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Une tendinite

C’est la rentrée.

J’ai une tendinite au bras.

Ça fait un mois que j’ai une tendinite au bras gauche.

Je me suis réveillé un matin du mois d’aout avec le bras gauche ankylosé.

Je me suis dit : c’est en dormant avec la tête de Camille sur l’épaule que je me suis froissé le bras. Ça va passer dans la journée.

Ça n’est pas passé dans la journée. Ça n’est pas passé les jours suivant en faisant du Taï-chi. Ça n’est pas passé le mois suivant en nageant dans la mer.

Ça s’est atténué après que je me fusse décidé à aller chez l’ostéopathe. C’est lui qui m’a diagnostiqué une tendinite.

Sur ses conseils, je me masse avec une huile essentielle.

Sur les conseils de Camille je me pose une poche de glace sur le bras, le soir.

Sur les conseils de Céline, je n’arrête pas de boire de l’eau, et de pisser.

Sur les conseils de mon médecin traitant, je prends un anti-inflammatoire.

Néanmoins, malgré tous ces bons conseils, malgré le temps qui passe, malgré une seconde séance chez l’ostéopathe, il n’en reste pas moins que j’ai la sensation que quelqu’un tente sournoisement de glisser un bout de bois mal équarri entre mes biceps lorsque je lève le bras au-dessus de ma tête.

Je calcule mes mouvements en conséquence. Je soupèse le contenu de mon sac. J’évite d’enfiler des tee-shirts. J’ai abandonné tout espoir de revêtir un pull-over, opération impossible à réaliser sans lever mon bras gauche qui, justement, se refuse de manière butée à cette action. Je ne dors que sur le côté droit pour ne pas froisser ce bras gauche si susceptible. J’ai repoussé jusqu’à ce soir mon retour aux cours de boxe.

Quand j’ai annoncé mon désir de retourner à ce cours, mon ostéopathe m’a envoyé un premier SMS me disant : « Vas-y tranquillement » accompagné d’un second : « Ne force pas ». Marisa m’a dit : «Allez-y doucement ». Camille : « Tu devrais attendre que ce soit passé, tu risques d’aggraver l’inflammation ».

Je ne sais pas quoi faire : à cette minute, et je regarde mon sac de sport qui reste noir, fermé, sans avis sur la question.

Je me sens diminué, fragile, j’ai peur de ne jamais recouvrer la mobilité de mon bras. C’est comme ça quand on vieillit, non ? On perd ses capacités lors de petits paliers sournois. Si je vais à la boxe, j’appréhende d’être obligé d’abandonner la séance en cours. Je crains qu’une instance médicale finisse par décréter que je ne suis plus apte à faire de la boxe. Je me sens frustré d’avance. Et aussi, peut-être est là le pire, je crains de me sentir soulagé de devoir abandonner cette discipline ingrate, astreignante, fatigante, sous le lâche prétexte : ce n’est pas moi qui ai choisi, c’est mon corps qui m’y a obligé.

Quelle misérable excuse : comme si j’étais autre chose que mon corps !

Cela dit, je me demande bien ce que mon corps, c’est-à-dire moi, veut me dire au travers de cette tendinite que rien n’annonçait. Que veux-je me dire à moi-même ? Que veux-je m’obliger à prendre en considération, que je m’interdis de voir, et que mes épaules coincées me signifient de manière aussi péremptoire que mystérieuse ?

Le message est confus mais très têtu. Je suis invité à me débarrasser d’un fardeau pesant sur mes épaules, c’est une affaire entendue, mais quel est-il ce fardeau ?

J’ai établi une liste d’accusés potentiels, groupes ou personnes susceptibles de créer des tensions dans mon dos délicat :

Ma famille, évidemment  Je représente depuis trois mois ma mère et ma sœur au syndicat de co-propriété de mon immeuble, et comme me dit Frédéric : l’immobilier c’est du lourd.

La fréquentation répétée des cortèges de tête des manifestations qui sont scandés de situations stressantes, humiliantes, et parfois dangereuse, et qui a fait peser une poigne policière très pénible sur nos nuques rebelles ?

La pratique de la boxe qui s’avérerait trop lourde à porter pour moi ?

Mon ostéopathe se fait le porte-parole de mon corps, tout en demeurant dans le style ambigu et allusif qui est celui des ostéopathes et des squelettes : tu as subi une émotion intense et répétée car ta douleur est liée au diaphragme me dit-il. Oui, bon : les conseils de co-propriété, les cortèges de tête, les entrainements de boxe, voire la présence de Camille dans mon lit (mon ostéopathe n’a pas spécifié que cette émotion dût être négative), toutes ces activités répondent à cette définition.

La piste psychologique se perdant en méandre, je suis tenté de débusquer des responsables physiques à mon état.

J’ai passé trop de temps à écrire sur mon ordinateur cet été.

J’ai changé pour des lunettes à verre progressif.

Bientôt, je vais songer à accuser ma literie : ce qui est bien la preuve que je suis prêt à accuser n’importe qui.

Rien de plus énervant que les gens qui s’étendent sur leurs bobos, leurs douleurs, leur mal-être. Rien que d’écrire ce billet élégiaque, je m’insupporte moi-même.

Bon. Je vais aller ce soir au Boxing Beats, et j’aviserai sur place.

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