Rédigé par Stéphane le . Publié dans Ecrits Divers.

Deuxième dissertation sur la généalogie de la morale de Nietzsche

NiezscheTrad. de l'allemand par Jean Gratien et Isabelle Hildenbrand. Édition de Giorgio Colli et Mazzino Montinari, collection Folio Essais, Gallimard

C’est Maurizio Lazzarato, philosophe, qui m’a conseillé la lecture de cette deuxième dissertation sur la généalogie de la morale. Lui, y trouva des éléments pour nourrir sa réflexion sur la dette. http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=6238

Le propos de Nietzsche, en effet, est bien là de faire apparaître la dette comme le ciment le plus archaïque, le plus réel et le plus efficient de la société. Ce qui fonde la morale, les valeurs communes, c’est la confiance que le créditeur a en son débiteur, et surtout dans sa capacité à se rappeler de sa dette. Tout le travail de la société est donc de lutter contre l’oubli, pente naturelle de l’esprit.

« Seul ce qui ne cesse de faire mal est conservé dans la mémoire ». (C’est ainsi que lors de leur adoubement les chevaliers prêtant serment allégeance à leur seigneur se voyaient souffletés par ce dernier, afin de garder dans leur chair le souvenir cuisant de leur serment). Les lutteurs savent bien apparemment que le souvenir des coups reçus est beaucoup plus présent que celui des coups donnés.

Le lien avec les préoccupations contemporaines et politiques de Maurizio est évident. Mais avec les sports de combat ?

Le fait est que ce lien n’a rien de direct. Il passe à mon sens par la cruauté. Nietzsche rappelle dans cette dissertation comment des spectacles qui aujourd’hui nous épouvantent – le supplice des criminels sous l’ancien régime par exemple – constituaient des fêtes pour les spectateurs d’alors. Il en est de même pour les jeux du cirque à Rome qui nous semblent presque participer d’une autre humanité.

Des spectacles d’une telle cruauté nous semblent inconcevables aujourd’hui – notre sensibilité est devenu rétive à de tel excès – mais notre sensibilité ne s’est-elle pas plutôt déplacée ? Un combat de boxe ou de MMA est-il moins cruel que celui quotidien du JT de 20h ? Là c’est moi qui pose cette question – naïve ( ?)-.

Joyce Carol Oates développe longuement cette question dans « De la boxe ». Sa réflexion doit beaucoup sans doute à Nietzsche.

Nietzsche ouvre une autre question très pertinente pour nous dans cette dissertation. Il présente l’homme comme étant avant tout un être d’évaluation.

« Établir des prix, mesurer des valeurs, inventer des équivalences, échanger – tout cela a préoccupé à tel point la toute première pensée de l’homme que ce fut en en un sens la pensée tout court (…). »

Le sport en général, et les sports de combat en particulier, sont une forme de réponse à ce goût humain pour l’évaluation. Invention de règles de combat, de catégories de poids, de durée des affrontements, définition du lieu du combat, convocation d’un arbitrage, d’un public : tout est prévu pour répondre au plus juste pour répondre à cette question qui est le plus fort de l’un ou de l’autre ?

Peut-être le lien avec Nietzsche est-il dans cette idée que les combats humains – notamment ceux de l’Iliade – constituent le passe temps favori des dieux. Peut-être tout combat constitue-t-il une ordalie, une décision divine sur qui est finalement le favori des dieux. Je ne sais si c’est cette question que se posent les combattants montant sur le ring, mais c’est sans doute celle que se pose le spectateur de sport de combat, surtout s’il a lui même un favori. Les dieux sont-ils en accord avec mon choix ?

Bon. Je ne sais pas si cette notice éclaire vraiment mon lecteur sur les raisons qui m’ont poussées à intégrer « La deuxième dissertation sur les origines de la morale » dans cette bibliographie.

Mais, finalement, le mieux n’est-il pas pour mon lecteur d’aller y voir lui-même pour mieux débrouiller que je ne le fais le fil qui unit cette dissertation à ce qui nous occupe ?

Je l’invite alors à nous contacter afin de nous faire partager ses conclusions !

Maurizio Lazzarato conseille de lire le texte dans la traduction citée ici (publiée chez Gallimard). Une autre, plus ancienne, est accessible en ligne ici.

Divers, Bibliographie