Rédigé par Sébastien le . Publié dans Les rencontres du Cercle.

1er juillet 2015 : 4e réunion du Cercle à La Commune

 

Qu'est-ce qui vous a saisi, déstabilisé, terrassé, attiré ?

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-          Samir : aux Diables Rouges j’ai découvert la Lutte. Ce qui m’a saisi, c’est la dureté des contacts, et en même temps un respect absolu du partenaire pendant le combat. J’ai été effaré de l’engagement fort, dur, très physique, demandant beaucoup de ressources. J’ai été saisi par le fait qu’ils ne s’arrêtent jamais. Ce sont des sportifs de haut niveau, accomplis parce qu’ils sont constamment en action. Quand on voit les moyens qu’ils ont, je dis chapeau. Comment ils arrivent à faire des entraînements dans ces conditions. Il y a beaucoup de monde, quand on y était, on avait chaud. Moi qui ai connu quelques dojos, c’était pas ça. On avait de quoi pouvoir récupérer, s’aérer… ils ont pas de bonnes conditions. J’ai découvert une grande noblesse. En quelques mots. Un engagement total, un respect absolu, et une continuité de l’apprentissage, les petits sont chaperonnés par les anciens. Chose qu’on voit de moins en moins. Les anciens qui viennent jouer à la balle pour conserver cet esprit de camaraderie. Pas d’esprit de compétition. Il y a tjrs un respect. Moi j’ai pu voir certaines choses dans les dojos, où la compétition induisait des comportements..

-          Corinne : la différence c’est que la lutte n’est pas un sport de soumission. Didier dit que c’est ça qui change

-          C’est ça qui fait qu’ils attaquent ardemment.

-          Hervé a écrit des textes juste après les 3 séances, pas quelque chose de synthétique mais des réflexions d’un néophyte. 1er texte quand on a assisté à l’entraînement, le 2e après la compétition, le 3e après l’initiation. Textes d'Hervé.

-          Elodie : je suis un peu gênée parce que je croyais qu’on serait en cercle sur le plateau…

-          Stéphane : On a oublié le dispositif du cercle pour pouvoir venir au centre pour présenter, il faut absolument le faire la prochaine fois.

-          Elodie : Je vais expliquer l’embryon d’idée, le début de canevas d’impro. J’ai amené ma brosse à dents. Le projet m’intéresse, sans être du tout une spécialiste et même ayant une trouille par rapport à des sports comme la Lutte ou la Boxe, des sports de combat. J’ai beaucoup pensé à la lutte. Là où j’y pensais le plus c’est quand je me brossais les dents. Du coup j’imaginais aller sur le plateau me brosser les dents et dans le miroir je regardais mes petits bras musclés surtout ceux du bas des bras. Et c’est aussi un rituel que j’ai avant d’entrer sur le plateau. Mon point de départ c’était de me brosser les dents sur le plateau et de laisser parler les pensées, quand on dit « allez ». le mot « lutte » est très beau. Brecht disait « si on lutte on peut perdre mais si on lutte pas on a déjà perdu ». Quand je suis arrivée à la compet j’étais très impressionnée par leur agilité, j’étais pas préparée à voir un truc aussi chorégraphique. Quand je suis arrivée à l’initiation j’étais la 1e et je voyais que des lutteurs arriver et ouh lala je commençais à penser à moi dans ma salle de bains. Et j’ai trouvé ces gens très très généreux et j’ai beaucoup aimé. Dès que je me suis mise à penser à mes souvenirs d’enfance de bagarre avec mon frère et dès que j’avais des souvenirs, ma partenaire me mettait au sol. Je continue à avoir peur des sports de combat. Après combattre avec des lutteurs, je pense pas que j’oserais…

-          Michel : je suis là pour tremper une madeleine dans une tasse de thé, par rapport à des souvenirs d’enfance. (…) Je me souviens d’une cour de récré et des souvenirs qui commençaient par des bagarres dans une cour non surveillée. Et puis c’était un lien aussi avec le chant c’était une école catho. Il y avait une chorale. Et c’est un autre projet de la Revue Eclair auquel je participe à l’aquarium. Ça m’intéresse de voir comment je réagirais à ça. La lutte et la bagarre sont revenues dans mon existence, récemment. (…)

Me bagarrant beaucoup on m’a mis dans un club de judo, et la 1e chose qu’on apprend c’est tomber, et c’est quelque chose qui m’a beaucoup aidé. Pour tout le monde en 3e j’étais le garçon qui avait réussi à casser la gueule à machin, qui terrorisait tout le monde. Quand on se bagarrait un cercle se formait, on entendait crier « du sang ! du sang ! », il y avait une notion de respect, de mort, de révolte. On gagne quand on a le jus au dernier km, il y a une notion de vie, de jouissance. Pour terminer je la lierait à des endroits réputés dangereux comme le bois de Vincennes, (projet de JC Marty) mais qui ont été aussi des lieux très joyeux, l’université au milieu des bois (…). Avant les années sida c’était le lieu où les gens réinventaient le soir le carnaval de rio. Les jours où on est profondément désespéré il y a peut être un fil de vie à chercher dans ces démarches…

-          Célia : Par rapport à la l’initiation j’ai eu 1 plaisir énorme. Ça m’a rappelé des grands souvenirs d’enfance. Et comment on prend les choses à bras le corps. On me dit tout le temps « prends un peu de distance, ne prends pas tant les choses à cœur… ». Mais ce que j’ai compris à l’initiation, c’est que pour prendre les choses à bras le corps il faut un peu de technique sinon tu te fais éclater. Après un orteil et un genou déboité, une lutte permanente avec les assedics, avec la chaleur, je vais vous chanter une chanson. Elle chante la chanson de « la môme catch-catch ».

-          Jeff : je me suis demandé à quel moment on sort de la compet pour aller vers le sport. J’ai horreur de la compet, je fuis ça le plus possible dans la vie, cette organisation. Je peux dire qu’avoir le minimum de compétition dans ma vie c’est une lutte. Le chemin pour aller de la compet au sport, ce serait le chemin d’un exercice physique qui soit pas forcément avec un adversaire, comme au tai chi ou quand on s’envoie la balle au tennis, pour que l’autre renvoie le plus facilement possible. C’est peut être pas possible avec les sports de combat. C’est cet exercice qui consiste à faire des gestes de combat souvent seul, pour arriver au geste le plus précis possible. ça me semble plus intéressant. Après sur la lutte, je découvre des physiques très particuliers. Un lutteur c’est un mec de l’Est avec des jambes très fines et un haut du corps très développé. J’aime bien aussi le judo parce qu’il y a un vêtement, on est toujours bien habillé. Là ils arrivent avec un t-shirt troué, des trucs pas assortis. Le dernier vainqueur de Roland Garos s’est fait remarquer par sa tenue sportive très dépareillée, il était mal habillé, il donnait l’impression d’être là par hasard, et finalement il a gagné. Ces accoutrements dépareillés à la Lutte, ça me semblerait important de les reproduire dans un spectacle.

-          Abelle fait circuler des dessins et lit son texte: j’ai vu la compet et j’ai observé l’entraînement. J’ai croqué les corps au dessin. C’est : Comment les corps se parlent?

-          Samir : … qd je vois ce qui peut se produire à travers ces combats, je me dis : qu’est-ce que ça peut être avec les gens de la boxe et du mma. Ce qu’on ne trouve pas dans la quintessence de ce sport.

-          Stéphane : j’ai écrit un texte qui s’appelle "La balance". Quand on discute avec les lutteurs on s’aperçoit que c’est très important, très contraignant. J’avais interviewé Jean-Jean qui est le fondateur et le plus ancien lutteur des Diables Rouges, il racontait tout ça dans une forme de bonhomie, et quand je lui ai demandé « et la balance ? », là j’ai vu son visage changer, et il a dit que c’était vraiment pas rigolo. Et comme Didier m’a dit que c’était vraiment le premier adversaire, j’ai écrit un texte pour faire parler la balance. Lecture du texte.

-          Corine : Je n’ai pas pu participer à la séance d’initiation à cause de mon genou. J’ai suivi de l’extérieur. C’est une sensation nouvelle pour moi. Je me suis demandé comment Vadim, Didier, Christian trouvent les mots pour expliquer le mouvement. (Lecture de son texte).

-          Silviane j’ai un enfant de 5 ans qui a fait lutte, du karate, et du judo dans cet ordre. Il a préféré la lutte. La lutte c’est familial. Ce qui m’est apparu c’est que c’est le sport de combat le plus intuitif, j’étais surprise de voir le corps de mon enfant qui s’y mettait spontanément, naturellement…

-          Elodie : j’ai tourné avec une fille du club. Elle regardait mes jambes, moi, j’avais envie de la regarder normalement dans les yeux. Alors je me suis mis à regarder ses jambes. Est-ce que c’est typique de la Lutte ce regard ?

-          Corine : à la Lutte tu sens par autre chose, par le contact.

-          Sébastien : j’ai juste 3 points de réflexion.

-      Ecoute du texte enregistré de Emilie : « Laurent mien

-          Visionnage de la Vidéo de Marie.

Après la pause : Discussion, questions…

-          Comment continuer à suivre les Diables Rouges à la rentrée ?

-          Marie Jo dit que c’est très émouvant et très beau de nous entendre parler de la lutte.

Elle pense que cette survivance d’une mémoire par les corps c’est quelque chose qui s’est perdu dans l’époque contemporaine, c’est quelque chose qui a à voir avec le peuple, les gestes du travail (Stéphane parle de la position du planteur de riz au Tai Chi). Ça lui a rappelé un voyage en Egypte. La vision des statues, des œuvres d’art et la beauté des gens qu’on croise dans la rue, ceux qui travaillent au bord du Nil.

-          Marie Jo parle d’une séquence du film Women in Love de Ken Russel d’après le roman de DH Lawrence, où il y a une recherche de la fraternité des corps, et qui passe par la lutte.

-          Pistes littéraires : David et Goliath, Beckett, Mercier et Camier, Kafka, Description d’un combat.

Lutte