Interview de Neïla à la salle de boxe de Blanc-Mesnil le 30 janvier 2017
Neïla a commencé la boxe par hasard. Elle dit : Je n’aurais jamais pensé que c’était un sport qui allait me plaire autant. Elle s’est prise au jeu, a ensuite passé ses diplômes d’entraineure et mis en route la section féminine de Esprit Libre au Blanc-Mesnil à la demande de Paly. Cette saison 2017/2018 annonce du changement pour le club et Neila puisque celle-ci a trouvé un travail dans le sud et qu’elle doit donc passer le relais aux autres entraineures de la section : Farah, Miriame, Alice, Laura.
La première fois que je suis rentrée dans une salle de sports de combat, c’était avec une amie. C’était elle à la base qui voulait essayer. Je suis rentrée dans une salle de boxe, à Aulnay-sous-Bois. C’est là où j’ai commencé. C’était marrant parce que j’ai fait le cours avec elle, et elle n’a pas suivi du tout après et au final c’est moi qui ait accroché.
Je me souviens de la salle. Il y avait des sacs et deux rings. Il y avait deux entraineurs à l’époque. Ce dont je me souviens c’est que je ne savais pas faire de la corde à sauter ! Je n’en avais jamais fait à l’école, je n’aimais pas ça. Et du coup, c’était marrant, la première fois où j’ai fait de la corde à sauter c’était à la boxe, je ne sais plus quel âge j’avais, je devais avoir 21/22 ans, un peu plus même : 23.
C’était un peu impressionnant, surtout les sacs, parce qu’on avait travaillé directement au sac, à la fin du cours : ça m’avait beaucoup plu, je n’avais pas forcément le geste parce je caressais un petit peu le sac : c’était très doux ! Par la suite j’ai le souvenir des entraineurs qui m’ont amené à aimer cette pratique parce que j’étais plutôt réservée, calme, donc ce n’était pas forcément un sport qui m’attirait de base.
Donc il y avait ça : la technique, les premiers mouvements qu’on montrait : le direct qui n’était pas forcément évident au départ.
Oui, ça m’a plu dès le premier cours.
Ce qui m’a plu, c’est que je me suis dépensée sans forcément le ressentir, en m’amusant. C’était vraiment de l’amusement ce premier cours. C’était intéressant aussi d’apprendre plein de choses sur le mouvement, sur son corps. Se rendre compte, quand on fait des mouvements au sol par exemple, que la jambe pèse très lourd alors qu’on a pas l’impression ! Savoir contrôler son corps, c’est quelque chose qui est difficile. Quand on voit les mouvements, on se dit : « Oui, c’est facile » et quand on le fait on se dit : « Ah, mince ! »
Il y avait les étirements à la fin : c’était un peu compliqué parce que je n’étais pas très souple ! Mais je me rappelle de cette sensation des étirements, du retour au calme. Il y avait vraiment beaucoup de choses sur l’intégralité du cours.
C’était une sensation globale très agréable.
Avant la boxe, j’avais fait des activités sportives au lycée, au collège, à l’école. Quand j’ai arrêté l’école j’ai complètement arrêté le sport. Je m’y étais remise avec l’amie avec qui je suis venue la première fois à ce cours. Je m’étais inscrite dans une salle de sport au CMASA. Le même club a une salle de musculation avec des cours : abdos-fessiers, step, etc. Je m’étais inscrite là-bas et il y avait cette affiche pour le cours de boxe. C’était de la boxe féminine, avec des entraineurs hommes, et c’était le mercredi. Le premier jour où j’y suis allée, je me souviens que c’était un cours féminin. Il y avait d’autres cours dans la semaine qui étaient mixtes.
J’ai décidé de continuer. Dans ce club. Au CMASA. Au début, la première année, je venais régulièrement mais ce n’était pas forcément très assidu. Je venais une ou deux fois par semaine. Il y avait des cours quasiment tous les jours. Au bout d’un an, un an et demi peut-être, j’y ai vraiment pris goût et je me suis beaucoup plus investie. J’allais quasiment à tous les cours. Tous les jours. J’avais un petit peu plus de temps sur mon planning, qui me permettait d’y aller. Comme j’ai évolué assez vite, ça m’a donné envie d’évoluer encore plus. Et plus je faisais des cours, plus je sentais que ça devenait plus facile, et c’est devenu un peu comme une addiction ! Pendant un moment j’y allais vraiment tous les jours et s’y je n’y allais pas, il me manquait quelque chose dans ma journée. Ce qui me manquait, c’est la sensation d’après : on a quand même une sensation de fatigue et en même temps une sensation de bien-être. Et le fait que quand on fait un sport comme ça, on ne pense à rien pendant l’entrainement. On n’a vraiment pas le temps de penser à autre chose et ça enlève tout ce qu’on peut avoir à l’extérieur, que ce soit le travail ou autre, c’est vraiment un moment pour soi.
Je suis restée pendant plus de six ans.
J’ai beaucoup sympathisé avec un des entraineurs, Mamadou Kebe. Ils ne faisaient pas de compétitions à l’époque, et je l’ai un peu poussé à faire des compétitions parce que je voyais qu’il y avait beaucoup de personnes qui étaient motivées. C’était une section adulte. Je l’aidais un peu sur les cours, et comme c’était compliqué pour lui de faire l’administration, au final je m’occupais de tout ce qui était papiers, prise d’inscriptions, contacts avec la fédération. Donc on s’est lancés dans les compétitions, ce qui a mis une bonne dynamique dans le club.
Les compétitions, au départ, j’en ai pas eu forcément envie. Mon entraineur m’en parlait. Il m’a demandé d’aller sur les sites pour voir comment ça se passait. Et ça m’a donné envie de m’y intéresser. Lui, il est très compétiteur dans l’âme. Il a fait beaucoup de compétitions avant, mais il ne savait pas comment gérer cette partie d’organisation qui fait qu’on va aller en compétition. Mais il aime bien entrainer des compétiteurs. Il s’est dit : si quelqu’un peut se charger de prendre les licences, de la partie administrative, on y va. Et de fil en aiguille, il a commencé à entrainer pour les compétitions et à regarder quelles personnes seraient intéressées, auraient les capacités pour en faire.
En allant voir des compétitions, ça m’a donné envie d’en faire. Ma première compétition, ce n’était pas moi qui avait fait l’inscription, je crois qu’il avait vu avec le directeur du club lui-même. Il nous avait dit que ce serait une petite compétition, qu’on allait se lancer en light, moi et celle qui avait ouvert la section au départ. Je me souviens très bien : quand on est arrivés à la compétition, il y avait énormément de monde, on regardait tous les combats. Il y avait un problème d’arbitrage sur un combat, ils n’étaient pas d’accord entre eux. Une du club a dit : « Oh, c’est pas le championnat de France non plus ! » et là, une personne s’est retournée et a dit : « Si, si c’est le championnat de France ! » Au final ça nous a mis une petite pression, alors que notre entraineur ne voulait pas nous mettre de pression justement. Cette compétition s’est bien passée dans l’ensemble, mais j’ai le souvenir que j’étais très stressée au moment de monter sur le tatami. Je n’avais pas l’habitude de m’entrainer avec un casque et le fait d’en mettre un, ça me faisait comme si tout le monde était lointain. Tout le monde parlait en même temps et je ne comprenais rien de ce qu’on me disait. Je ne me rendais pas compte que j’étais essoufflée, je crois que je n’ai pas dû respirer pendant tout le round à cause du stress. Mon adversaire était plutôt fair-play. Elle aussi je crois que c’était sa première compétition donc on était dans la même dynamique toutes les deux. Je me souviens qu’à la fin du premier round quand je suis partie voir mon entraineur, il m’a un peu secouée en me disant : « Mais c’est qui là-dedans ? Tu fais quoi ? » Parce qu’en fait je ne faisais pas grand chose ! Quand j’ai regardé la vidéo après, j’ai vu que j’étais essoufflée et que c’était très lent ; tous les mouvements étaient très lents. Sur le coup je ne m’en rendais pas compte, c’est en regardant la vidéo après. J’avais perdu vraiment mes moyens parce c’était devant tout le monde.
Mais c’est quand même un bon souvenir, parce que ça m’a appris à me mettre dans la peau du compétiteur, et à connaitre toutes les sensations qu’on peut ressentir. C’était un moment de stress, de ne plus savoir tout ce qu’on a appris. On peut tout oublier au final ! C’était déstabilisant mais je ne dirais pas que c’était un mauvais souvenir.
Après, j’ai fait une compétition en plein contact, et là c’est plutôt un mauvais souvenir. Mon entraineur pensait que j’étais prête et que j’avais les capacités pour aller en plein contact. Je n’en étais pas forcément convaincue parce que je n’étais déjà pas très à l’aise en light mais j’avais fait entièrement confiance à mon entraineur. Et je pense que je n’étais vraiment pas prête. Je suis tombée sur quelqu’un qui avait l’expérience des combats, qui était plutôt hargneuse. On n’a même pas fini le premier round ! A cette époque-là, j’avais la hantise de me prendre des coups sur le nez parce que j’ai un problème au niveau des sinus. Je voulais juste ne pas me prendre de coup et ce qui arrive en général c’est tout le contraire ! Je me souviens avoir envoyé les premiers coups : coups de pied, coups de poing ; qu’ensuite elle a remisé et qu’à ce moment là je n’ai pas eu ma garde et : direct sur le nez. Donc on a arrêté parce que je saignais du nez, on a essuyé, et on est reparties. Et quand on est reparties elle s’est déchaînée direct sur mon visage parce qu’elle s’est dit : « Ça y est, je l’ai touchée à cet endroit-là ». Et là mon entraineur a jeté l’éponge parce qu’il voyait que ce n’était pas productif. Ce n’était pas intéressant de me laisser.
Là, je me suis rendue compte de l’impact que ça pouvait avoir psychologiquement, physiquement, surtout en plein contact. Je pense que je n’étais pas prête, ni physiquement, ni psychologiquement.
J’en ai refait une autre deux ans après, en light. Pour moi, pour ne pas rester sur cet échec, pour me dire : le light ça me convient peut-être plus. Mais je ne me trouve pas très à l’aise sur le tatami en compétition, je me sens mieux en tant que coach. Je l’ai refaite pour me surpasser. Et cet échange était beaucoup mieux, j’ai terminé sur une bonne touche. J’aurais peut-être continué en light si j’avais eu le temps de m’entrainer mais au final il fallait choisir à un moment donné.
Au bout de six ans au CMASA, je suis venue ici (club Esprit Libre à Blanc-Mesnil) pour ouvrir la section féminine.
J’avais rencontré Paly (Paly Dembelé, fondateur de Esprit Libre) au CMASA où il s’entrainait aussi. On s’est trouvés amicalement déjà, et aussi au niveau sportif. Il m’a parlé du club de Blanc-Mesnil. C’est de lui dont vient l’idée de la section féminine. Au départ il y avait une section adulte et une section enfant. Il avait vraiment le désir de mettre une section féminine en place. Beaucoup d’autres clubs avaient une section féminine mais avec un entraineur homme. Ce qui faisait la différence c’est qu’il voulait que ce soit une femme en tant qu’entraineur. Il nous en a parlé, à une de mes amies aussi du club d’Aulnay et à moi.
Et on a ouvert la section féminine au BMSFighting-Club (Blanc-Mesnil Fighting Club, ancien nom du club Esprit Libre)il y a trois ans. C’était en 2014. En début d’année.L’amie qui était avec moi a arrêté, j’ai continué, et Farah est venue me rejoindre comme deuxième entraineure. Je ne la connaissais pas du tout, Paly la connaissait. C’est lui qui a réuni tout le monde.
La première année on avait peut-être 20 personnes au début, en fin d’année on a terminé à 30 adhérents, en section femmes, la deuxième année on en avait 50 et cette année je crois qu’on est à peu près à 80 ! Il n’y a pas eu de publicité particulière, c’est par le bouche à oreille.
Depuis que j’ai commencé la boxe, je n’ai pas arrêté. Ça fait 8 ans 1/2, 9 ans, quelque chose comme ça, oui. J’ai évolué, parce qu’en full-contact on a les ceintures à passer. J’ai passé les grades, j’ai passé la ceinture noire auprès de la fédération et après j’ai passé les diplômes fédéraux d’entraineur.
Entrainer, ça s’est fait au fur et à mesure, naturellement. Au fur et à mesure je prenais note de ce que l’entraineur faisait à l’entrainement. Ce n’est pas que je prenais note mais j’enregistrais facilement les exercices et la façon dont il s’y prenait. Des fois il me disait : « Est-ce que tu peux montrer ? » Parfois il y avait beaucoup de monde, des nouveaux qui arrivaient, il ne pouvait pas se charger de tout le monde, alors il me disait : « Tiens, tu prends les nouveaux. » Je n’étais pas forcément à l’aise au départ. Je lui demandais : « Mais qu’est-ce que je leur fais faire ? Qu’est-ce qui est compliqué ou pas comme mouvement ? » Parce que je ne me souvenais pas par quoi j’avais commencé. Donc je posais des questions. Et il m’a appris beaucoup sur l’ordre des choses. La pédagogie je pense que je l’avais déjà, au début ; après, c’est le fait de s’adapter aux personnes. Mais par mon métier j’ai l’habitude. Je travaille en crèche. Mais c’est vrai que l’ordre des choses, quoi faire à quel moment, c’était difficile pour moi d’être dans l’imprévu. Il fallait qu’il me dise à l’avance : « Tu vas t’occuper d’un cours. » Une fois je suis arrivée, il m’a dit : « C’est toi qui fait le cours. » Ce n’était pas prévu. J’ai dit : « Ah non non non, ce n’est pas possible ! Dis-moi, la prochaine fois, je préparerais. » J’avais besoin, vraiment, de noter, de préparer avant, parce que j’avais peur de me retrouver avec un moment de vide.
Donner des cours, c’est quelque chose que j’aime bien : transmettre ce qu’on m’a moi-même transmis. C’est intéressant de voir évoluer les gens qui arrivent. En général, les personnes qui viennent à la boxe ne parlent pas de compétition, ça ne leur vient même pas à l’esprit au départ. En général elles viennent pour leur bien-être personnel, parfois pour perdre du poids. Toutes ont des raisons différentes. Au final certains vont vers la compétition et les autres non. C’est intéressant d’essayer de s’adapter en fonction des personnes et de ce qu’elles attendent.
En tant qu’entraineure, c’est vrai que je préfère la boxe loisir. J’aime les premiers cours, j’adore donner les premiers cours, les premières bases. C’est là où ça accroche ou pas. J’aime bien cette idée de fidéliser la personne qui arrive. En général quand elles ressortent du premier cours elles se disent : « Waouh ! j’ai appris plein de choses ! » Et à chaque fois elles en apprennent d’autres qui se rajoutent. Je trouve ça marrant. Il y a beaucoup de raisons pour que le public féminin vienne à la boxe, et on n’en sait rien. Mais quelles que soient ces raisons, on emmène toujours quelqu’un à se surpasser. Parce que la boxe c’est quand même un sport assez dur. Même pour celles qui viennent s’entrainer en loisir, il y a souvent l’appréhension de se prendre un coup. Il faut se protéger, c’est difficile. Le fait de surpasser cet aspect-là, je trouve ça bien ! Et oui, c’est un sport dur, fatiguant.
Les coups, c’est quelque chose. Parce que quand on fait des techniques, dans le vide, ça va ! Mais après, quand on se prend vraiment un coup, c’est autre chose ! J’avais cette appréhension des coups au départ. La peur de se blesser, déjà, et la peur de perdre ses moyens, de baisser complètement la garde et de s’en prendre encore plus. La peur d’être jugée aussi. D’être jugée sur la façon dont on va recevoir le coup, comment on va réagir derrière.
Quand j’ai commencé, quand il y avait un coup qui me faisait un peu mal, je me sentais oppressée par l’autre adversaire. Des fois j’avais vraiment du mal à continuer mon combat. Je pouvais pleurer, c’était vraiment quelque chose de difficile au départ. Ça me déstabilisait complètement.
Après, je pense qu’on s’habitue. On s’accommode en fait. On s’accommode et on réagit autrement. Sur le coup ce n’est pas agréable ! Mais on prend du recul et on se dit : « Qu’est-ce qui s’est passé, à quel moment et pourquoi ? Qu’est-ce que j’aurais pu mettre en place ? » Et on réadapte. Mais on sait que ça fait partie du jeu. On apprend à plus se protéger, plus se déplacer, et on sait que dans tous les cas, ça peut arriver, avec n’importe quel adversaire, un débutant comme un confirmé, dans n’importe quel contexte. Il faut apprendre à encaisser, à mettre des coups mais à encaisser aussi.
Mettre un coup, pour moi, ça a été difficile aussi. Lors de ma première compétition, ce qui m’a le plus déstabilisé c’est que je n’avais pas cette âme de compétiteur : « Je veux gagner ! » Je ne voyais pas un adversaire devant moi mais une personne. Et ça, c’était compliqué parce que je ne voulais pas faire mal. Je voyais une personne en face de moi, je me souviens encore du visage de mon adversaire, qui était un peu paniquée aussi, souriante, et j’avais vraiment du mal à voir un adversaire. Je voyais la personne en dessous. Et oui, c’est difficile de mettre des coups, souvent on retient un peu, parce qu’on ne va pas frapper comme sur un sac !
Pour un compétiteur, je pense qu’il faut qu’il se dise qu’à partir du moment où on rentre sur le tatami, il n’y a plus deux personnes mais il y a deux adversaires ; et que le meilleur gagne ! Après, il y a quand même des règles sportives qui font qu’il y a du respect, et qu’on sait quand s’arrêter. Mais il faut vraiment partir dans la compétition en te disant : « Ce n’est pas une personne, c’est un adversaire ; c’est moi ou lui qui gagne. »
C’est difficile de savoir si quelqu’un va être un compétiteur. On peut parfois voir ceux qui ont plus l’esprit de compétition, mais on peut toujours avoir des doutes. Et au moment de la compétition, certaines personnes qui ne se projetaient pas forcément dedans, peuvent être vraiment emballées et se dire : « C’est ce que je veux faire. »
Ils peuvent se révéler. Par exemple je pense à un enfant qui n’était pas forcément assidu, qui faisait un peu n’importe quoi au cours, il n’avait pas de but justement. On a un peu hésité, on l’a mis à une première compétition, et depuis sa première compétition c’est quelqu’un d’autre ! Parce qu’il a vu l’enjeu, pourquoi il s’entrainait, ce que ça pouvait lui apporter, quelle était la réalité de la situation en combat et ça l’a motivé. Depuis, il fait des compétitions et à l’entrainement il est plus sérieux. Mais en le voyant à l’entrainement au départ on ne s’était pas dit qu’il pourrait faire de la compétition parce que justement il n’était pas assez sérieux.
Par contre, en général quand on sent quelqu’un pour la compétition, ça se révèle être quelqu’un qui accroche à ça.
Une partie de soi qui n’est pas forcément apparente ressort dans les compétitions. Déjà le fait de se surpasser soi-même. Il y en a qui n’aiment pas se mettre en compétition avec les gens, même dans la vie de tous les jours. Il y en a pour qui c’est quelque chose d’important. Souvent sur les compétitions, ce qui joue aussi, c’est le fait de ne pas décevoir son entraineur, ça joue énormément. Moi-même je l’ai vécu. Ce n’était pas me décevoir, mais décevoir mon entraineur qui était le plus dur. Parce que l’entraineur prend du temps pour entrainer à une compétition et cet aspect-là joue beaucoup. Avant les compétitions, je dis aux filles que déjà je suis contente qu’elles soient là. Qu’elles gagnent ou qu’elles perdent, je serais contente dans tous les cas. Si elles perdent, il y aura des choses à revoir, à adapter. C’est important qu’elles sachent que la compétition en elle-même c’est déjà un pas, et qu’il ne faut pas se figer sur la finalité. Moi je me fige sur le travail qu’elles ont qu’elles ont fait, les sacrifices qu’elles ont pu faire avant et le jour de la compétition.
Par exemple, à la dernière compétition de Noémie, juste après le combat, on venait juste de finir, elle m’a dit : « Tu es fière de moi ? Tu es fière de moi ? » Je lui ai dit : « Mais oui ! » Je n’avais même pas enlevé son casque qu’elle m’a dit ça, cette phrase-là. Même si on essaie de le dire avant, avoir la reconnaissance de l’entraineur après, trotte vraiment dans la tête du compétiteur.
Les compétiteurs sont tous différents : par exemple Noémie, elle adore qu’on l’encourage alors qu’il y en a d’autres qui vont dire : « Non, ça va plus me déstabiliser qu’autre chose, je ne préfère pas. »
Je pense que ça dépend de chaque caractère mais c’est vrai que quand on a un but, quand on a une compétition, on va être à 200% ! Parce que la compétition, ce n’est pas que l’entrainement. C’est par exemple rester dans sa catégorie de poids, adapter son alimentation, son rythme de vie, prendre du repos. Et à part si on a un super cardio dès le départ, il faut aller courir pour augmenter son cardio, il faut avoir une volonté qui fait que même si l’entraineur n’est pas disponible il faut pouvoir se prendre en charge tout seul. Il y a plus d’enjeu, donc on ne s’entraine pas de la même manière : on ne va pas louper un entrainement parce qu’on est fatigué, on va dire : non, non, il faut y aller !
Pour celles qui viennent en loisir, les motivations sont diverses. Certaines l’expriment verbalement au fur et à mesure de l’année ou même dès le début : J’ai envie de perdre du poids, ou : J’ai envie de faire un sport qui est complet, j’ai envie de gagner en souplesse. Beaucoup de choses différentes. Il y a quand même pas mal de mères de familles, et pour beaucoup c’est un moment d’évasion, c’est prendre un temps pour soi. Après, la motivation première qui fait qu’elles sont rentrées pour la première fois dans une salle de boxe, c’est très personnel et on n’arrive jamais à le savoir au final.
Quand on commence la boxe, au niveau physique déjà, on découvre des muscles qui travaillent, qu’on ne connaissait pas avant ! Et après il y a l’aspect psychologique, c’est déstressant. J’ai l’impression qu’on passe un peu nos nerfs, qu’en tout cas on se décharge de quelque chose en venant à la boxe. Le fait de frapper dans un sac ou dans les cibles c’est quelque chose où on est vraiment nous-mêmes. On n’a plus d’image non plus, parce que au final la boxe ce n’est pas comme la danse où c’est très joli, très gracieux ! On est dans un état … On transpire, on est rouge, mais au final on s’en fiche ! C’est libérateur.
Je pense que trouver quelque chose qui nous passionne, qui nous intéresse, boxe ou autre, ça change quelque chose dans la vie. Par exemple là je n’ai pas forcément beaucoup de temps pour m’entrainer et j’ai l’impression que ça joue sur mon moral ! Je vais être moins patiente, parce que je n’ai pas ce moment à moi qui fait que je vais pouvoir me dépenser.
Ça peut être autre chose que la boxe, mais en ce qui me concerne, la boxe est quelque chose d’essentiel. Après, je pense que le sport en général développe quelque chose comme ça. Il y en a qui aiment aller courir et qui vont aller courir tous les deux jours parce qu’ils en ont besoin.
Les qualités qui vont faciliter la pratique de la boxe c’est d’avoir de l’endurance, de la souplesse. Le mental joue beaucoup aussi, le fait d’aller au bout des choses, même si on n’est pas tout seul et que quelqu’un nous pousse. Si les capacités physique sont là, mais que le mental n’est pas là pour dire : « Allez, tu continues », on peut s’arrêter. Je pense qu’il faut avoir cette aptitude à se pousser jusqu’au bout mais en même temps à être conscient qu’il y a des règles. Il faut pouvoir entendre ces règles et accepter que quelqu’un nous dise : « Là, stop ! Là on s’arrête. » Pour des adultes, pour des enfants aussi, c’est parfois compliqué à accepter.
On n’est pas obligé d’avoir une condition physique préalable. Ça peut aider mais tout le monde est en capacité de le faire. Même moi qui n’avait pas fait de sport pendant longtemps, et qui n’avait pas forcément le profil d’une boxeuse. Pas du tout même. Quelques années après j’ai parlé avec mon entraineur, et il m’a dit : « Le premier jour où tu es venue avec ta copine, je me suis dit : « La copine elle va rester longtemps, c’est sûr » Elle avait déjà le geste, elle avait l’attitude qui faisait qu’elle se donnait à fond. « Je pensais que c’était ta copine qui allait rester, pas toi. » Et ça s’est avéré tout le contraire ! Je n’avais vraiment pas le profil : j’étais très douce. Ce n’était pas un sport au départ qui était pour moi. C’est pour ça que je me dis : tout est possible !
Moi-même ça m’a surprise. Parce que de nature, je n’aimais pas les sports de contact. Il y en a qui les regardent à la télé, moi, ça ne m’a jamais attirée du tout cet aspect violent. Parce qu’il y a quand même cet aspect-là, de bagarre, même si ça reste un sport. On voit des coups, des gens se battre. Je n’étais pas du tout dans cette optique-là, donc oui, je me suis surprise moi-même. Je n’aurais jamais pensé que c’était un sport qui allait me plaire autant.
Et au final, ça créé mon équilibre. Par exemple par rapport à mon métier, qui demande beaucoup de patience, de calme, de douceur. Le fait de faire tout le contraire à la boxe, ça me permet un équilibre. C’était la deuxième partie qui sommeillait en moi !
Parce que c’est dur quand même. C’est un sport dur, il y a des sports beaucoup plus doux ! C’est assez violent parce qu’il faut arriver à recevoir l’attaque d’une autre personne -qui va être sportive- et ne pas le prendre pour soi. C’est sur un fil, parce que selon l’humeur qu’on peut avoir, c’est quelque chose que je trouve très délicat. Parce qu’on se retrouve tout le temps avec des partenaires ou des adversaires différents et chaque personne va réagir différemment. Ça demande une capacité d’adaptation très forte. On va s’adapter à un débutant en se disant : « On va boxer, mais on va le laisser s’exprimer un petit peu parce qu’il ne faut pas qu’il ait cette pression ». On peut aussi se retrouver devant des adversaires qui frappent plus fort, et là, il ne faut ne pas le prendre pour soi. Parfois on peut le prendre pour soi en se disant : « Il a quelque chose contre moi celui-là ? » J’ai déjà vu des mises de gants où des personnes frappaient trop fort. Ça peut finir par dégénérer si l’entraineur ne dit pas : « Stop, on arrête, parce que vous tapez trop fort. Si vous ne savez pas boxer ensemble, vous allez frapper au sac ! »
Il y a des personnes avec qui on boxe mieux qu’avec d’autres, vraiment. Il y a des affinités sur le tatami, comme au travail. Quelque chose se créé avec certaines personnes. On va mieux travailler avec elles parce qu’on va mieux s’entendre, qu’on n’aura pas besoin de parler pour faire les choses. Dans la boxe, c’est pareil. On a l’impression de plus évoluer avec certaines personnes que d’autres. Parce qu’on arrive à se comprendre et à avoir une symbiose. L’échange est plus constructif. Quand les deux arrivent à s’adapter, c’est plus facile. Par exemple, Paly, c’était un partenaire très enrichissant. Il avait cerné les choses qui me faisaient peur et du coup, j’étais en confiance ; parce que je savais que quand il me frappait au visage il me frappait un peu plus haut que sur le sur le nez, qu’il allait mettre ses coups normalement mais qu’il allait s’adapter. Donc ça me permettait d’être moins sur mes défenses et de pouvoir échanger. Parce que quand on a une appréhension on ne va plus rien faire, on va moins tenter de choses parce qu’on a peur de se mettre en danger. C’est difficile parfois de s’adapter aux personnes qui ont beaucoup de force ou qui appuient leurs coups, on ne va pas oser certaines techniques parce qu’on a peur de se mettre en danger. Avec des personnes dont on sait qu’elles ne vont pas appuyer tous leurs coups, on va plus oser faire des techniques, des déplacements.
Chacun boxe avec ce qu’il a. Certains vont être plus méticuleux, vont chercher à quel moment ils vont frapper, chercher l’ouverture, vont être plus réfléchis, plus techniques. D’autres vont miser sur la puissance et la déstabilisation de l’autre.
C’est une question d’adaptation, de savoir s’adapter à l’autre. Observer, et faire en fonction de.
Ça peut être un jeu. Oui. Souvent on se cherche un peu et puis : « Ah tiens, je t’ai touché ! » et un sourire… C’est aussi dans la rigolade. Ou alors il y en a un qui n’arrive pas à toucher l’autre, ça l’énerve un peu, l’autre se déplace, il rigole.
Il faut aussi cette partie-là, le fait que ça reste ludique.
Il faut savoir être sérieux quand il faut être sérieux mais il faut parfois sortir un peu du cadre. C’est un moment de convivialité aussi. Si on est vraiment strict et qu’il n’y a pas du tout d’ouverture, c’est moins un moment de plaisir. Par exemple ici, il y a des filles qui viennent ensemble. Si l’une ne vient pas, l’autre ne vient pas non plus. Elles veulent partager ce moment-là ensemble.
Un sport comme la boxe, c’est plus facile pour la motivation qu’un sport individuel. Quand on est tout seul face à son tapis ou à aller courir, il y a quand même moins de motivation. Là, même si on n’est pas très motivé, si la personne en face est en train de frapper, il faut bien bloquer ! Ou le contraire, il faut bien faire les cibles. Donc déjà c’est un sport collectif par rapport à ça. C’est aussi un sport qui est dur en même temps qui demande à avoir du respect, il y a cet aspect également. Avant un combat, on se salue, il y a du respect. On doit savoir s’arrêter quand il faut s’arrêter, quand l’arbitre estime qu’il faut stopper. Il y a l’aspect sportif : si on prend un coup trop fort on ne doti pas s’énerver, on ne va pas faire de la bagarre de rue, ça reste un sport. C’est savoir s’extérioriser et en même temps se contenir à certains moments. Et le fait d’être ensemble est important. Parce qu’au final, sur une compétition on est seul, mais pour les entrainements on a besoin de quelqu’un. Le fait d’avoir besoin de l’autre pour s’entrainer, c’est important. Il y a de l’entraide aussi. Par exemple, si on travaille des exercices physiques à deux, on peut se motiver l’un l’autre, s’encourager, il y a un moment où on encourage et un moment où on se fait encourager. Parce qu’il y a des moments où on n’en peut plus, on a envie de lâcher mais si les autres disent : « Allez, allez, continue ! » ça donne plus de force.
Pour l’avenir, je pense continuer l’association. Ça me tient à cœur parce que c’est moi qui l’ai repris il y a deux ans. Continuer la pratique féminine. Qui a vraiment évolué depuis le début. Mon but premier, c’est d’amener toutes les femmes qui entrent ici à apprécier ce sport et à évoluer dedans. Par exemple Alice, qui est rentrée dans la section et qui a beaucoup évolué (elle est devenue entraineure).Mon but c’est aussi ça : que certaines puissent se retrouver dedans.
Je n’ai pas nécessairement d’autre projet parce que l’association prend déjà beaucoup de temps. Mais voilà, continuer sur la pratique féminine. Je pense que c’est un public qui est en attente, beaucoup. Et de leur apporter ça, c’est important.
Les règles pour les combats changent souvent par rapport aux compétitions. En général, les zones de frappe, ça ne change pas. Pour chaque discipline, c’est quelque chose qui est déjà acté. Mais ça peut changer en terme de compétition, de nombres de points attribués, et ça, ça dépend de la fédération. Par exemple il y a la WAKO (World Association of Kickboxing Organizations), une fédération internationale qui réunit plusieurs pays. Parfois la fédération française se cale par rapport à ça parce qu’elle en fait partie, et ça change un peu les règles. En club, on essaie de parler un peu des règles d’arbitrage, et on invite ceux qui ne sont pas compétiteurs à venir voir des compétitions parce que c’est en venant voir des compétitions qu’on peut se retrouver à avoir envie d’en faire.
Pour faire changer les règles au niveau des fédérations, c’est difficile. On peut en discuter, on peut emmener une idée mais c’est difficile d’aller au bout, il faut frapper à plusieurs portes.
Quand on fait des mises de gants au club, les règles sont souvent les mêmes qu’en compétition. On enseigne plusieurs disciplines : full-contact, kickboxing, donc il y a des règles différentes pour les zones de frappe : on frappe ou pas dans les jambes etc. En général on dit la discipline et les filles connaissent les règles.
Si j’avais le temps, j’essaierais quelque chose qui sort complètement de la boxe, ça serait plus des danses, danses latines. J’aime bien ces musiques. Je m’étais dit que j’aimerais bien prendre des cours et au final je ne l’ai jamais fait parce que je n’ai pas forcément le temps.
L’année dernière et celle d’avant, en fin d’année, on avait invité d’autres clubs et on avait fait un genre de body-combat. C’est les mouvements dans le vide, en musique, assez cardio. C’est un peu chorégraphique. C’était sympa. J’avais aussi fait des cours de renforcement en musique, à la fin du cours.
Aller faire un cours ou des mises de gants dans un autre club c’est toujours intéressant parce qu’on voit d’autres méthodes, il y a un échange. Parce que chaque entraineur a ses méthodes, ses façons de travailler, ses exercices qui peuvent être différents et je pense qu’on apprend toujours. On apprend toujours en tant qu’élève, mais en tant qu’entraineur aussi. On s’inspire aussi des autres.