Rédigé par Corine le . Publié dans Interviews.

Interview de Delphine (lutteuse)

Delphine entraine les très jeunes lutteuses et lutteurs à Bagnolet Lutte 93 (Les Diables Rouges)
Elle raconte son histoire avec la lutte

J’ai toujours été une sportive.

J’ai d’abord fait de la natation, puis j’en ai eu marre de regarder le carrelage, j’ai fait sport-étude volley. Mon père était entraineur de volley.

J’avais envie d’un sport collectif.

Puis j’ai fait la fac pour être éducatrice sportive ; j’ai fait STAPS.

À la fac je faisais de la boxe.

Je suis devenue éducatrice sportive à la ville de Bagnolet. Beaucoup de mes collègues faisaient de la lutte. Je suis venue voir. J’ai commencé.

La lutte c’est un sport individuel, ça donne confiance en soi, ça oblige au dépassement de soi.

Je suis quelqu’un qui n’a pas beaucoup confiance en moi, face aux autres.

La lutte m’a aidé, ça provoque une déshinhibition.

C’est un sport tout en souplesse ; Il y a parfois des choses moins en souplesse chez les débutants, mais plus tu pratiques plus on peut faire ça en souplesse.

J’ai commencé à 24 ans. J’étais la seule fille du club au départ. Je suis allée jusqu’aux championnats de France.

Quand j’ai eu mon fils, j’ai arrêté, maintenant j’entraîne les petits au club.

J’en ai fait 10 ans.

Je ne fais plus d’entrainement. Je viens entrainer les petits deux heures par semaine. Et je m’occupe de plein de choses. Je suis souvent au club. Pour la semaine de la lutte par exemple, il y a plein de choses à organiser.

Je fais de la danse maintenant, ça me plaît beaucoup par rapport au miroir. Accepter son image dans le miroir. Mais je ne trouve pas le dépassement de soi que je trouve dans la lutte.

Dans la lutte, on sue, je ne retrouve pas ça dans la danse.

C’est cardio, c’est physique.

Après la natation, j’ai fait du water-polo, la différence c’est le contact avec les autres.

De faire de la lutte ça m’aidait dans le water-polo, parce ce que j’avais l’habitude du contact, c’était complémentaire.

Au water-polo on est en équipe. C’est une équipe de filles. On s’entrainait une fois par semaines avec les garçons (équipes mixtes)

Ce que j’aimais à la lutte, c’était que c’était un monde d’hommes. J’étais chouchoutée.

Il y a de plus en plus de filles maintenant. Ici au club c’est assez masculin.

Il y a deux championnes en ce moment (une cadette a gagné aux derniers championnats de France)

Quand je m’entrainais, je venais trois fois par semaine. J’ai fait ça pendant quatre-cinq ans quand je faisais des compétitions.

J’ai eu une hernie discale.

C’est un sport assez traumatisant au niveau des articulations, même si on fait en souplesse.

Il y a des luxations, des tendinites.

Une fois j’ai eu une côte fêlée à l’entrainement. Ce n’était pas du tout intentionnel de la part de la fille avec qui je m’entrainais. Après, quand je m’entrainais elle, j’avais peur, je lui disais de faire attention.

Cette côte fêlée, ça m’a refroidit.

Pour la confiance, autant dans les championnats par équipe je me transforme, autant dans les championnats individuels, j’ai le trac ; Quand il y a beaucoup de monde, que tu te fonds dans la foule, ça va, je me dépasse. Si tout le monde me regarde, je perds mes moyens.

On parle de stress positif ou négatif. Ça se travaille.

A l’entrainement, il y a beaucoup de monde, tout le monde s’entraine, j’ai confiance en moi.

Je peux travailler la confiance en moi à l’entrainement, comme je la travaille à la danse en me regardant dans le miroir.

La lutte, ça peut être un facteur socialisant ; ça l’est pour beaucoup d’enfants qui viennent au club.

 

-Quelles sont les valeurs que tu énoncerais pour la lutte ?

-Le dépassement de soi

-L’estime de soi

-La confiance en soi

-Le contact. La lutte permet de déshappréhender le contact. C’est important. Surtout en hommes et femmes. Les premières séances d’entrainement, j’étais la seule fille, parfois pour certaines prises on peut être gêné au début, ça peut sembler ambigu.

Une fois qu’on a compris que c’est des prises techniques, il n’y a plus aucun problème. Pour les enfants, c’est important.

-L’acharnement, quand on ne lâche rien.

Quand j’étais petite, je n’arrêtais pas de me battre, j’avais besoin d’extérioriser comme ça.

Quand je lutte, je traduis tout ce que je pense, tout ce que je ressens par le geste.

A l’entrainement, on dit partenaire. Ça veut dire qu’on pratique en souplesse.

Au combat, on dit adversaire

Face à l’adversaire, c’est action/réaction.

On ne peut pas uniquement attaquer ou uniquement défendre.

J’ai tendance à être toujours sur la défensive, c’est un manque de confiance en soi.

 

-As-tu des points forts et des points faibles ?

Mes points forts :

-ne rien lâcher

-examiner l’adversaire

-les attaques aux jambes et aux chevilles : j’ai de la facilité à me baisser, ça vient du volley

Mes points faibles :

Le haut du corps (les portés)

 

-Y-a-t-il des partenaires préférés ?

A l’entrainement, les partenaires préférés sont ceux qui ont la même connaissance de la lutte que toi, la même manière de lutter, mais qui peuvent quand même m’attaquer sur mes points faibles.

 

-Quel est le rapport au poids ?

C’était la première fois que je faisais un sport où il y a pesée.

C’est stressant, il faut tout le temps faire attention. Certains arrivent à faire attention sur toute l’année, mais souvent, on arrive à passer une semaine sans manger avant la pesée et on se goinfre juste après.

Souvent les personnes qui arrêtent la lutte grossissent.

 

Dirais-tu que c’est un sport violent ?

Ce n’est pas un sport violent. C’est un sport avec des techniques.

C’est action/réaction.

Il faut : mettre l’adversaire sur le dos, avoir le plus de points.

Il y a des techniques qui font mal, certains font exprès.

Les règles que j’apprends aux enfants :

-Ne pas faire mal

-Ne pas se faire mal

-Ne pas se laisser faire mal

Si quelqu’un vous fait mal (une clé par exemple), on lâche, on laisse passer. Il y a des règles. L’arbitre doit stopper si ça sort des règles.

Il y a différentes formes d’agressivité. Il y a une bonne agressivité, nécessaire pour combattre.