Rédigé par Stéphane le . Publié dans Ecrits Divers.

Iliade-Homère- chant XXIII

pugilisteÀ l’occasion des funérailles de Patrocle, des jeux sont organisés par les guerriers achéens en son honneur. Les épreuves se succèdent : course de char, course à pieds, lancer de poids et ce qui retient notre attention : pugilat et lutte. La description du pugilat « le terrible jeu du pugilat » est courte et violente. On comprend que l’équipement comportait des lanières de cuir dont étaient lacées les mains. Leur fonction était inverse des gants actuels. Elles étaient mouillées, séchées pour être rêche, coupante et ouvrir les chairs lors des coups. Le temps du combat n’était pas limité, et le vainqueur était celui qui parvenait à mettre son adversaire KO.

Dans ce combat, le favori, le terrifiant Épéos vaincra Euryale dont on peut louer à quelques millénaires de distance le courage !

Le texte ci-dessous est celui de la traduction de Jean-Baptiste Dugas-Montbel.
Il est suivi d’un très court combat de lutte (les pénibles jeux de la lutte)

 

Achille s’avance dans la nombreuse assemblée des Grecs, après avoir entendu les louanges du fils de Nélée. Alors il propose les prix pour le terrible jeu du pugilat ; il conduit et attache dans le cirque une mule robuste de six ans, qui n’a point encore été sous le joug, et qui sera difficile à dompter ; ensuite il apporte pour le vaincu une coupe à double fond, et, debout au milieu de l’enceinte, il parle ainsi aux Argiens :

« Atride, et vous, Grecs valeureux, ordonnons que, parmi les plus braves, deux hommes vigoureux s’avancent, et qu’avec le poing tous deux se frappent en élevant les bras. Celui auquel Apollon donnera la victoire, et que tous les Grecs auront reconnu, conduira dans sa tente cette mule infatigable ; quant au vaincu, il recevra cette coupe à double fond. »

À l’instant se lève un héros d’une grande force et d’une taille élevée, le fils de Panops, Épéos, habile au pugilat ; il saisit la mule vigoureuse, et s’écrie :

« Qu’il approche celui qui désire cette large coupe ; je ne pense pas qu’aucun des Grecs prétende enlever cette mule en triomphant au pugilat, car je me glorifie d’être le plus fort. N’est-ce pas assez que je ne sois qu’au second rang dans les batailles? Il n’est pas donné à l’homme d’exceller en toutes sortes de travaux. Mais je le déclare, cela s’accomplira ; je déchirerai le corps de mon rival, et briserai ses os. Que ses compagnons se rassemblent en foule autour de lui pour l’emporter quand il sera vaincu par mon bras. »

Ainsi parle Épéos, et tous gardent le silence. Le seul Euryale s’avance, semblable à un dieu, Euryale fils de Mécistée, issu du roi Talaïon, et qui jadis se rendit à Thèbes quand on célébrait les funérailles d’Oedipe : là il vainquit tous les enfants de Cadmos. Le vaillant Diomède l’accompagne et l’encourage par ses discours ; car il désire qu’Euryale soit vainqueur. Il l’entoure d’une large ceinture, et lui donne de fortes courroies, dépouille d’un bœuf sauvage. Les deux rivaux, entourés de leur ceinture, s’avancent dans l’arène ; ils lèvent à la fois l’un contre l’autre leurs bras vigoureux, qui tombent ensemble, et leurs mains pesantes se confondent. Le bruit de leurs mâchoires se fait entendre, et de toutes parts la sueur coule de leurs membres. Mais Épéos se précipite et frappe à la joue Euryale, qui cherchait à l’éviter ; celui-ci ne résiste point à ce coup, et ses membres robustes se dérobent sous lui. Ainsi au souffle frémissant de Borée, le poisson s’agite sur l’algue du rivage, où le recouvrent les vastes flots ; de même s’agite ce guerrier blessé. Alors le magnanime Épéos le prend par la main, et le relève : les amis d’Euryale s’empressent autour de lui, et l’emmènent à travers le cirque, où ses pieds traînent dans la poussière ; il vomit un sang noir, et sa tête se balance des deux côtés ; enfin il s’évanouit entre les bras de ceux qui le conduisent. Cependant ses compagnons s’emparent de la coupe à double fond.

Donc si le pugilat est "terrible", la lutte elle, est "pénible". C’est aussi le lieu de la ruse, et donc un sport auquel s’adonne Ulysse aux mille ruses.

Le fils de Pélée montre ensuite aux enfants de Danaos les troisièmes prix destinés aux pénibles jeux de la lutte ; il réserve pour le vainqueur un trépied destiné au feu, les Grecs l’estiment valoir douze bœufs : pour le vaincu il place dans le cirque une captive, habile en toutes sortes d’ouvrages, et qu’on estimait valoir quatre bœufs. Debout, au milieu de l’assemblée, Achille s’écrie :

« Approchez, ô guerriers qui voulez tenter la fortune de ce combat. »

Il dit : aussitôt se présente le grand Ajax, fils de Télamon, et se lève aussi le prudent Ulysse, fertile en ruses. Tous deux, entourés d’une ceinture, s’avancent dans le cirque et s’embrassent l’un l’autre de leurs mains vigoureuses. Telles sont au sommet d’un édifice deux fortes poutres qu’un ouvrier habile à réunies pour braver l’impétuosité des vents. On entend leurs dos craquer sous l’effort de leurs mains entrelacées ; ils sont baignés de sueur ; des tumeurs empourprées de sang s’élèvent sur leurs flancs et sur leurs épaules : tous les deux désirent avec ardeur la victoire pour obtenir le superbe trépied. Ulysse ne peut ébranler ni terrasser son rival, Ajax ne peut triompher de la force d’Ulysse. Mais lorsqu’ils sont près de lasser la patience des valeureux Grecs, le fils de Télamon s’écrie :

« Noble fils de Laërte, astucieux Ulysse, ou enlève-moi, ou que je t’enlève moi-même ; Zeus prendra soin du reste. »

En parlant ainsi Ajax soulève son rival ; mais Ulysse n’oublie point la ruse : avec son pied il frappe Ajax au jarret, lui fait plier les genoux, le renverse et tombe sur le sein du guerrier : toute l’armée est frappée d’admiration et d’étonnement. Ulysse, à son tour, veut soulever Ajax ; mais à peine lui fait-il perdre la terre, il ne peut l’enlever ; ses genoux fléchissent ; tous les deux, près l’un de l’autre, tombent sur l’arène et sont souillés de poussière. Déjà ils se relevaient pour lutter encore ; mais Achille s’approche, et, les retenant :

« Ne luttez pas davantage, leur dit-il, ne vous fatiguez point à ces combats si funestes : la victoire est à tous les deux ; recevez des prix égaux, et que les autres Grecs combattent à leur tour. »

Il dit ; et les deux guerriers obéissent à sa voix : ils enlèvent la poussière dont ils sont couverts, et reprennent leurs vêtements.

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