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Présentation

Le cercle

Un projet de Corine Miret et Stéphane Olry La Revue Éclair

une exploration des clubs de sports de combat en Seine-Saint-Denis
en collaboration avec Sébastien Derrey

Une résidence de création du printemps 2015 à l’automne 2018 du Conseil Départemental de la Seine-Saint-Denis

qui donne lieu à :
une pièce d'actualité consacrée à la lutte avec Les Diables Rouges de Bagnolet
La Tribu des lutteurs
qui a eu lieu du 29 novembre au 16 décembre 2016 à La Commune - Aubervilliers
un spectacle inspiré par la pratique du Kick-boxing avec les femmes du club Esprit Libre de Blanc-Mesnil
Mercredi dernier
joué actuellement dans 25 appartements de Seine-Saint-Denis avec le Théâtre de La Poudrerie à Sevran
un troisième volet inspiré par des enfants pratiquant la boxe au Boxing Beats, club de boxe anglaise d'Aubervilliers :
Boxing Paradise
qui sera présenté du 27 septembre au 7 octobre 2018 à la MC93 à Bobigny

 

Postulats

D'un coup direct je lui fendrai la peau

Je lui broierai les os

Que ses amis demeurent donc là

Tous ensemble

Pour l'emporter quand mes bras l'auront vaincu.

Iliade - Homère

 

Nos spectacles sur les sports de combat sont nourris par notre pratique : de la boxe anglaise pour Stéphane Olry, de la boxe pieds-poings pour Corine Miret. De cette pratique nous avons retiré sur les sports de combats les convictions suivantes :

- Il est peu d’instants où on prend autant en considération autrui que durant un combat. Le mépris pour son adversaire ou son partenaire est immédiatement sanctionné. Cette extrême attention pour autrui motive pour l’essentiel notre curiosité pour la pratique des sports de combat.

- Il existe une intelligence, un art, une écriture, une force et une finesse dans l’usage du corps dans le combat à deux. Cette intelligence des corps est précieuse et mérite d’être mise en lumière.

- La violence, l’agressivité, est une des fibres constituant l’être humain. Les sports de combat sont autant d’arts permettant de reconnaître, de connaître, d’apprivoiser, de maîtriser, de détourner, de métamorphoser, de sublimer cette pulsion.

- Le seul lieu où le combat répond à des critères d’égalité entre les combattants, (critères objectifs d’expérience, de poids, de durée de l’affrontement, de règles communes) est le champ clos du ring. Hors du ring, il faut bien le constater, la situation est déloyale, défavorable aux plus faibles, voire organisée pour maintenir cet état d’inégalité.

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- Tout combat est décisif. En ce sens le boxeur montant sur le ring a beaucoup à voir avec le comédien se produisant sur scène. L’un comme l’autre entrent alors dans une zone de vérité.

- Le débat entre ceux qui croient à la richesse du dissensus, et ceux qui croient au consensus ; entre ceux qui croient aux rapports de force et ceux qui les nient ou les refusent ; entre ceux qui se savent violents et ceux qui se sentent pacifiques – notre vocabulaire indique bien où penche notre cœur – ne sera jamais clos. Et c’est tant mieux pour ceux qui se plaisent à raconter des histoires sur un théâtre !

- Il n’y a pas de combat sans spectateur. Au 18° siècle en Angleterre, ce sont les spectateurs qui tenaient la corde du ring. En cas d’intervention de la police, ils lâchaient la corde et, acteurs comme spectateurs se dispersaient.

- Nul ne peut prétendre être indemne devant le spectacle de la violence, même réglée, sur le ring. Mais nul ne peut prétendre être indifférent : fascination et horreur, répulsion et sidération, plaisir et dégoût, enthousiasme et indignation : tous ces mouvements agitent le grand corps social des spectateurs, et traversent chacun dans son intimité.


Trois spectacles

Le mérite se manifeste clairement dans deux cas :

celui du combattant sur un autre combattant, celui du savant sur un autre savant.

Ibn Al Muqqafa – Kalila et Dimna

 

Dans un premier temps, notre enquête dans les clubs sportifs de Seine-Saint-Denis nous a permis de cerner nos centres d’intérêts.

D’abord, nous avons décidé de privilégier les sports de combats où la rencontre entre les combattants est décisive, au détriment des arts dit martiaux où cette rencontre est plus suggestive qu’effective.

Ensuite, nous avons choisi trois sports incarnés par trois clubs de Seine-Saint-Denis : la lutte avec les Diables Rouges à Bagnolet, la boxe anglaise avec le Boxing Beats à Aubervilliers, le Kick Boxing dans un club féminin du Blanc-Mesnil "Esprit libre".

Enfin, nous avons imaginé créer plusieurs spectacles distincts pour rendre compte de notre exploration. En effet, notre pratique nous a montré que d’un point de vue sportif, la lutte d’une part, et les sports de percussion comme la boxe de l'autre, ont des histoires et des pratiques très différentes.

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La Tribu des lutteurs

Aussi, devant la porte de la jeune mariée Enkidu et Gilgamesh s’empoignèrent-ils.

Et se battirent-ils, en pleine rue, sur la grand-place du pays,

si fort que les jambages en étaient ébranlés et que les murs vacillaient.

Épopée de Gilgamesh

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Dans La Tribu des lutteurs, nous montrons un entrainement de lutte, depuis l’échauffement jusqu’aux étirements en passant par l’apprentissage des prises et les séquences de combat. Nous voulons montrer la précision du travail et l’épuisement des corps. Cet entrainement, nous le prenons comme une œuvre en soi, un ready-made, d’une heure et demie environ, en demandant à la vingtaine de lutteurs des Diables Rouges (Club de Lutte de Bagnolet) de venir réellement s’entrainer publiquement chaque soir dans la petite salle de La Commune équipée à cet effet. L’entrainement est indépendant du flux des spectateurs : il commence et termine à l’heure convenue indépendamment du contrôle des billets, de l’entrée et de la sortie des spectateurs.

Il est aussi autonome tant que faire se peut, par rapport à ce qui se déroule théâtralement sur le plateau.

Deux protagonistes apparaissent et prennent la parole sur cette basse continue de l’entrainement.

- La femme sur le banc. Incarnée par Corine Miret elle dit un soliloque épousant par intermittence l’ensemble du spectacle. Son monologue intérieur est celui d’une femme qui, ayant pratiqué la lutte et la danse, se voit soudain, à la suite d’un accident, clouée sur ce banc, réduite au rôle de spectatrice.

Que reste-il d’un mouvement qu’on a fait des milliers de fois quand le corps ne peut plus le réaliser ? Sa place privilégiée sur ce banc lui permet aussi d’exercer un sens aigu de l’observation du quotidien du club et de tenir la chronique intime de cette tribu perdue des lutteurs.

- Un comédien intervient ponctuellement. Il interprète la prosopopée des objets qui constituent le quotidien des lutteurs : la balance (leur premier adversaire), la médaille (une femme ingrate), le maillot. Ces monologues sont au nombre de trois.

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Le spectacle se déroule ainsi, sur cette basse continue de l’entrainement ponctuée de monologues.

En parallèle, nous présentons une conférence inspirée par les fresques du site archéologique de Beni Hassan. Ces fresques datant de 1800 ans avant JC présentent des lutteurs combattant lors de séquences indépendantes les unes des autres. Cette conférence filmée présentée par Aurélie Epron et Guillaume Jomand, chercheurs à l'Université de Lyon 1, sera proposée aux spectateurs avant le spectacle.

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Le spectacle dure une heure et demie environ.


Mercredi dernier

Mon métier dans le monde, c’est de le regarder.

Le terrain de sport, c’est un lieu où l’autre, c’est autant que vous-même. A égalité.

Marguerite Duras

 

Corine Miret :

J'ai pratiqué le kick boxing un an durant au club Esprit libre au Blanc Mesnil. C'est un club non mixte, de femmes. Parrallèlement à mes entrainements, j'interviewais les femmes que j'y rencontrais sur leur pratique de la boxe.

Après avoir fait lire les interviews des femmes du club de kickboxing à Stéphane Olry, qui ne les avait – et pour cause – jamais rencontrées, il lui a paru pertinent de centrer l’écriture autour d’une interview spécifique.

Sirine, 29 ans, raconte dans cet entretien sa vie et sa volonté de retrouver le mental qu’elle avait à 19 ans lorsque le monde s’ouvrait à elle et que tout lui semblait possible. Dix ans plus tard, mariée avec trois enfants, elle retrouve soudain, lors d’un cours – celui de mercredi dernier – les mêmes sensations qui furent les siennes lors de sa jeunesse. Elle se sent sortir d’elle-même, objet ravie d’une métamorphose qui, le temps d’une séance de kickboxing, la sublime. Elle entrevoit un au-delà, un autre monde possible à atteindre par le travail du corps, l’entraînement, la sortie de ce que les sportifs appellent la « zone de confort ».

Mercredi dernier est le récit reconstruit, ré-écrit par moi de cette mue, ce possible offert à toutes.

 Neila et Farah Esprit Libre

Le spectacle prend la forme d’Une séance d’initiation à la transformation de soi menée par moi dans des appartements de Seine-Saint-Denis.

Cette séance à laquelle j’invite le cercle des spectateurs à participer dure une cinquantaine de minute.

La séance se déroule dans un appartement que je prend comme il est, pour y disposer les spectateurs. J’installe en quelques minutes le dispositif qui me permet d’animer la séance, c’est à dire un pupitre derrière lequel je me tiens et qui sert aussi à m’éclairer.

Je raconte aux participants ma rencontre avec les femmes de Seine-Saint-Denis. J’expose la nécessité où je me sens de faire connaître les aptitudes aux changements de soi que j’ai perçu chez elles. Je leur propose enfin une prise de conscience de leur corps pendant quelques minutes, que je guide à la voix (comment avez-vous posé vos pieds ? sur quelles parties de votre corps repose votre poids ? etc.).

Ensuite, c’est le cœur de la séance, je lis le récit de Sirine. Le texte est divisé en douze chapitres, entrecoupés d’une antienne chantée : Mercredi dernier, elle y est allée, mercredi dernier c’est arrivé. Je demande aux spectateurs de m'accompagner lors de la dernière chanson. Cette lecture est coupée par mes commentaires improvisés.

Je conclue la séance en proposant aux spectateurs une nouvelle prise de conscience corporelle, pour éveiller les spectateurs à ce qui a pu se passer – ou non – en eux concrètement, physiquement, durant l’écoute du texte. Mes dernières question sont : Avez-vous quitté votre zone de confort ? Êtes-vous disposé à tenter l’expérience de la transformation de vous-même ?DSC08835


Boxing paradise

La raison du plus fort est toujours la meilleure :

Nous l’allons montrer tout à l’heure.

Jean de La Fontaine – Le loup et l’agneau

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Stéphane Olry :

Depuis deux ans, je pratique la boxe anglaise au Boxing Beats, club d’Aubervilliers.

Cette pratique de vie est une forme d’écriture. Devenir boxeur est en effet une transformation du corps et du mode de vie, tentative qui serait assez désespérée au vu de mon âge si elle n’avait aussi une visée expérimentale et artistique.

Je photographie et filme régulièrement les entrainements, les compétitions, et la vie quotidienne du club.

J’y anime enfin tous les mercredis un groupe de soutien scolaire suivi par les enfants qui boxent dans le club.

J’accumule ainsi mon matériau d’écriture.

Mon but est de tirer un fil d’écriture entre l’entrée dans la carrière de boxeur, et sa sortie, les enfants et les vieux boxeurs

Boxing Paradise

Dans la fiction que je suis en train d'écrire, la salle de boxe est une métaphore des limbes.

Un ange, gardien de l’au-delà, accueille un boxeur agé à l'orée de la vie et de la mort.  "Je ne voyais pas les choses comme ça", s'étonne le boxeur. L'ange lui répond que le paradis prend la forme de ce qu'on a désiré le plus durant sa vie, conscienment ou non. Dans son cas, c'est un club de boxe. La question qui se pose est  : pourra-t-il ou non rester dans ce paradis? Sera-t-il renvoyé sur Terre? Précipité en enfer ? Sa vie, résumée dans sa courte carrière de boxeur, sera donc examinée pour en décider.

Le spectacle revient donc sur sa découverte de la boxe, et le temps qu'il a passé dans un club de boxe, comme un résumé de toute sa vie.

 Dans la mise en scène de Boxing Paradise, je prends le club de boxe comme décor cinématographique, en créant avec Cécile Saint-Paul (vidéaste) une installation formée d’images tournées dans le club de boxe.

Boxe, MMA, Lutte, Divers