux de boxe anglaise au Complexe Sportif Jean Jaurés à Argenteuil

J'y vais le samedi après-midi.

J'arrive à 15h, et redépartirai à 17h.

L'entrée coûte cinq  euros.

Le caissier me pose un tampon invisible sur la main que le vigile à l’entrée éclaire avec une lampe qui le fait apparaître.

Deux salles : une salle avec deux rings où on lieu les combats. Dans la seconde  salle les boxeurs s’échauffent, attendent, laissent leurs affaires.

C'est là que sont affichés les tableaux de passage

.tableau des passages pre nationaux 17 janvierpoursite

Une buvette avec des gâteaux fait maison par les membres du club d’Argenteuil.

La salle est petite, il y a deux rangées de chaises qui font face aux deux rings.

Je vois 8 combats sur le ring B. Les combats sont en 3 rounds de 3 minutes. Les combats sont gagnés soit par abandon de l’un des combattants, soit par décision (unanime ou non) des juges. Le speaker annonce les noms des combattants, le club d’où ils viennent, la catégorie de poids, le directeur de combat. Il annonce le nom du vainqueur à la fin.

À chaque fin de pause il dit : « Soigneurs dehors !» (au début j’entendais : "Soigneurs d’Or ! ")

Je regarde combattre Claude Parizy (Enzo). Je  le reverrai la semaine d’après à L’Ile Saint-Denis, sa mère exécute une véritable danse autour du ring quand il boxe. Les coups sont impressionnants.

Je regarde  Julien Frégé du Boxing Beats contre Dylan Coquillat du Ring Giennois. Catégorie moins de 60kg. Julien gagne par décision des juges. Il s’en prend quand même plein la tronche ! en règle générale, ils se prennent pas mal de coup. Mayli Nicar l’encourage pendant tout le mach : « allez Julien !» Elle a une voix incroyable.

Julien Frege avant lannonce de sa victoire 17 janvier 15recadreepoursite

Je quitte avant le combat de Lounis Maouchi (qui gagnera). Ils combattront à nouveau le lendemain : Julien perdra et Lounis gagnera


Samedi 24 et dimanche 25 janvier 2015. Championnats de boxe complexe sportif de l’Ile de Vannes sur l’Ile Saint-Denis

Samedi :

Sébastien y va samedi et dimanche, Stéphane passe le samedi, et moi aussi de 17h à 20h30.

Immense salle d’architecture pure style 70 flamboyant. Les deux rings paraissent paumés dans le lieu. La salle est glacée.

Je croise deux jeunes filles sur la route pour venir, dont une fait de la boxe française dans la banlieue sud. Elles viennent « pour voir ».

Les vigiles sont débordés et finissent par laisser les spectateurs quitter les gradins pour s'agglomérer autour des rings, comme l'impose désormais le plan Vigipirate.

J’arrive pour le combat de Lounis Maouchi (catégorie 69kg), qui boxe bien. Pourtant, les juges donnent son adversaire vainqueur. Said est dépité, Sounil énervé. Personne ne comprend. D’autres combats auront lieu dans l’après-midi qui donneront lieu à des contestations des décisions arbitrales. Un entraineur crie aux juges  : « Vous dégoûtez les jeunes de la boxe ! » Un homme trouve qu’il vaut mieux faire du MMA (parce que la triche est moins possible).

Clément Oppenot du BB (catégorie 91 kg) gagne. (alors que je pensais qu’il ne gagnerait pas) Il n’était pas vraiment dedans. Sounil l’engueulait. Je revois Enzo dont la mère danse autour du ring, tape du pied comme dans un flamenco.

Deux boxeuses ile st denispoursite

Pour les filles :

Je vois les combats de :

Juliette de Swarte du BB(catégorie 48 kg) contre Sabah Ghades. Juliette perd.

Sabah se fait engueuler par son entraineur : « Tu veux pas le gagner ce combat ?, alors pourquoi tu montes sur le ring ? », « tu dors, là, tu dors ? », « réveille-toi ! »

Fatima el Kabouss du BB (catégorie 54 kg) contre Ludivine Lasnier.

Fatima gagne. L’entraineur de Ludivine est furieux, il la fait descendre du ring avant la décision des juges. Said la convaint de remonter sur le ring pour l’annonce de la décision. Le mari de Fatima est là avec leur bébé.

Stelly Fergé du BB (catégorie 57 kg) contre Julie le Galliard. Stelly n’est pas dedans. Sounil est fou : il l’engueule pour lui donner la pêche. Elle recule. J'ai l'impression  que son adversaire a sa mère et son grand-père pour entraineurs.

deux boxeursarbitre ile st denispoursite

Je note les instructions des coaches : « ça fait pas mal les coups ! », « ta garde ! », « monte tes mains ! », « lève ta garde ! », « avance !, « gauche, droite, gauche ! », « trois coups ! », « c’est maintenant ! », « à distance ! », « continue comme ça ! », « tu gagnes avec ton direct, Jeremy ! », « gauche, crochet gauche ! », « t’as que ça à faire j’te dis ! », « garde ta distance ! », « travaille en ligne ! », « bouge, bouge ! », « passe ton bras arrière ! », « avance, avance ! », « en bas, en haut ! », « monte ta garde ! », « vas-y, travaille ! », « impose ta boxe ! », « impose ton style ! », « ton crochet, met-lui ! », « la première, fais mal la première ! », « la laisse pas t’accrocher ! », « attend qu’elle arrive ! », « fais-là reculer ! », « tout de suite, tout de suite ! »,« travaille, travaille, travaille ! »

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Je croise Natacha (la présidente du BB qui arrive juste après le combat de Sounil), les trois entraineurs (Said, Sounil et Hamed), les autres combattants du BB. Un homme qui anime le club photo tous les mardis au BB (David Molina). (l’autre animateur du club photo est Walter, un allemand, buraliste et photographe amateur passionné de sport/ info donnée par Agnès Muller) Un vieux monsieur voûté, l’Équipe sous le bras, avec un beau sourire,qui suit tous les combats et connaît tous les boxeurs du BB. Il me dit qu’il suit le BB ?

Je quitte le lieu après être allée aux toilettes : pas chauffées, sans papier… les sportifs sont dans des conditions assez terribles !)

Dimanche 25 janvier 2015 :

Je vois un nouveau combat de Lounis Maouchi, qu’il remporte haut-la-main.

Fatima el Kabouss perd son combat, alors qu’il me semble qu’elle a dominé le match. La décision est contestée par les entraîneurs. Pendant le combat une arbitre se tourne vers mon coin et demande aux supporters « surveillez votre langage  !». c’est vrai que plus le match avance plus on peut entendre fuser des cris :  « détruis-la ! », « tu la défonces ! »  mais aussi « je t’aime ! »

juges ile st denispoursite

Clément Oppenot du BB gagne aussi. Etonnamment (il n’a pas l’air vraiment concentré, ou d’avoir trop peur, mais il tape fort). Je regarde Fatima au bord du ring,   son visage est bien marqué.

Deux combats sont arrêtés pour blessure (arcade ouverte). Plus tard un entraîneur viendra se plaindre aux juges de ne pas faire assez attention aux boxeurs : s’ils sont blessés ils ne pourront pas combattre la semaine suivante.

Pendant tout leweek-end, j’ai l’impression de croiser une majorité de visages aux nez cassés. Des générations de boxeurs. Des plus jeunes aux plus vieux. Les femmes aussi.

Pendant un autre combat où un boxeur est blessé (alors qu’il vient de remporter les 2 premiers rounds) j’entends les supporters lui crier de monter sa garde et de protéger sa blessure. S’il saigne le combat risque d’être arrêté alors qu’il gagne aux points.

Je suis effrayé par un autre combat où je vois l’un des boxeurs prendre plusieurs coups à la tête. Visiblement groggy, n’arrivant plus à se protéger, il continue à encaisser des coups. Finalement, ’arbitre arrête le combat , ce qu'il aurait du faire beaucoup plus tôt. J’e pose la question à des spectateurs autour de moi (genre anciens boxeurs). Pourquoi l’arrêt est arrivé si tard? J' ai l’impression qu’ils ne comprennent pas ma question, Ils n’ont apparemment  vu qu’un combat normal, ce qui compte c’est que la décision  soit incontestable. Or, elle l'est. Je me sens seul avec mon malaise.

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A la sortie, je me retrouve au beau milieu d’une conversation. J’écoute un homme qui a l’air d’être un entraîneur, parler des « jeunes » arrogants qui se croient sur youtube. « Les jeunes qui sont comme ça, sans garde, les mains en bas et qui te regardent, (il montre) ils te narguent, ils se la jouent, et ils le font bien en plus, t’y croirais, comme ils l’ont vu sur youtube, ils croient que c’est de la boxe, mais ils n’ont rien compris. Unjour ils tombent forcément sur quelqu’un qui sait boxer et alors là ça se passe mal. Dans ma salle, quand un nouveau arrive, je ne lui fais travailler que la garde et les directs pendant deux ans."


Mardi 17 février 2015 : Entraînement au Boxing beats

Nous arrivons vers 18h. Pas grand monde. Sounil est là qui s’entraîne.

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Nous montons  voir Said qui nous accueille radieux. Les filles ont gagné plein de médailles aux Championnats de France à Pontarlier le WE d’avant.Il nous montre l’article du parisien avec la photo de Mayli Nicar, sacré championne de France amateur dans la catégorie 69kg au terme de son sixième combat de boxe anglaise. Mayli est arrivée pour s’entraîner en juin dernier. Elle fait ses études de kiné à Bruxelles, a fait de la boxe thaï et son cousin lui a dit d’aller s’entraîner au Boxing Beats. Elle a c onfiance en Said. Il y a une bonne ambiance au club cette année, émulation et entraide entre les filles.

Sarah Ourahmoune a gagné son neuvième titre dans la catégorie 51kg et Stelly Fergé a perdu en finale dans la catégorie 57kg.

Il nous parle de Christelle Barbot qui vient de Lille et fait le voyage tous les soirs d'entrainement jusqu'à Aubervilliers.

Said est arrivé à ce qu’il voulait depuis 10 ans.Il veut faire maintenant avec les hommes ce qu’ils sont arrivés à faire avec les femmes.

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Said est en train d’organiser les deux galas du Boxing Beats qui auront lieu les 13 mars et 4 avril prochains à l’Espace Fraternité. Il cherche des adversaires pour les filles . Pour l’instant il a 12 combats de prévu. Ils ne feront pas de dîner comme l’année dernière (trop compliqué à organiser)

Certains boxeurs du BB ont des emplois négociés avec des entreprises, la RATP par exemple. Mais personne ne gagne vraiment sa vie en boxant en France actuellement. La différence entre les boxeurs amateurs, c'est qu'ils font beaucoup de combats presque pas dotés. Alors que les  boxeurs professionnels en font moins moins de combat, un peu doté. Mais les gains de la boxe leur donne juste de l'argent de poche, pas de gagner leur vie. Said a été quinze ans boxeur professionnel.

corine ecoutepoursite

Il se pose la question d’organiser les demi-finales et finales des championnats de France l’année prochaine à Aubervilliers. La fédération vend au club pour 12.000 euros le droit d'organiser les deux jours de compétition.  Le club pour demander  des aides de la région et du CG pour payer l'organisation. En 2005, un club devait organiser la finale, s’est désisté au dernier moment, la fédération a appelé Said une semaine avant : « On est dans la merde ». Said leur a dit qu’il n’avait pas d’argent. La fédération lui a dit : "Tu peux mettre combien ?" Said a répondu : "1500 euros pas plus". Ils lui ont laissé le championnat pour 1500€. L’intérêt d’organiser c’est de faire connaitre les boxeurs du club.

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Il parle des démêlés avec la fédération : le prix des licences en loisir (54 euros). Maintenant il peut affilier à une autre fédération qui coûte 25 euros par licence. La FFbBoxe a fait voulu faire un procès au club lorsqu'il a commencé à afflier les boxeurs de Boxing Beats à cette fédération-là. 

En général, il regrette la déconnection des dirigeants de la FFBoxe avec le terrain. Par exemple, Said a proposé à la fédération le programme de boxe éducative dans les écoles primaires. La fédération n’en a pas voulu. Lui,  l’a mis en place sur Aubervilliers. Dans toutes les écoles à partir de 9 ans. Chaque enfant, joue, arbitre, organise. Il y a un grand tournoi à la fin de l’année. C’est mixte. Les filles arbitrent les garçons et inversement. Ensuite, la fédération a voulu récupérer le truc : Said a refusé.

La fédération ne forme pas assez de jeunes arbitres à son sens.

Said a plein d’idées pour la suite : Une grand journée d’éducation à la boxe sportive en plein air sur un stade par exemple.

Je rencontre ensuite David Molina, photographe qui anime l’atelier photo/vidéo/journalisme. Je lui parle du Cercle .

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Nous descendons enfin voir l’entraînement


Gala du Boxing Beats d’Aubervilliers

 Nous voilà de retour, un an plus tard, au Gala du Boxing Beats dans le Magic Mirror d'Aubervilliers.

À présent, nous pouvons mettre des noms sur les visages des boxeurs sur l'affiche.

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Sébastien et Corine

À notre table, nous retrouvons Agnès Muller du service sport de la seine Saint denis, que nous retrouvons régulièremen avec plaisir tors de notre exploration des clubs de sports de combats dans le 93, Pascal Mathieu (son chef), Patrick Chevallier qui veut faire un Webdocumentaire sur la place des femmes dans le sport

Nous rencontrons  Martial Byl (directeur de la jeunesse et des sports d’Aubervilliers) qui vient parler affaires avec Pascal Mathieu. Le sujet qui occupe tout le monde est la candidature de Paris aux jeux Olympiques. Le ring tout neuf a été payé par le CG qui sera remercié plusieurs fois dans la soirée ainsi que les autres partenaires publiques (ville, région) ou privé.

L'an prochain, nous ne retournerons pas au Magic Mirror car la mairie d’Aubervilliers va arrêter de louer ce chapiteau qui sera démonté fin juin. Ça coûte 150.000 euros par an. Les manifestations se feront désormais à l’Embarcadère (le conservatoire en face de La Commune)

Mélanie et Juliette du Boxing Beats font match nul.

Mayli, Enrike  gagnent leur match.

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Durant l'entracte des chorégraphies contemporaines de Indans’cité sont présnetées. Que des filles.  Ça me rappelle les galas des chamois de Pithiviers, le club de danse où j'ai commencé la danse. Mais dans ce gala de boxe, les spectateurs ne sont pas venus voir de la danse contemporaine ! Je les trouve courageuses de monter sur le ring pour danser... Elles dansent bien.

Fatima , ainsi que Julien gagnent.

Lahsen perd.

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Se défendre - Elsa Dorlin

Chronique sur le livre de la philisophe Elsa Dorlin, d'un théorie de l'auto-défense des minorité;

Elsa Dorlin –

Se défendre. Une philosophie de la violence, Paris, La Découverte, 2017

Voilà un livre utile pour se mettre en place nos idées concernant la violence et sa légitimité - qu’elle concerne un groupe ou un individu -.

Il s’agit en somme d’une sorte de généalogie des pratiques de défense des minorités : esclaves noirs caribéens, juifs russes, suffragettes britanniques, militant gays californiens etc.

Elsa Dorlin est philosophe. Elle a consacré ses précédents ouvrages aux féminismes notamment. Elle pratique les arts martiaux. Quand elle dit : « Le jiu-jitsu permet de se défendre contre les policiers, contre les maris, les pères, les patrons », elle n’a pas seulement une idée, mais une pratique de ce dont elle parle.

Toute résistance est inutile?

Le livre s’ouvre par la description d’un dispositif d’exécution publique des esclaves condamnés pour avoir tenté de s’enfuir des plantations dans les caraïbes au 18° siècle. L’esclave était enfermé dans une cage, ses jambes chevauchant une lame acérée. La cage ne lui permettait pas de se tenir debout ; ses pieds reposaient sur des étriers. S’il voulait se reposer de la position tordue à laquelle le contraignait la cage, il devait descendre son bassin et se blessait contre la lame de métal qui finissait par lui découper les entrailles. L’esclave mourrait des blessures qu’il s’infligeait à lui même en tentant de s’échapper du piège, ou simplement de se reposer.

On ne pouvait signifier de manière plus éloquente que « toute résistance est inutile », pire, elle vous expose à des souffrance et à une mort pire que le plus long et le pire esclavage.

Tel est en effet le permanent discours des dominants : seule leur violence est légitime, seule leur violence est bonne. Celle des dominés est nécessairement non seulement inutile, mais contreproductive. Bon : quand vous vous révoltez vous trouvez toujours des bons esprits pour vous expliquer que « vous sciez la branche sur laquelle vous êtes assis » et « vous vous tirez une balle dans le pied ». Celui à qui ces phrases n’ont jamais été doctement administrées ne s’est jamais trouvé dans la nécessité politique de se défendre!

Généalogie

À l'instar de Nietzsche sur la morale, Elsa Dorlin retrace donc une généalogie de l’auto-défense des minorités, mais aussi une étude des diverses théories de légitimation de la violence. D’abord Hobbes, pour qui violence légitime est celle de l’état, seule puissance légitime : puisque l’homme est un loup pour l’homme, il est bon de châtier certains spécimens les plus agressifs et de contraindre le reste du troupeau à la paix par la terreur collective du châtiment. Hume, pour sa part, développe une théorie assez plaisante : l’homme a le droit de se défendre, il a même le devoir de défendre son corps, parce que ce dernier constitue sa première et dernière propriété. C’est parce que la propriété est le bien suprême qu’il importe donc de défendre son corps des atteintes des autres : voisins, méchants, gouvernements.

Elsa Dorlin n’en reste pas à ces hautes sphères et descend – c’est là le grand mérite de son livre – dans la mise en pratique de la défense de soi.

cercle cls93pour site

Jiu-Jitsu et sufragettes

Elle raconte très pratiquement l’invention ou la transmission de techniques de combat par les minorités : jiu-jitsu par les féministes britanniques défendant leur cortège contre les attaques des hommes opposés à leur revendication, ou krav maga par les activités juifs désireux de ne pas laisser les foules antisémites terroriser leurs quartiers sans répondre.

La finesse de son propos est de montrer aussi la réversibilité de la violence, comme ses effets pervers, sans pour autant en conclure à un une non-violence inactive, un irénisme déconfit ou un pacifisme lâche : autant de justification de la passivité.

Pour prendre trois exemples : les groupes d’auto-défense des communauté de migrants, des justiciers nocturnes, avec les même nobles justifications, voire les mêmes pratiques de lutte et de regroupements nocturnes peuvent se trouver au services des convictions les plus abjectes. On « défend nos terres et nos enfants » contre les méchants gouverneurs espagnols sous le masque de Zorro, comme on « défend nos femmes et nos emplois » contre les nègres sous la capuche du Ku-Klux-Klan.

Idem, la nécessité de faire mal, vite, radicalement, alors même qu’on est à proprement parler démuni devant les auteurs de pogroms tolérés voire encouragés par les autorités, amène à inventer un mélange de techniques de combats rapprochés qui prendra le nom de krav maga. Ne jamais refuser le combat, entrer le plus vite possible à l’intérieur de la garde d’un adversaire stupéfait par cette audace, utiliser n’importe quelle arme (tournevis ou caillou) pour lui porter des dommages irréversibles – le tuer si possible – c’est un art de combat des pauvres gens, et comme tel a-priori admissible pour quiconque ne se résout pas aux pogroms. Mais c’est devenu finalement la philosophie même de Tsahal, qui dans ses interventions à Gaza ne fait plus vraiment face à un adversaire tout-puissant.

Et enfin : quand dans les années 60, à l’instar des Black Panthers, les communautés gays de Californie décident de se doter de milices susceptibles d’interdire l’incursions dans les alentours de leurs boîtes de nuit de bandes d’extrême droite venant « casser du pédé »,   le résultat est in fine de renforcer la non-mixité des quartiers en question. Les nouveaux ghettos se créent, des quartiers d’homosexuels blancs, éduqués, insérés dans la société américaine, d’où sont rejetés les prolétaires noirs ou latinos, parfois - souvent ? - homophobes actifs. Telle n’était pas l’intention des initiateurs de ces groupes de défense, mais ce fut le résultat de leur militantisme et de la spéculation immobilière conjoints.

Retourner une arme

L’intention d’Elsa Dorlin en montrant la réversibilité de ses initiatives de défense n’est pas de décourager ceux qui, pour cesser de subir la violence, veulent apprendre à se défendre. Se défendre, c’est une aspiration légitime, l’affaire est entendue. Mais quiconque pratique les arts martiaux le sait : le danger de sortir un couteau de sa poche, c’est de voir l’arme retournée contre soi par un adversaire plus habile.

Cette vérité n’occulte pas la simple vérité qui est que les esclaves américains, les suffragettes, les juifs russes avaient bien raisons de vouloir se défendre, d’inventer leurs propres armes afin, et courageusement, d’affronter leurs oppresseurs.

Il passionnant d’observer grâce à son livre comment ils s’organisèrent pratiquement pour le faire.

Se nourrir

« Surveillez votre alimentation, les gars » nous a exhortés Frankie avant les vacances de Noël. « Mangez des légumes. Des viandes blanches. Pas trop de pain. Aucun twix ou cochonnerie de ce genre. »

Mon alimentation, je la surveille depuis des lustres. Depuis l’âge de vingt-cinq ans précisément. Depuis ce déjeuner dont je me souviens très précisément, où lors d’un tournage, je me suis retrouvé avec un sandwiche merguez-frites à la main. J’ai regardé le sandwich merguez-frites et je me suis dit : non, ce n’est possible, si je mange ce sandwich merguez-frites, là, maintenant, je vais me sentir mal tout l’après-midi, plus mal encore que si je ne mangeais rien. Toute mon énergie va passer à digérer ce sandwich merguez-frites, qui me semblait aussi indigeste que l’éléphant avalé par le boa dans « le Petit Prince ».

C’est à la même époque que j’ai senti qu’une nuit blanche ne se réparait pas, ne se rattrapait pas, en une seule nuit complète de sommeil, mais que je commençais à en traîner les séquelles une semaine durant.

C’est donc à vingt-cinq ans que j’ai senti que j’avais un corps. Avant, j’avais comme une sorte de machine insensible que mon cerveau poussait à ses limites, et qui n’existait que par la méfiance qu’il m’inspirait, puisque je ne le prenais en compte que lorsqu’il me faisait souffrir.

La démographie m’apprend qu’il me reste vingt-cinq ans à vivre. Vingt-cinq ans donc pour m’habituer à l’idée de voir décliner puis disparaître ce corps et donc ce que je suis.

Sébastien et moi échangeons sur les menus qui nous semblent les plus pertinents les jours d’entraînement. Je pensais - influencé certainement par la lecture d’ « Un morceau de steak » de Jack London - que l’idéal était de manger un morceau de filet de bœuf et une salade le jour de l’entraînement. Sébastien, lui, tient pour les pâtes, privilégiant les sucres lents. Tout compte fait, le menu et l’heure idéaux seraient de manger des sushis (combinaison de sucres lents, du riz et de protéines animales du poisson) trois heures avant l’effort (durée du travail de la digestion), c’est-à-dire à 15h.

La fatigue, la nourriture : je reviens sans cesse à cette gestion de l’énergie. Une gestion qui informe, organise ma vie avec la même rigueur que m’imposait l’exercice de treize semaines pour devenir vertueux, inventé par Benjamin Franklin.

La boxe me fait obéir à ce même phantasme de vie réglée, ordonnée, lisible, désirée, qui est le mien depuis mon enfance. Phantasme évidemment impossible de par la nature des évènements, de par mon manque d’une conviction, si ce n’est d’une foi, suffisamment forte pour m’aiguillonner perpétuellement dans la même direction. Ma principale crainte était que j’aurais pu aussi me surprendre à préférer la souffrance de l’aiguillon à l’exaltation de la perspective du sillon à creuser, ce qui eût été très ridicule de la part de quelqu’un d’aussi malin que moi.

Je regrette donc de n’avoir pas commencé à pratiquer le noble art lorsque j’étais jeune. Cet exercice m’eût permis de réserver dans ma vie un espace circonscrit et dédié à mon idéal intime d’ordre, d’abnégation, de sacrifice, d’effort, de discipline. Et d’ouvrir ainsi plus largement les temps restant à la jachère ou plutôt la garenne des mouvements spontanés – à supposer que les mouvements spontanés existent.

Tentative de description de la géographie d’un club de boxe : Le Boxing Beats à Aubervilliers

 

L’entrée

Le club est situé dans un ensemble de bâtiments municipaux de la Ville d ‘Aubervilliers. Il est logé dans un corps de bâtiment industriel en brique rouge. Il donne sur une cours partagée avec trois autres équipements de la Ville : un club de fitness, la salle de répétition dite « des quatre chemins » du Centre Dramatique National de la Commune, et les salles des « Labos d’Aubervilliers » consacré à la danse et à l’art contemporain.

Le club est en sous-sol. Pour y entrer, il faut donc quoi qu’il en soit descendre par un escalier de béton s’enfonçant sur le côté de la cours. Cet escalier donne sur deux portes. Une de ces portes vous introduit au Boxing Beats. L’autre à la salle de musculation attenante. Généralement, le novice va dans la salle de musculation, où il subit une forme de bizutage prenant la forme d’une indifférence totale des hommes suant sur les machines. Il lui faudra s’avancer dans la semi pénombre et le mélange de ahanements, de choc métalliques des machine et de musique de variété pour obtenir le renseignement requis auprès d’un forcené sur sa machine qui non sans condescendance l’invitera à ressortir et pousser la porte d’à côté.

On peut aussi accéder au Boxing Beats par un escalier métallique donnant directement sur la rue. Mais cette porte est rarement ouverte, sauf les journées (bien nommées) portes ouvertes, ou en été pour des raisons d’aération.


La salle principale

Les deux rings, raison d’être du club, apparaissent d’emblée au visiteur pénétrant dans la salle.

Protégés par leurs doubles rangés de cordes, ils dessinent un double espace sacré, où nul ne s’aventurera s’il n’y est explicitement invité par les entraineurs.

Ils sont disposés côtes à côtes, au niveau du sol. Face à eux, sur deux cotés, sont suspendus des rangés de sacs de frappe. Sur les deux autres côtés, un couloir ménagé entre eux et le mur permet de disposer des bancs où s’assoient les visiteurs. Une demi douzaine de spectateurs bénévoles s’y tient régulièrement. Si la politesse recommande de demander à l’entraineur l’autorisation de regarder travailler les boxeurs, celle-ci n’est jamais refusée. Sur le banc, on retrouve donc les familiers : frères, pères, mères, copains des boxeurs, mais aussi les visiteurs occasionnels : sociologues, artistes, journalistes, photographes. Si la présence du banc indique une hospitalité renouvelée avec équanimité, la station du visiteur sur ce banc n’en n’est pas moins précaire. D’abord parce que des bancs il n’y en a pas toujours : parfois, ils ont été déplacés à l‘intérieur du vestiaire. Mais surtout parce que l’espace entre les rings et le mur est relativement étroit et comme il est utilisé lors des entrainements comme zone de travail, le visiteur trouve alors plus pratique, prudent, poli plutôt que de serrer ses jambes sous le banc ou de se coller au mur pour éviter la corde à sauter que manipule le pugiliste devant lui, de s’asseoir sur les marches d’un des deux escaliers menant à la mezzanine où sont installés les bureaux.

Le premier escalier monte directement au bureau de Saïd. Cet escalier n’est quasiment utilisé par personne et finit par servir essentiellement de perchoir aux photographes et dessinateurs soucieux d’avoir une vue d’ensemble sur la salle.

Si Saïd souhaite intervenir dans un événement se déroulant dans la salle, il ouvre d’abord la fenêtre vitrée de son bureau. C’est de là qu’il haranguera ou admonestera les jeunes turbulents. Si la situation réclame une intervention directe de sa part, il descendra par le second escalier.

Le néophyte hésitera à s’installer sur ce second escalier, d’abord parce que pour s’y rendre il lui faut traverser toute la salle, et aussi parce qu’il est, à l’inverse du précédent, un lieu de passage qu’on répugne à encombrer d’une présence statique. C’est donc plutôt là que se percheront les habitués du club : par exemple c’est là que je m’installe pour regarder évoluer les jeunes qui sortent du cours de soutien scolaire.

Le second escalier recèle en dessous de ses marches de métal un espace multifonction, variant selon les heures. Durant les séances de boxe éducative, c’est l’espace des ados qui regardent leurs copains s’entrainer, mais sans participer. On glousse, on se chipote, on s’y affale. Cet espace adolescent se poursuit entre l’entrée des vestiaires des filles et les toilettes mixtes par une caisse contenant des médecine balls, caisse à la hauteur et dimension parfaite pour s’y asseoir à deux et bénéficier ainsi, et d’un point de vue surplombant, et d’un affichage avantageux de l’intimité des deux qui partagent la caisse.

L’espace « sous l’escalier » change de fonction au cours de l’entrainement. C’est là que certains (comme moi) déposent leur sac de sport avec bouteille d’eau, serviette afin d’y accéder plus rapidement que s’il l’avait laissé dans les vestiaires. Cette occupation de l’espace est une tolérance qui perdure tant que la présence des sacs ne perturbe pas les cours. « Faîtes-vous confiance les gars » nous exhorte Frankie pour inciter les boxeurs à laisser leurs sacs dans les vestiaires. D’ailleurs, plus l’année avance, plus les sacs restent dans les vestiaires.

L’espace au pied de l’escalier constitue aussi un carrefour entre le vestiaire des filles, les toilettes mixtes, et les vestiaires des garçons. C’est donc là que les garçons et les filles se saluent au fur et à mesure de leurs arrivées dans le club.

Saluer chacun, c’est très important. Il est capital de ne jamais sembler ignorer personne, même si les soirs où cinquante d’élèves se pressent dans la salle, il semble matériellement impossible de serrer cinquante mains. On se prend en considération quand on salue. On se regarde dans les yeux. Les plus jeunes se tapent les poings. Les filles se font la bise. Les garçons et les filles se font la bise au bout d’un certain temps, sur proposition de l’intéressée. Les hommes se font parfois la bise, mais auquel cas ce sont des théâtreux, comme Sébastien, Hervé ou moi. Rien que d’ordinaire dans ces salutations, me direz-vous, si ce n’est qu’elles sont appliquées avec une attention marquée, et qu’elles font du B.A BA inculqué semaine après semaines par les coaches aux plus jeunes.

Un règlement intérieur est au reste affiché sur la porte d’entrée du club, paradoxalement lisible uniquement par ceux qui sortent du club. « Ce ne sont pas des questions de détails que ces questions de protocole » comme l’écrivait Louis XIV dans son testament au Dauphin. Le risque inhérent aux duels qui constituent l’ossature de l’entrainement explique sans doute cette politesse obligée, mais aussi ce respect mutuel réel qui prévaut entre pugilistes.

C’est donc au pied de l’escalier en métal que boxeurs et boxeuses sortis en tenue des vestiaires enroulent leurs bandes autour de leur poing, étape ultime de l’habillement. Ce faisant, ils surveillent l’horloge judicieusement placée là, afin d’être prêts à l’instant où le professeur lancera le signal : « Allez on y va !  Trottinez ! ».

On échange par groupe mouvant de deux ou trois. On rapporte aux absents les exercices du cours précédent. On prend des nouvelles des blessures, on se plaint de sa fatigue, on s’inquiète de son poids, et on se raconte ses repas passés ou à venir en bandant ses poings.

Personne n’enseigne vraiment le bandage, on reconnaît donc les plus avancés à la qualité du tressage enserrant leur poignet. Cependant, il se trouve toujours quelqu’un pour finir par aider le débutant en lui montrant son propre art du bandage, chacun possédant in fine le sien propre. Il me semble être le seul à porter des bandes blanches. Cela a longtemps donné à mes mains un aspect déprimant de deux moignons plâtrés et à la propreté douteuse. En effet, après un premier lavage, une bande blanche ne revient jamais blanche, mais grisâtre. Actuellement, je ne les utilise plus car après une cohabitation malheureuse dans ma machine à laver avec les bandes rouges, elles sont devenues roses, d’un rose sale, irrécupérable. Le sujet du bandage est inépuisable, et chacun recommande sont tutoriel trouvé sur internet, propose sa solution pour protéger phalanges et poignets, surveille du coin de l’œil comment l’autre se débrouille. L’investissement d’un seul jeu de bande en début d’année ne s’avère viable que si on ne suit qu’un cours par semaine, et qu’on dispose ainsi du temps pour les laver et les sécher. Un boxeur assidu possède donc plusieurs jeux de bandes, et plusieurs protège-dents aussi. Les couleurs des bandes sont rouges, noires, bleus-blanc-rouge pour certain, blanches pour moi et roses pour certaines filles. Les bandes ne sont jamais de rose pour les garçons. Le rose est réservé aux filles et la présence d’un liseré ou d’un revers rose sur le vêtement ou le sac d’un garçon est l’objet des risées, sauf si c’est moi qui porte ce liseré, car je bénéficie d’un double privilège : celui de l’âge et aussi de l’extravagance relative de ma présence pour cette activité, dans ce lieu.

Certains boxeurs, très avancés et aguerris, se permettent d’arriver en retard. Comme on est déjà en train de trottiner autour de la salle, on se salue au passage d’une tape. Ces boxeurs blanchis sous le harnais sont capables d’un exploit attestant de l’ancienneté de leur pratique : ils se bandent les mains en courant.

Un troisième escalier métallique ouvre directement sur la rue. La porte en est fermée en hiver, et ouverte aux beaux jours quand la nécessité d’aérer la salle se fait sentir. Alors, un ou deux jeunes de la rue, en survêt, se campent dans l’embrasure pour observer d’un œil critique nos évolutions. Nous voyons leurs silhouettes se découper en contre-plongé et à contre-jour depuis notre fosse. L’espace au pied de ce troisième escalier est celui des solitaires. Un jeune homme aux cheveux coupés en brosse y dépose son sac. Un homme d’une quarantaine d’année, émincé, aux cheveux longs, le regard noir s’y installe aussi usuellement. Ce dernier semble bénéficier d’une forme d’extraterritorialité singulière, car il s’entraine uniquement aux sacs, semble plus ou moins choisir ses exercices, et travaille toujours seul. Un jour que je lui proposais un exercice ensemble, il m’a envoyé bouler en prétextant qu’il était trop vieux pour combattre, ce qui semblé être un assez vexant prétexte.

Voilà pour les espaces publics de la salle du bas du Boxing Beats.


Les vestiaires :

Un espace semi-privé est constitué par l’ensemble des vestiaires (hommes et femmes), les douches y attenant et les toilettes mixtes placées entre les deux.

Je ne peux rien écrire « de visu » concernant le vestiaire des femmes. J’en suis donc réduit aux récits que m’en font Caroline ou Zoé.

Je peux cependant risquer une observation d’ordre général. L’ouverture, la fermeture, l’entrebâillement des portes des vestiaires sont l’objet d’une tension semblable dans le vestiaire homme comme dans le vestiaire femme. La porte de chaque vestiaire est ouverte une trentaine de fois avant chaque entrainement. La porte reste souvent entrebâillée et permet de d’entrevoir un vestiaire femme tout à fait semblable à celui des hommes : mêmes bancs, même armoires métallique, même geste las de reproche implicite d’une main venant de quelqu’un assis à côté de la porte qui se dévoue pour fermer correctement la porte.

Je me demande si la taille des vestiaires homme et femme est égale. Zoé m’a confié qu’ils étaient équipés d’une douche, à l’instar de celui des hommes. Mais que cette douche installée sur l’emplacement d’anciennes toilettes n’est pas très ragoûtante. Ainsi, rares sont celles qui l’utilisent, ce qui explique le départ généralement plus rapide des femmes du club après l’entrainement. Certaines femmes arrivent avec les mains déjà bandées. Leur habillement de sport est le même que celui des hommes. Deux ou trois filles viennent voilées et le demeurent durant l’entrainement. On voit parfois Sounil avec ses pattes d’ours entrainer ces filles avant ou après le cours. Cela semble indiquer qu’elles se préparent pour des combats. Mais auquel cas, ôteront-elle leur voile le temps du combat ? Mystère. Je souligne ce point du voile uniquement pour l’inévitable curiosité qu’il soulève hors de club. Mais le point saillant, vu de l’intérieur, c’est que le port du voile ne pose aucune question ni problème politique ou pratique pour la pratique commune de la boxe.


Les vestiaires des hommes :

Le vestiaire homme mesure quatre mètres sur quatre. Cette relative exiguïté impose une certaine rotation dans son usage. L’utilisation successive des bancs se fait naturellement au fil des arrivées. À la fin du cours, on se succède au gré des préférences de chacun. Certains vont directement se changer. D’autres restent dans la salle pour pratiquer des étirements. Certains passent sous la douche, d’autres non. Je n’ai aucune pratique personnelle de la douche collective, et une pruderie datant de mon enfance m’en interdit l’accès. L’usage des douches collectives a été depuis mon enfance un repoussoir majeur à la pratique du sport. L’expérience au Stade Français d’un essai collectif avec d’autres camarades footballeurs, a marqué ma mémoire d’un sentiment de mélancolie et d’une rejet presque viscéral des bans en bétons froid des vestiaires, des blagues graveleuses sous une douche hoquetant, et de la surveillance pénible d’entraineurs en gabardine trainant au milieu de garçons à demi nus. J’étais retourné illico à nos séances de footballs autogérés à l’air libre des terrains du polygone de Vincennes.

Certains boxeurs se douchent nus, d’autres en slip, il y a même un garçon qui sort nu des douches et s’essuie sans vergogne au milieu de nous. Tout se déroule dans la politesse et la discrétion. Voilà qui a tranquillisé le petit garçon que je ne suis plus.

Le vestiaire est un théâtre. Un verbe haut s’exerce là, qui n’a pas place ailleurs. Ce théâtre est essentiellement assumé par trois ou quatre boxeurs qui prennent en charge les dialogues, les diatribes, et les a parte. Trois modes majeurs de parole se distinguent.

1 : le soliloque. Adressé à tout le monde et à personne il part d’une question générale, par exemple : y aura-t-il cours lundi prochain ? Il décolle depuis cette piste pour s’envoler vers la confession générale : moi, toutes le semaines, je viens. Si tu perds le rythme, c’est trop dur. Si tu viens pas une fois, c’est foutu. À Noël même, je viens. Noël, je m’en fous. L’année dernière, à Noël, j’ai bu une demi bouteille de champagne et au lit. Ah ouais, Noël j’en n’ai rien à foutre.

2 : le dialogue. Généralement celui ci porte sur un combat, soit entre deux membres du club durant une compétition interne, soit observé dans tel ou tel gala de région parisienne, ou encore observé à la télévision. C’est un commentaire a-postériori, en duo, souvent sur le mode du surenchérissement, et n’ouvre presque jamais sur un débat, sauf sur un point technique. Parfois un troisième interlocuteur qui a assisté au combat, ou connaît l’un des protagonistes en question met son grain de sel dans la conversation : « ah, oui, Untel, il a un coup droit monstrueux. Monstrueux. »

3 : le chœur. Le sujet le plus propice au chœur est le foot. Là presque tout le monde dans le vestiaire a vu le match ou connaît les équipes en cause. L’idéal pour lancer le chœur est d’évoquer le revers spectaculaire de l’équipe favorite de l’un des boxeurs, par exemple chambrer la Nième défaite du PSG en quart de finale de Champions League, ou la descente possible de l’OM en Ligue 2. « OK, OK. La saison est foutue. Allez-y. C’est des chèvres. C’est clair, je l’avoue. Allez Allez, défoulez-vous tous un bon coup. Vous avez raison. On est ridicule, si on descend pas on a de chance, je dis même moi. Mais attendez, la saison prochaine, moi, je dis, vous verrez ». Au chœur répond vaillamment le solo du supporter dépité.

La place idéale pour les soli est à côté de la porte. Dans le théâtre du vestiaire, tout le monde ne se risque pas sur scène. La plupart d’entre nous hochent la tête, approuvent, ou sourient. Pour monter sur scène, il faut un certain passé dans le club, avoir dépassé la vingtaine d’année, faire partie des « avancés », et témoigner de l’aplomb et du talent oratoire requis.

Moi, dans le vestiaire, j’écoute et ne dis presque jamais rien.

Des places ont fini par se fixer au cours de la saison dans le vestiaire. Ainsi, Sébastien et moi nous changeons-nous dans le coin au fond à droite. Hervé, plus sociable, sur le banc du milieu.

Devant un des murs est disposé une longue armoire en métal présentant une série de casiers. C’est là que je laisse mon sac personnel avec portefeuille, téléphone portable etc. Ce rangement est tout symbolique car, comme la plupart des boxeurs, je ne ferme pas la porte avec un cadenas comme le règlement du club invite à faire. Hervé fermait en début d’année son casier avec un cadenas. Depuis son retour, je n’ai pas eu le temps de vérifier s’il continue à afficher cette prudence.

L’armoire métallique est couverte de coupes, de tailles et de modèle divers. Rien n’indique où et quand ont été gagné ces trophées qui littéralement se couvrent de poussière. On peut voir dans cette exposition un encouragement au travail, et aussi une leçon d’humilité.


Les toilettes.

Elles sont mixtes. Elles comportent : un urinoir dans un renfoncement, un wc à la turque protégés par une porte, un long lavabo équipé de deux robinets à poussoir.

Ces dernières semaines, l’urinoir est condamné. En début d’année, deux ou trois cubes de désinfectants bleus y reposaient. Ils dispensaient une odeur lourde, astringente, piquante qui imprégnait l’ensemble des toilettes. Lorsque je retrouve ce parfum dans d’autres lieux, immédiatement je me retrouve dans l’atmosphère du club.

La plongée dans ce parfum piquant, entêtant, insidieux, de produit pour collectivité rythme l’heure et demi que dure le cours. Des minutes de récupération sont octroyées toutes les vingt minutes environs, accompagné du conseil répété de s’hydrater. On va donc se désaltérer au lavabo, devant lequel se met en place un ballet d’entrant et de sortant. La question qui revient au début de chaque entrainement est : est-elle froide ou est-elle chaude ? Pour des raisons tenant probablement à la nature municipale du lieu, le robinet arbitrairement déverse une eau soit tiède, soit froide, sans aucune logique discernable d’heure, de saison, de circonstance. Je bois selon les conseils du coach par petites gorgées – cinq au maximum-. C’est là qu’on rince les protège-dents avant ou après les assauts.

C’est enfin là que vont s’épancher les nez dégoulinant de sang après un coup trop bien ajusté. Le carrelage est plus souvent qu’à son tour maculé de tâches semblables à des étoiles rouges sur un ciel gris. À la fin de la séance, l’évier peine à évacuer une eau douteuse mêlée de sang et de glaires.

Je me demande si je suis le seul à me poser cette question toute à fait idiote : est-ce très propre de pisser dans un urinoir avec les mains bandées, ce qui interdit de se les laver après ?


La mezzanine.

Les corps sont donc en bas, tout à fait en bas, puisque le gymnase est situé en contrebas de la rue. L’esprit est en haut, sur la mezzanine, là où se trouve la salle dévolue au soutien scolaire, et le bureau de Saïd. À supposer qu’il soit possible de séparer corps et âme (ce qui n’est pas mon sentiment), celui qui veut accéder aux hautes sphères doit donc emprunter un des deux escaliers métalliques. Comme un escalier est quasiment condamné, il passera par le second et accèdera à son sommet directement sur la salle de cours.

Elle est divisée en trois espaces. Une série d’ordinateurs est alignée face au mur dans la partie jouxtant le bureau de Saïd. Ces ordinateurs qui ne sont pas connectés sur internet ne sont presque jamais utilisés. Les tables sont donc proposées aux collégiens dont le travail nécessite un silence relatif.

Autrement, le travail scolaire se fait le plus généralement autour d’une table rectangulaire pouvant accueillir jusqu’à huit étudiants. Derrière cette table, une armoire métallique renferme divers ouvrages disparates (dictionnaires, livres scolaires, ouvrages sur la boxe, encyclopédies) et des jeux de société. C’est là que désormais nous enfermerons le goûter promis aux gamins, car l’expérience nous prouve que si notre réserve de biscuits et de jus de fruits demeure dans un placard ouvert, une souris qui doit avoir la taille d’un boxeur passe et d’une semaine sur l’autre et nous nous retrouvons fort démunis à l’heure attendue du goûter.

Le troisième espace est un salon marocain dont Saïd a récemment apporté les meubles qui permet de rassembler les jeunes qui n’ont pas de devoirs à faire autour d’un jeu de société.

On constate une tension entre les deux espaces extrêmes de la salle, l’espace des ordinateurs vers lesquels Claudine essaye de diriger les jeunes afin que François, son époux, leur fasse la démonstration du logiciel pédagogique qu’il a conçu et fabriqué, et le salon marocain où Zoé décrypte les règles du jeu de société autour desquels les ados s’agglutinent. Ce sont bien deux visions pédagogiques qui sourdement s’opposent là. Je pourrais donner mon point de vue sur la chose, mais ma position d’observateur impartial me l’interdit. Je dirai simplement pour conclure que parfois, à l’occasion d’un anniversaire par exemple, le système d’occupation de l’espace connaît une mutation radicale : Claudine alors, qui a confectionné un gâteau, invite les jeunes à le partager dans l’espace réservé au jeu, territoire de Zoé. C’est un instant de communion, il faut bien le constater.

Le bureau de Saïd est donc à l’extrémité de la mezzanine. On y trouve deux tables : celle de Saïd, et celui de la trésorière. Je n’ai jamais vu ce bureau utilisé qu’en début d’année pour la délivrance des licences. La trésorière allant alors jusqu’à descendre son bureau dans la salle pour s’assurer que chacun s’acquitte de sa licence et de son assurance.

J’entre rarement dans cette pièce, et lorsque j’y vais c’est toujours avec quelque timidité. Non que Saïd, constamment bienveillant et d’une grande douceur puisse intimider volontairement, mais peut-être la figure du boxeur, du champion, et du coach qu’il incarne m’ impressionne-t-elle.

Dans son bureau, Saïd passe de long temps en conciliabules téléphoniques. Parfois des visiteurs (boxeurs, coaches, parents d’élèves, organisateurs de combat, journalistes) traversent la salle de cours de cours pour rejoindre Saïd dans sion bureau. Comme l’usage l’impose, nous nous levons alors, serrons la main, et indiquons le chemin pour ceux qui l’ignorent.

Depuis la fenêtre de son bureau, Saïd a une vue plongeante sur la salle d’entrainement. On le voit ouvrir parfois cette fenêtre et donner de là-haut une information, poser une question à un coach, ou interpeler un boxeur.

De la fenêtre de la salle de cours, nous avons une vue panoramique sur la fresque murale qui couvre le mur du fond du gymnase. On y reconnaît des boxeurs en action : Ali, Tyson, Saïd lui-même. La devise du club est aussi inscrite : par le poing nait l’espoir, par l’espoir ; de l’espoir nait l’histoire. Les vertus réclamées aux boxeurs sont aussi égrenées entre les portraits des boxeurs : force, courage, détermination etc.

Tu verras dans un an

Je m’abreuve au lavabo. Un camarade me croise alors que je sors « Ça va ? » me demande-t-il – « Ouais » je réponds. – « Tu verras les résultats dans un an » m’encourage-t-il. « Il faut un an et demi pour voir les premiers résultats en boxe ».

Voilà qui repousse de six mois l’échéance que je me suis donnée initialement. Mon objectif l’automne dernier était de suivre une année complète de cours au Boxing Beats. À cinquante trois ans, il me semblait déjà un peu ridicule de débuter ce sport. C’était une entreprise que je savais aussi assez vaine, dans la mesure où il m’est impossible d’être un jour en état de combattre. C’était surtout une occupation passionnante, et je m’y lançait dans les dernières années de ma vie où je pouvais physiquement encore l’oser.

J’ai donc signé un contrat tacite avec moi-même pour un an.

Pour un cours par semaine : celui du lundi avec Frankie.

Ma mission était d’apprendre le plus honnêtement possible la boxe, et de rendre compte dans le présent journal de cette découverte et des questions qu’elle ne manquerait pas de susciter.

Le lieu d’exécution du contrat était le Boxing Beat, d’une part parce que c’est un club qui accueille beaucoup de filles et a formé des championnes, or l’irruption des femmes dans les sports de combat est une nouveauté qui attise ma curiosité, et d’autre part parce que participer aux cours de soutien scolaire constituait un bon observatoire et aussi un défi excitant pour moi qui ai tant détesté l’école.

À défaut d’être doué pour la boxe – ou même d’avoir témoigné d’une marge de progression significative dans ce sport -, je me reconnais au bout de six mois au moins un mérite : celui de la constance. Ce n’est pas la moindre des vertus dans les activités du corps.

Pour être honnête, mon plaisir lors de ces cours du lundi était loin d’être pur et sans nuage. Souvent, je l’avoue, j’ai pris mon vélo pour Aubervilliers plus par devoir que par plaisir. L’épuisement durant les cours, la fatigue les jours après, ne furent pas les épreuves les plus difficiles à surmonter. Un grand obstacle pour moi fut ma timidité, et ma crainte de combattre des inconnus – et même frayer avec un monde qui – c’est évident, alors pourquoi le nier ? – n’est pas le mien.

Au fond, ce sont les gamins qui viennent au cours de soutien qui m’ont donné l’envie de m’accrocher. D’abord, je les aime bien. Ils sont parfois pénibles, mais beaucoup plus souvent bouleversants. Ils me donnent le sentiment d’être utile, ce qui est toujours agréable. Et comme j’éprouve les mêmes difficultés avec les gants de boxe qu’eux avec un stylo, le courage avec lequel ils affrontent les exercices scolaires constituent pour moi une forme d’encouragement à relever le même défi lors des exercices pugilistiques.

Il me semblait très ridicule à l’issue du soutien scolaire du mercredi de ranger mes crayons et de repartir quand arrivaient les boxeurs pour l’entrainement. J’ai donc commencé à venir aussi à ce cours-là que donne Ahmed. Tout le monde s’accordait au reste à me dire que le rythme de pratique et d’apprentissage vraiment sérieux commençait avec deux séances par semaine. De fait, boxer deux fois le lundi et le mercredi me fatigue moins qu’une seule fois.

Revenir cependant l’année prochaine au Boxing beats changerait nettement la nature de mon engagement. Je le rappelle, mon objectif était d’observer de l’intérieur la vie du club et d’avoir une initiation intime, répétée de la pratique de la boxe. Comme on écrit vulgairement dans les dossiers de demande de subvention : accumuler du matériau d’écriture pour un spectacle à écrire.

Or, si je reviens l’année prochaine, ce prétexte sera caduc. Ce ne sera plus le temps de l’enquête, mais le temps de l’écriture. Et cette activité, je le sais d’expérience, requière de prendre la distance avec son sujet.

Donc, si je reviens l’année prochaine, ce sera vraiment pour moi par goût de la boxe, par sympathie pour ce club et ses membres, et pour m’investir vraiment bénévolement dans les activités du Boxing Beats.

À suivre, donc .

Un binôme mal assorti

C’est la rentrée.

L’autre jour, au cours, Franky annonce : « Prenez vos gants, vos casques, vos protège-dents. Trouvez votre binôme. » Sébastien était absent. Dany était avec Kevin. J’étais privé de mes deux partenaires habituels. Quand Franky lança quelques minutes plus tard : « Que ceux qui sont seuls lèvent la main », force me fut de lever mon gant. Franky désigne alors un grand noir qui arrivé en retard sortait juste du vestiaire : «  Toi, t’es seul ? Boxe avec Stéphane. » et le grand noir dépité de s’exclamer : « Ah, non quoi, Franky, sérieux ? ». Franky lui répondit : « Discute pas. » et l’autre d’insister : «  Sérieux, oh, Franky, sérieux, quoi ? » .

Pendant les négociations, moi je faisais le type qui s’en fout. Évidemment, je ressentais comme on ne peut plus blessant les « …sérieux, oh, quoi, sérieux …» de mon partenaire obligé.

De guerre lasse, le grand noir finit par céder. On se tape dans le poing, on va chacun dans notre coin. On commence les exercices. J’essaye de m’appliquer. De m’impliquer aussi. Mon partenaire est – comme on disait des Allemands durant l’occupation : correct.

Un quart d’heure plus tard, nous nous quittons pas trop mécontents l’un de l’autre. À la fin du cours, Franky énonce comme par incidence que tout le monde peut apprendre avec tout le monde, que les plus avancés peuvent corriger leurs erreurs en s’exerçant avec des débutants.

N’empêche. Dans la liste des situations violentes, le fait d’être dédaigné n’est pas l’avanie la moins pénible.

J’ai ressenti à cette occasion les sentiments qui étaient les miens lors de la composition des équipes de foot dans la cour de récréation du collège. Les deux capitaines des deux équipes se faisaient d’abord face. Ils avançaient l’un vers l’autre. Le premier disait « chou ! » le second répondait « fleur !», un pied posé juste devant l’autre. Celui qui, lorsqu’ils se rejoignaient, avait le pied qui se posait au-dessus de l’autre bénéficiait de désigner en premier un de ses co-équipier.

Le groupe des candidats à jouer se tenait face aux deux capitaines. Évidemment, le meilleur joueur était désigné en premier. Le second capitaine répliquait par le choix d’un deuxième joueur et ainsi de suite. Chacun était donc informé en direct et devant tous du rang de considération dans lequel il était tenu en tant que footballeur. Les derniers choisis étaient donc plébiscités comme les pires footballeurs de la cours de récré. Ceux avec qui on se résignait à jouer parce qu’il faut bien onze joueurs pour faire une équipe. Et ceux qui n’avaient pas été choisis n’avaient plus qu’à trouver un autre jeu à pratiquer.

Pour éviter semblable humiliation, j’ai donc proclamé que je n’aimais pas le foot - ce qui était faux - et même que je méprisais les footballeurs – leur renvoyant par anticipation le dédain qu’ils auraient pour moi.

Une bagarre

Voilà la succession chronologique des évènements.

Ce mercredi après-midi, J*** arrive le premier au cours de soutien. Il travaille un exercice de français avec Zoé. Trois ou quatre élèves uniquement sont présents cet après-midi. Nous travaillons tranquillement.

Arrive la mère de M***. Elle n’est pas contente. Elle cherche son fils partout. M*** n’est pas avec nous. Saïd lui confirme ne pas l’avoir vu de la journée. La mère de M*** repart en maugréant que son fils file un mauvais coton.

J*** finit son devoir. Il descend dans la salle de boxe. Nous entendons des cris. (Des appels, des cris, du raffut, il en vient souvent de la salle de boxe. Quand le bruit est trop fort, il nous arrive de fermer la porte, mais c’est rare, cette atmosphère sonore étant celle de la pratique de la boxe dont nous n’avons pas envie de nous couper). Donc, nous ne prêtons pas plus attention aux cris que ça, jusqu’au moment où nous comprenons que parmi les cris, il y a ceux de J***, que J*** appelle à l’aide et appelle Zoé à l’aide. Nous descendons en catastrophe et séparons M*** et J***.

J*** a reçu plusieurs coups au visage et, vu la fureur qui l’excite contre M***, cela ne faisait pas partie de l’entraînement, ni d’un jeu. M***, lui, se tient debout, le regard rêveur, comme s’il n’était pas concerné par l’affaire. Saïd descend et emmène M*** dans le vestiaire tandis que Zoé et moi remontons J*** dans la salle de cours, où nous l’asseyons presque de force sur le divan. J*** est hors de lui, il pleure, se débat, se relève pour aller régler son compte à M***. Nous le retenons, l’asseyons à nouveau. La scène se répète rituellement plusieurs fois. Nous lui donnons une compresse de glace à poser sur son visage et lui demandons : comment est-ce arrivé ? Pourquoi vous êtes-vous battus ?

J***e raconte : depuis une semaine, quand il croise M*** au collège, celui-ci s’amuse à lui donner des petites tapes comme pour rigoler. Et puis les tapes ont commencé à ressembler à des gifles, et J*** à trouver le jeu moins drôle. Cet après-midi, à peine entré dans le club, M*** a allongé un coup de poing à J***, sans raison, en passant à côté de lui.

Nous voilà tous très embêtés. Des coups, il s’en échange sans compter au Boxing Beats. Oui, mais là c’est différent. C’est une bagarre. Pas de la boxe. Et au regard de la réaction de J*** : humilié, ulcéré, impuissant, clamant sa rage, insultant M***, remâchant sa colère, nous prenant à témoin de la folie de M***, on voit bien que nous avons affaire à de la violence. Et que, pire, cette violence est gratuite. – Drôle de terme au reste que celui de violence gratuite. Quelle violence peut-elle être payante ? Par exemple, comme l’écrit Clausewitz, la violence de la guerre qui permet d’obliger un adversaire à accomplir une action à laquelle il se refuse ? La violence de la guerre qui serait la continuation de la politique par d’autres moyens ?

La violence de M*** semble d’autant plus insupportable qu’il ne lui donne aucune signification. Gratuite, donc. Certes, on peut en supposer les racines : frustration, aigreur, énervement, fureur face à un plus puissant qu’il ne peut ni nommer, ni atteindre. A défaut de pouvoir trouver quelque ressort contre ce qui l’oppresse, M*** exerce son peu de pouvoir sur plus faible que lui, et cela tombe sur J***, pour des raisons obscures, confuses, et dont la plus simple et probablement la plus crédible est que c’est celui qu’il a sous la main et sur lequel il lui est possible de donner des coups.

C’est pour la même raison que le maître bat son chien, et le mari sa femme. Certes, nous vivons dans une société inégale, où la violence s’exerce systématiquement sur les plus faibles, les plus pauvres, les plus précaires. Or, nous sommes ici à Aubervilliers. Ici, des pauvres, des précaires, il y en a beaucoup. Aucun d’entre eux n’a envie d’être identifié comme celui sur lequel tous les coups peuvent pleuvoir sans crainte de le voir répliquer : donc, au moment où il lui semble être identifié à ce plus faible-là, il se doit de se battre.

Je me demande bien pourquoi la mère de M*** était aussi furieuse contre lui.

(…)

Une semaine plus tard, j’ai travaillé deux heures avec M*** sur un exercice de math. L’exercice portait sur les statistiques dressées à partir des groupes sanguins d’une population donnée. Au début, M*** était réticent à faire cet exercice : « Je n’aime pas entendre parler de sang » m’a avoué M***. Je n’ai pas épilogué. Il a malgré tout fait l’exercice. Entretemps, J*** est arrivé à son tour, ils se sont serré la main. Après le soutien scolaire, je les ai vus s’entrainer sur le ring l’un contre l’autre sous le regard de leur prof, Ahmed.

 

Une tendinite

C’est la rentrée.

J’ai une tendinite au bras.

Ça fait un mois que j’ai une tendinite au bras gauche.

Je me suis réveillé un matin du mois d’aout avec le bras gauche ankylosé.

Je me suis dit : c’est en dormant avec la tête de Camille sur l’épaule que je me suis froissé le bras. Ça va passer dans la journée.

Ça n’est pas passé dans la journée. Ça n’est pas passé les jours suivant en faisant du Taï-chi. Ça n’est pas passé le mois suivant en nageant dans la mer.

Ça s’est atténué après que je me fusse décidé à aller chez l’ostéopathe. C’est lui qui m’a diagnostiqué une tendinite.

Sur ses conseils, je me masse avec une huile essentielle.

Sur les conseils de Camille je me pose une poche de glace sur le bras, le soir.

Sur les conseils de Céline, je n’arrête pas de boire de l’eau, et de pisser.

Sur les conseils de mon médecin traitant, je prends un anti-inflammatoire.

Néanmoins, malgré tous ces bons conseils, malgré le temps qui passe, malgré une seconde séance chez l’ostéopathe, il n’en reste pas moins que j’ai la sensation que quelqu’un tente sournoisement de glisser un bout de bois mal équarri entre mes biceps lorsque je lève le bras au-dessus de ma tête.

Je calcule mes mouvements en conséquence. Je soupèse le contenu de mon sac. J’évite d’enfiler des tee-shirts. J’ai abandonné tout espoir de revêtir un pull-over, opération impossible à réaliser sans lever mon bras gauche qui, justement, se refuse de manière butée à cette action. Je ne dors que sur le côté droit pour ne pas froisser ce bras gauche si susceptible. J’ai repoussé jusqu’à ce soir mon retour aux cours de boxe.

Quand j’ai annoncé mon désir de retourner à ce cours, mon ostéopathe m’a envoyé un premier SMS me disant : « Vas-y tranquillement » accompagné d’un second : « Ne force pas ». Marisa m’a dit : «Allez-y doucement ». Camille : « Tu devrais attendre que ce soit passé, tu risques d’aggraver l’inflammation ».

Je ne sais pas quoi faire : à cette minute, et je regarde mon sac de sport qui reste noir, fermé, sans avis sur la question.

Je me sens diminué, fragile, j’ai peur de ne jamais recouvrer la mobilité de mon bras. C’est comme ça quand on vieillit, non ? On perd ses capacités lors de petits paliers sournois. Si je vais à la boxe, j’appréhende d’être obligé d’abandonner la séance en cours. Je crains qu’une instance médicale finisse par décréter que je ne suis plus apte à faire de la boxe. Je me sens frustré d’avance. Et aussi, peut-être est là le pire, je crains de me sentir soulagé de devoir abandonner cette discipline ingrate, astreignante, fatigante, sous le lâche prétexte : ce n’est pas moi qui ai choisi, c’est mon corps qui m’y a obligé.

Quelle misérable excuse : comme si j’étais autre chose que mon corps !

Cela dit, je me demande bien ce que mon corps, c’est-à-dire moi, veut me dire au travers de cette tendinite que rien n’annonçait. Que veux-je me dire à moi-même ? Que veux-je m’obliger à prendre en considération, que je m’interdis de voir, et que mes épaules coincées me signifient de manière aussi péremptoire que mystérieuse ?

Le message est confus mais très têtu. Je suis invité à me débarrasser d’un fardeau pesant sur mes épaules, c’est une affaire entendue, mais quel est-il ce fardeau ?

J’ai établi une liste d’accusés potentiels, groupes ou personnes susceptibles de créer des tensions dans mon dos délicat :

Ma famille, évidemment  Je représente depuis trois mois ma mère et ma sœur au syndicat de co-propriété de mon immeuble, et comme me dit Frédéric : l’immobilier c’est du lourd.

La fréquentation répétée des cortèges de tête des manifestations qui sont scandés de situations stressantes, humiliantes, et parfois dangereuse, et qui a fait peser une poigne policière très pénible sur nos nuques rebelles ?

La pratique de la boxe qui s’avérerait trop lourde à porter pour moi ?

Mon ostéopathe se fait le porte-parole de mon corps, tout en demeurant dans le style ambigu et allusif qui est celui des ostéopathes et des squelettes : tu as subi une émotion intense et répétée car ta douleur est liée au diaphragme me dit-il. Oui, bon : les conseils de co-propriété, les cortèges de tête, les entrainements de boxe, voire la présence de Camille dans mon lit (mon ostéopathe n’a pas spécifié que cette émotion dût être négative), toutes ces activités répondent à cette définition.

La piste psychologique se perdant en méandre, je suis tenté de débusquer des responsables physiques à mon état.

J’ai passé trop de temps à écrire sur mon ordinateur cet été.

J’ai changé pour des lunettes à verre progressif.

Bientôt, je vais songer à accuser ma literie : ce qui est bien la preuve que je suis prêt à accuser n’importe qui.

Rien de plus énervant que les gens qui s’étendent sur leurs bobos, leurs douleurs, leur mal-être. Rien que d’écrire ce billet élégiaque, je m’insupporte moi-même.

Bon. Je vais aller ce soir au Boxing Beats, et j’aviserai sur place.