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Interview de Noémie (boxeuse)

Interview de Noémie, à la salle de boxe du club Esprit Libre au Blanc-Mesnil le 20 février 2017

Noémie pratique la boxe depuis qu'elle est allée vivre à Montréal il y a quelques années où elle a suivi l'ascension d'un champion de MMA. Ce n'était pas une activité à laquelle elle avait pensé avant. Elle se demande pourquoi ça lui plaît tant. Elle aime la compétition et veut en faire à un haut niveau.

 

Est-ce que tu peux me raconter la première fois que tu es rentrée dans une salle de sports de combat ?

La première fois, c’était à la salle de Drancy, je pense que c’était en 2011. Je m’étais inscrit pour faire du body-combat. C’est dans l’air, un genre de truc rythmique, peut-être l’ancêtre de la zumba, quelque chose comme ça, et dans le forfait il y avait aussi des cours de boxe. Parce qu’ils avaient très peu de femmes, donc ils avaient mis ça dans le forfait. Je m’étais dit : je vais aller voir, ça peut être sympa. Et là, la première et seule fois où j’y suis allée, on m’a filé des gants et on m’a dit : « Allez ! enchaînement ! gauche, droite, uppercut, crochet ! » J’ai regardé, et après j’entends : « Allez ! cent pompes ! » J’étais là : mais qu’est-ce qui se passe ? mais non, je ne veux pas ça ! Ça a été un traumatisme en fait. Les nanas qui y étaient, c’était le genre de femmes qui se prennent pour des hommes et qui sont là à mâcher leur chewing-gum et à regarder super méchamment, et comme je ne suis pas comme ça, j’étais super impressionnée ! Et je me suis dit : « Je ne veux plus jamais y retourner de ma vie. » Voilà. Ma première expérience c’était ça.

C’était vraiment par hasard ?

Oui. Je me suis dit : « Pourquoi pas ? C’est dans le forfait, c’est gratuit. »


Tu n’a pas recommencé à cet endroit-là ?

Non, non non. En plus avec le coach ça ne passait pas du tout. Humainement. Humainement c’est super important. Je ne me sentais pas à ma place. Il flirtait avec plein de gens. Humainement, ce n’était pas quelqu’un avec qui je me sentais en confiance. Dans le cadre du sport bien sûr.

Avant, tu avais déjà regardé des combats de boxe ? Tu t’étais intéressée à ça ?

Non. Pas du tout. Je connaissais un peu les bases : Mohamed Ali, mais je ne savais même pas que c’était la même personne que Kasus Kley ! Non non, ce n’était vraiment pas quelque chose qui m’intéressait, aucunement.

Pourquoi, comment tu es venue à ça ?

En 2014 je suis allée vivre au Canada. Je vendais des cigarettes électroniques. J’étais une grosse fumeuse (ça fait treize-quatorze ans que j’ai commencé à fumer). Quand je sortais, le premier truc que je faisais c’était allumer ma cigarette. Parce que toute la journée tout le monde vapotait, et bien non, moi j’avais besoin de ma dose de nicotine. Un jour un gars m’accoste et me dit : « Tu ferais mieux d’aller au Gym au lieu de smocker. » (Tu ferais mieux d’aller à la salle de sport au lieu de fumer.) J’ai répondu : « Pour qui tu te prends ? On se connaît ? » J’étais un peu sauvage : Je ne le connaissais pas et il se permettait de me dire ce que j’avais à faire ! Alors que pour lui c’était de la drague… Ensuite je lui dit : « Qu’est-ce que t’en sais que je vais pas au Gym ? » Il me réponde : « Écoute, moi je pense que tu es assez tendue. En tout cas, je donne des cours de kickboxing si ça t’intéresse. » Et là, j’ai commencé à écouter, parce que je trouve que quand on vit ailleurs, il y a un truc qui nous pousse à nous dépasser et à aller faire des choses qu’on aurait pas forcément faites ici, à sortir de notre zone de confort plus facilement. De toutes façons, je rentrais chez moi le soir, je n’avais pas mes amis, ma famille, donc autant découvrir des choses ! Donc je lui ai dit : « Oui, mais ça n’engage à rien ! Je vais venir, mais ça n’engage à rien ! » Il me dit : « D’accord ! » Et donc un jour j’y suis allée. Il m’a fait faire l’échauffement avec tout le monde, ça se passait bien, et au moment où tout le monde se met à faire des thèmes, vu que moi je n’avais simplement aucune idée de ce qu’il disait, il m’a pris en fait au Pao. (mettre des coups dans des cibles) Et là : révélation ! Autant l’effet que ça fait dans le corps, que le bruit, j’ai trouvé ça… ça a été un coup de foudre en fait à ce moment-là. Le lendemain j’appellais la salle pour avoir les prix. Je dis : « Hier, j’ai fait un cours de kickboxing. » On me répond : « Ce n’est pas possible, on ne fait pas de kickboxing ». La personne me demande : « Vous avez des bleus sur les genoux ? » J’aquiesce. Il me dit : « Vous avez fait de la muay-thaï. » Pour moi, la muay-thaï c’est le summum de la dangerosité ! Les coups de coudes, les coups de genoux, c’est super intense. Et c’est arrivé comme ça. Je suis retournée dans cette salle. Ensuite ça s’est mal passé avec lui, parce qu’en fait le coup de cœur, je ne l’ai pas eu pour lui, je l’ai eu pour son sport, donc ça a fait des histoires. Au final, je me suis retrouvée à essayer cinq salles à Montréal, parce que je ne trouvais pas la salle dans laquelle je me sentais bien. Au bout d’un an, je n’avais plus de visa, et c’est le moment où j’ai trouvé une salle où je me sentais à peu près bien. Avec un coach français. Et de fil en aiguille j’avais eu beaucoup de contacts dans ce milieu de la boxe, du MMA (Mixed Martial Art) aussi parce qu’en Amérique du Nord c’est légal. Mon meilleur ami, je l’ai rencontré là-bas. Moi j’évoluais tout doucement côté boxe et lui il a complètement explosé, il est devenu N°1 québécois, N°1 canadien, il a commencé à signer des contrats chez Desert Force, dans des fédérations… dingue quoi ! C’était vraiment fou parce que je voyais le niveau au-dessus. Un jour je lui ai dit : « J’aimerais, à mon retour en France, me mettre à fond dans la boxe, faire des compétitions et ressentir ce que tu ressens. » Vivre à l’étranger c’est comme s’émerveiller tous les jours, et au retour en France j’avais besoin de continuer à m’émerveiller. J’avais besoin de me mettre à fond dans quelque chose. Quand je suis rentrée, j’ai donc cherché la salle la plus proche de chez moi. Habitant Drancy, je ne voulais pas retourner à Drancy. J’ai vu la salle Langevin, anciennement le BMS (Blanc-Mesnil Fighting Sport) au stade Jean Bouin. J’étais à côté. Je suis venue pour les cours de muay-thaï. J’étais la seule femme, je prenais les cours avec Abdel Senoussi. Ils ont arrêté cette année. J’étais la seule femme et dès le début de l’année j’ai fait part de mes souhaits à Neïla et à Paly (dirigeants du club), de vraiment vouloir m’investir à fond. Je leur avais dit : « Avec les deux cours de deux fois deux heures avec les hommes, j’en ai pas assez. Il m’en faut plus. » Ils m’ont répondu : « Si tu veux, tu peux venir au cours des femmes, comme ça, ça te fait des cours presque les jours. » On verra à la période de Noël si tu es toujours là à tous les cours, et après, on te prendra peut-être au sérieux. » Et ils ont vu qu’à Noël j’étais toujours là ! Après, il y a eu aussi la rencontre de Miriame (entraineure) que Farah (entraineure) m’a présentée. Ça a été un coup de cœur amical. C’est marrant parce que à Montréal je n’étais entourée que d’hommes et ici je me suis retrouvée entourée que de femmes ! Parce qu’avec mon coach de muay-thaï ça l’a pas forcément fait non plus, le côté masculin. Moi, j’ai besoin d’être poussée positivement, avec des ondes positives, d’être dans une vague d’optimisme. Miriame, Neïla, elles sont très comme ça : « Allez, c’est bien, continue, allez, maintenant tu fais plus comme ça, allez, accroche-toi ! » C’est ça qui me motive. D’après les expériences que j’ai eues, avec les hommes c’est l’inverse : « Allez, t’es nulle, tu sais faire que ça ? » C’est une pédagogie qui ne me va pas du tout. Et souvent ils comparaient les autres hommes à moi : « Même Noémie elle y arrive ! ». « Pardon ? » À ce moment-là, je suis une femme, je ne peux pas laisser dire ça !

C’est le genre d’activité dans laquelle on a besoin de se sentir en pleine confiance et cette salle (la salle du club Esprit Libre à Blanc-Mesnil), ça a beau être loin des plus grandes salles, même au niveau équipement, pourtant on se sent bien, on se sent en famille. Les cours sont plus tard que dans la plupart des salles (souvent c’est 18-20 ou 19-21), là c’est jusqu’à 22h et pourtant on est là. Le samedi matin aussi. Parce qu’il y a une cohésion, aussi bien avec les coaches qu’avec les filles. Même les nouvelles se sentent vite intégrées. Donc, de fil en aiguille je me suis retrouvée en championnat. Et puis après, plus on gagne, plus on en veut ! C’est une sensation tellement… c’est cette sensation que je recherchais.


Tu pourrais la définir, cette sensation ?

Il faut que je trouve des mots ! Quand tu es en combat, ce sont des sensations que tu ne retrouves à aucun autre moment. Même quand tu es à la salle ce n’est pas la même chose. Parce que quand tu es à la salle, ce sont des filles que tu connais, pour certaines avec lesquelles je pars en vacances, donc on est proches. Mercredi dernier, Kamilya, je l’ai un peu griffée sous l’œil, Alima je lui ai fait mal à la mâchoire. Je n’étais pas bien ! En même temps on fait de la boxe. Et comme m’a toujours dit Miriame, elles ont choisi d’être là. Mais je trouve ça dur. Parce que je ne suis pas comme ça.

Comment décrire cette sensation ? Ça va être maladroit mais je dirais un peu comme un aboutissement. Parce que la préparation ! Tout ce qu’on fait pour un seul combat ! C’est tellement long, c’est tellement dur. Surtout moi, étant une bonne vivante, quand je suis en prépa de combat, je ne fume plus, même pas un petit verre, un bon vin, une petite bière, rien du tout ! La nourriture aussi : plus de sucré, plus de salé, plus de gras, plus de sauce, plus d’excès. J’essaie de faire les choses au mieux. Et quelques jours avant la pesée c’est très restreint, donc il y a aussi une grande fatigue. Et aussi les problèmes de femmes ! Que mine de rien il ne faut pas négliger et qui apportent aussi une grande fatigue, des douleurs, on est moins au top qu’on pourrait l’être.

Donc du coup quand on arrive au moment où on est en combat, où la fille on ne la connaît pas…Ce n’est pas ce qu’on a à la salle, c’est vraiment le ton au-dessus, parce que c’est elle ou toi. Quel que soit le niveau. Il faut vraiment se battre pour avoir son titre ! Et à la fin, quand l’arbitre nous lève la main… c’est, je ne sais pas, c’est vraiment, oui, tout ça pour ça ! Tous les sacrifices, je les referais cent fois si il faut ! Parce que même si je n’en suis pas à un stade où je gagne de l’argent et que les médailles elles ne veulent rien dire -parce qu’il n’y a même pas mon nom dessus, même le championnat n’est pas écrit dessus parfois !- Je pense que c’est la reconnaissance. Parce que chez soi on va changer son enfant, personne ne nous applaudit, personne ne nous dit : super ! Je ne suis pas mère, mais je suis tata -je suis un peu le plan B de tout le monde- personne ne dira : « Merci, c’est bien, t’es dispo pour tout le monde ! » Parce que c’est naturel. Même au travail.

Tu n’as jamais senti ça ailleurs ?

Non. Pas aussi intensément. On m’a déjà dit : « Ah super, t’as ton permis » ou « Super, t’as ton bac ». Mais là, c‘est moi qui l’ai fait quoi ! Même si tout le monde est avec moi, au final c’est moi qui me prends les coups.

Le permis, le bac, énormément de gens le font.

Là, c’est vraiment un truc où je suis dans ma bulle et je le vis seule à ce moment-là. La dernière fois ça a été plutôt cool parce que les filles sont venues aussi en championnat, dont certaines ont pu combattre et pas d’autres, mais du coup c’était bien de partager ça avec des personnes qui me sont chères.

L’année dernière tu avais ton premier combat en compétition. Je me rappelle que la semaine d’aprè,s quand j’étais revenue au club, tu m’avais dit : « Maintenant que j’ai fait une compétition, je ne peux plus imaginer m’entrainer sans ce but-là, ça n’a plus aucun sens. » Avant la première compétition, quand tu t’entrainais…

C’était pour faire de la compétition ! C’est ça que je ne comprends pas moi-même. À Montréal je ne faisais que les bases. Et je trouve ça ridicule avec du recul, mais avant même de commencer la boxe ici, j’ai dit à mon pote de Montréal : « Je veux faire de la compétition et je veux ressentir ça. » Ça me paraît tellement bizarre, j’ai l’impression que ce n’est pas moi, mais ces mots, c’est moi qui les ai dit ! Je ne comprends pas à quel moment j’ai pu me dire : « OK, allez, je vais me lancer dans un truc que je connais pas du tout. » Il y avait aussi ma vie, le côté personnel qui est entré en jeu. Je suis rentrée en France, je n’avais plus de visa, je n’avais pas de travail, ma vie privée était au point mort, ma vie pro aussi, et du coup c’est un petit peu le seul truc dans lequel j’ai pu voir une évolution, me fixer des objectifs et en plus, réussir à les atteindre. C’était au-delà de mes espérances, et rapide. Je pouvais récolter très rapidement le fruit de mes efforts. C’est à dire que à la boxe, si je suis en prépa et que j’ai le malheur de fumer une cigarette, je le paye, je culpabilise, je le sens. Vraiment.

C’est concret ?

Oui, c’est ça. Je pense vraiment que c’est ça. C’est que c’est concret. Parce pour tout le reste c’est tellement galère. Envoyer des CV, avoir des candidatures, des entretiens, pas de réponse, on attend, on est dans le vague. Alors que là, ça ne dépend que de moi et de mon investissement. Au final, c’est moi qui en récolte les fruits. Donc je pense que je suis égoïste en fait !

Quand tu dis que dès le début c’était pour faire de la compétition, c’était parce que tu avais vu ton ami combattre ?

Oui. J’ai vécu ça à travers lui, et je me suis dit : « C’est tellement un truc de fou ! »

J’ai suivi son évolution. J’étais là jusqu’au soir où il a combattu contre le N°1 canadien, et qu’il l’a battu. C’était un français, et tout le monde le huait ! Il a remporté cette ceinture, c’était magique ! Après il m’a regardé, il était avec ses petits yeux d’enfant : « Regarde, tu vois ! » Et je me suis dit : « Ça a l’air incroyable ! »

Ensuite, il est venu combattre à Paris au Cirque d’hiver, pour le Cage Encounter. À Paris ! Alors que le MMA est illégal, et pourtant ça a eu lieu ! C’est lui qui m’a vraiment donné le goût, qui m’a montré que la boxe ça pouvait vraiment être un art. Quand il boxe, en compétition en tout cas, il ne se prend aucun coup au visage. C’est dingue. En combat, sa boxe est propre, précise, il a une très bonne technique, c’est gracieux !

Il s’appelle comment ?

Il s’appelle Yacine Bandoui. Son surnom c’est l’animal. C’est incroyable. Encore aujourd’hui avant les compétitions, on s’appelle, toujours un petit truc. Comme si il était dans mon coin en fait.

Tu ne pratiques donc pas la boxe juste pour être en forme ?

Non. C’est vrai que, de base, je n’ai jamais eu spécialement de problème, que ce soit de poids, ou quoi que ce soit. Ça m’allait très bien d’être une fumeuse et de boire des verres de vin avec des planches de charcuterie, j’aime ça ! Pour moi, arrêter de fumer c’était prévu pour le jour où je serais enceinte, je n’avais pas vraiment de raison d’arrêter avant. Je ne voyais pas l’intérêt. Donc c’est vrai, ça a chamboulé énormément de choses dans ma vie.


Avant, tu étais sportive ?

Oui, j’ai toujours été sportive. De cinq à dix ans j’ai fait de la gymnastique ; ensuite pendant tout le collège j’ai fait du mini-trempoline à l’AS, il n’y avait que ça, mes copines y étaient, on s’est dit : « On va toutes s’y mettre ! » J’ai fait trois ans d’escalade ; un an d’escrime. J’ai tous les équipements à la maison, mes parents sont ravis ! À Montréal je faisais de la muscu, parce que là-bas ça se fait beaucoup, et que j’avais pris beaucoup de poids. Le froid étant intense, notre corps de petit européen stocke beaucoup, en se disant : « Ouh là là, il faut que je me protège ». En quatre mois j’avais pris genre 6 ou 7 kg en fait. Alors que je n’avais jamais passé les 50. Je me suis dit : « Ouh ! Là, ça ne me plaît pas. » Et ma mère qui me voyait à la caméra : « Ah, t’as bien pris des joues ! » Du coup je me suis dit : « Allez je vais m’y mettre. »

Est-ce que tu avais fait de la compétition dans les sports que tu avais pratiqué avant ?

Oui, mais je détestais ça ! Je détestais ça ! ça me mettait dans un état… En gym j’ai arrêté parce que justement on voulait trop me pousser. Je n’arrêtais pas de chuter, et je ne voyais pas ça comme ça. Ma coach voulait que je fasse un salto arrière ; j’avais dix ans et elle voulait que je fasse un salto arrière sur la poutre ! Elle me disait : « Si je te le dis, c’est que je sais que t’en es capable. » Ce n’était pas faire des compétitions qui était un souci. J’en faisais. Mais tomber et me faire mal, non ! Je ne voyais pas l’intérêt. J’avais dix ans, j’étais avec mes copines, je trouvais ça cool, on allait à l’entrainement. Du coup j’ai arrêté.

L’escrime j’ai arrêté parce que j’étais la plus nulle. J’étais avec mon frère et tous ses potes, ils en faisaient depuis quinze ans. J’ai arrêté parce que je suis une mauvaise perdante. L’escalade pareil ; en plus, j’étais 6è régional. Mais je ne sais pas, ça me saoulait. Attendre toute la journée en compétition je n’aimais pas ça.

Là je pense que ça me plaît parce que je gagne ! Parce que la dernière fois (Noémie a perdu son combat), le soir, j’étais prête à jeter tout mon matériel et à arrêter la boxe ! La défaite était très amère. Elle est aussi intense que la victoire l’est en fait. Enfin pour ma part. C’est comme si tout s’écroulait, que je n’avais plus rien dans ma vie, que tout était fini, que j’étais bonne à rien.


Tu penses que c’est important d’être mauvaise perdante pour pouvoir gagner ?

Non, je ne pense pas. Je pense que c’est encore ma jeune expérience dans la boxe qui parle, et mon caractère. Mais ça se travaille. Avec Miriame on travaille beaucoup. On a aussi beaucoup travaillé sur mon agressivité, parce que je n’étais pas agressive. Au début je rigolais beaucoup, je souriais ; parce que j’étais contente ! Mais c’est de la boxe, ce n’est pas possible. J’étais très expressive : je faisais beaucoup de bruit, quand on me frappait je rigolais, je parlais. Donc non. C’est vrai que nous, c’est un petit peu le Club Med quand même ! Même si il ne faut pas le dire, mais quand même c’est agréable. Il y a des points positifs, mais c’est vrai qu’avec les hommes ça m’arrange aussi parce qu’au moins ça me fait une carapace et personne ne vient me parler. Et ça me va. Parce que je ne vais pas là-bas… ce n’est pas un site de rencontre. C’est vrai qu’avec les hommes il y a le côté : pas un seul bruit. Personne ne bronche. C’est autre chose, c’est différent.

Tu t’entraînes aussi avec des hommes ?

Non, là c’est fini. C’est pour ça que ce n’est pas évident. Parce que là, il y a toutes les copines : « Je t’ai pas raconté… » Moi je combat mais en même temps j’ai envie de savoir, c‘est ma pote. Donc, c’est différent. Je disais quoi ?

Je te posais la question de savoir si c’est positif d’être mauvaise perdante.

Ah oui ! Non, ce n’est pas bien. Parce que des fois je me mets une pression inutile. Parce que pour moi c’est important ! Vraiment. Quand je fais une compétition c’est pour la gagner. Il y a des gens qui peuvent faire ça légèrement. Par exemple, mon petit copain fait des compétitions de light alors qu’en fait il combat en plein-contact. Quand il fait du light, il s’en fout ! C’est juste pour tourner. Quand il me voit me prendre la tête parce que je veux gagner, parce que je veux cette médaille, parce que je veux évoluer, -j’aimerais bien aller encore plus haut, mais pour ça il faut être championne de France, donc il faut gagner tout les combats avant- il ne comprend pas. Parce qu’il a déjà été en équipe de France. Quand il me voit me prendre la tête comme ça, il me dit : « Ça va, en plus tu fais du light ! » Par exemple lui, les compétitions de light en kickboxing il s’en fout alors qu’il est en plein-contact en BF (Boxe Française).

Au départ, le full-contact je m’en fichais, et finalement, à force de m’en fiche, ça a très bien marché pour moi ! C’est ça le comble, c’est qu’à la base je viens de la thaï, donc je devrais plus me débrouiller en kick, mais au final j’ai découvert la full – que j’aimais pas ! la full et la BF j’aimais pas ça- j’en ai fait pour nourrir ma boxe, et ça marche plutôt bien.

Il y a un type de boxe que tu préfères ? Ou qui te correspond mieux ?

Ce qui me correspond mieux je pense que c’est la full, parce que c’est là que je perce le plus ; que je me débrouille le mieux à l’heure actuelle. Je n’ai jamais perdu un seul combat en full. Mais en même temps, le kick, je pense que maintenant ça me va. Vu que j’aime tout ce que je fais. Pace que j’arrive à trouver mon style de boxe aussi. Dans tout. Et après, comme on m’a déjà dit, un bon boxeur doit savoir boxer dans toutes les boxes. Par contre, celle que je déteste, c’est l’anglaise. Parce que, comme la plupart des femmes, je suis plus douée avec mes jambes, comme les hommes sont plus doués avec leurs bras. Ce que j’aime c’est vraiment le mélange des deux, cette espèce de danse, de balancer sur son corps, pour les contrepoids, je trouve que c’est vraiment complet. C’est pour ça que la thaï m’avait plu aussi. Parce qu’il y a même les coudes, les genoux, c’est classe, c’est le summum. Sauf que ça n’existe pas en light. Je me dis : vu que je fais des compétitions, c’est mieux que je m’entraine en kick et en full, vu que je combats en kick et en full. La thaï ce sera pour le jour où je serai en plein-contact. Pour l’instant je l’ai mis entre parenthèses parce que je perdais du temps à faire des coups que je ne mets pas en compétition. Par exemple à travailler les genoux pendant deux heures avec les hommes, alors que juste après je combattais en full, il n’y avait aucun intérêt. Et la section a fermé cette année en plus.

Tu aurais pu te dire : je fais les compétitions en thaï

Oui, mais c’est du plein-contact. Et je trouve que je suis encore trop jeune pour ça. Beaucoup de gens veulent me pousser vers le plein-contact, notamment des arbitres de la fédération qui m’en ont déjà parlé, des coaches.

Pourquoi tu penses que tu es trop jeune ?

Je pense que je suis trop jeune parce que ce n’est que ma deuxième année de boxe. J’ai besoin de travailler ma technique. Comme on a pu le voir à la dernière compétition, ma garde est très faible ! Par rapport aux coups de genoux et aux coups de coudes c’est important d’avoir une garde haute.

Ça serait trop dangereux ?

Oui. Il y a aussi ma mère, que je dois prendre en considération. Parce que même si j’ai 27 ans, ça reste ma mère. Au départ elle m’avait dit : « Amuse-toi bien au Canada ! Parce que quand tu rentres en France, c’est fini ! » Elle a fini par accepter, parce que je lui ai montré, elle est venue, et maintenant, elle fait mes prépas avec moi. C’est elle qui gère ma nutrition. Elle voit avec Miriame. Elles s’appellent : « Je fais quoi ? parce que là j’ai plus que ça dans mon frigo » « Si vous voulez, vous pouvez lui faire ça, etc »

C’est une idée qui doit mûrir, qui doit faire son chemin. Peut-être que c’est un peu lâche de ma part. Là, je suis bien, je gagne presque tout. Pourquoi j’irais me mettre en danger dans quelque chose où je risque de me manger un K.O. ?


Sauf si tu en avais envie !

Je pense que ça va venir. Il faudrait que ma boxe évolue. Je ne veux pas y aller pour faire du n’importe quoi. Je veux y aller pour faire quelque chose de bien. Je ne veux pas, comme on dit, être envoyée au casse-pipe et dégoûtée de la boxe. Parce qu’on le voit beaucoup en compétition, notamment avec les petits. Ils ne se sont jamais pris de vrais coups dans leur salle, et quand ils arrivent et qu’ils se prennent leur premier pied au visage… Parce que c’est dur, parce que, comme nous l’a dit Paly des centaines de fois : « La boxe, ce n’est pas pour tout le monde. » Aller sur un tatami et accepter de se faire frapper en public, de se battre, avec des règles, mais ça reste un sport de combat, ce n’est pas évident. Surtout que le plein-contact, c’est sur un ring. C’est carrément autre chose, parce que le tatami ne rebondit pas. Le ring, il réagit. Il y a aussi les cordes, avec lesquelles il faut savoir jouer. C’est encore autre chose. C’est quelque chose qui mérite du travail.

Est-ce que d’autres disciplines (MMA ou autres) t’attirent ?

Le MMA, j’aime beaucoup. J’aime beaucoup regarder. J’aime beaucoup regarder l’UFC (Ultimate Fighting Championship). J’ai vu de l’UFC quand j’étais à Montréal, le truc de fou, parce qu’ils vont jamais à Montréal et là ils y étaient quand j’y étais !

Tous les WE pratiquement, je me réveille à 3h, 4h, 6h du matin pour regarder en direct. Sinon c’est 24h après, rediffusion. C’est comme une télénovelas, parce qu’on en voit un : « Ah, il a gagné la dernière fois, il a combattu contre untel, donc là il va rencontrer un autre ! » On commence à connaître les techniques et la façon de boxer de chacun. On apprend beaucoup à regarder, sur sa propre façon. Après, je vais voir Miriame : « Il y a un gars qui a fait ça, comment moi je pourrais le travailler ? » Elle me donne des techniques. Miriame et Farah ont aussi essayé de me tirer un peu vers le sol, j’ai fait deux-trois initiations. Au début j’étais vraiment contre, finalement je commence à trouver ça sympa. C’est le côté proximité. J’ai un gros problème avec le contact. Je ne suis pas tactile dans la vraie vie, donc là, être collée à quelqu’un… Il faut réussir à se détacher, et jouer comme quand on était enfants, réussir à s’amuser comme ça. Je n’ai pas encore atteint un stade comme ça. Je suis encore dans le côté attitude boxe. Donc l’évolution ce serait plutôt d’aller vers le plein-contact. Ou le sol, mais il ne faut pas que je me disperse dans tout et n’importe quoi. Vu que j’ai déjà vécu à l’étranger, je postule aussi à l’étranger. Chaque année je ne sais pas trop ce qui va se passer parce que je sais même pas où je vais vivre.

Quand tu regardes un combat, qu’est-ce que ça te fait ? Qu’est-ce qui fait que tous les WE tu regardes ?

En fait ça fait comme un but à la 90è minute. C’est exactement ça. C’est à dire que on attend, on attend, on regarde le chrono, c’est bientôt la fin, comment ça va se passer, on ne peut vraiment pas savoir. Même le mec qui n’était pas gagnant au départ, il peut vraiment partir. Ce n’est que des combinaisons, comme dans les jeux vidéos, quand on prend chacun une équipe. Des combinaisons à l’infini. Un qui va être plutôt stricker donc plutôt debout, l’autre va être plutôt grappleur, mais le grappleur a bien travaillé sa boxe et s’en sort pas si mal que ça, et finalement il peut se passer des belles choses. Par contre des fois c’est atroce, vraiment, je reste humaine. Quand il y a du sang et qu’ils font des ground and pound, qu’un monte sur l’autre au sol et le tabasse… là je pense que je suis, je vais pas dire lâche…

C’est quoi la limite pour toi justement ?

C’est le sang qui gicle. Mais en même temps le pancrace (pas de coups quand l’adversaire est au sol) ce n’est pas si bien que ça, c’est un peu plat. Par contre, je suis très contente que le MMA ne soit pas légal en France. Ça me va très bien que ce soit là-bas. En Russie ils font des 5 contre 5, en MMA ! C’est une émeute ! C’est quand même vachement intense. L’année dernière il y a quand même un mec qui s’est fait éclater la boîte crânienne ! Il y en a un qui a sauté en lui mettant un coup de genou, son genou s’est enfoncé dans sa boîte crânienne ! Ils ont posté les scanners, on voit toutes les plaques de métal ; c’est dingue ! Et ça reste du sport. C’est des choses que je conçois difficilement.

Quand le combat va trop loin, je ferme mes yeux ! À côté de ça, ce mélange de techniques : on voit quelqu’un qui a une clé de bras et qui arrive à s’en défaire alors qu’on pensait que c’était la fin ! On se dit : « c’est dingue. » Parce qu’il y a tellement de techniques possibles, dans le MMA, le mélange de tout. Je commence à connaître des gens qui sont à l’UFC, donc quand je les regarde je me dis : « lui il risque d’affronter mon pote si il gagne. » Il y a aussi tout ce côté. Maintenant j’en connais personnellement.

Quand tu pratiques un sport de combat, que tu montes sur le tatami ou sur le ring ou dans la cage, tu es d’accord avec les règles, tu es prêt à prendre les risques.

Je pense que c’est pour ça que je suis en light ! Le light, je ne risque rien, c’est ce que j’ai toujours répété et qu’on m’a toujours répété aussi pour dédramatiser, jusqu’à ce que j’ai le nez cassé ! En m’entrainant avec les hommes, j’ai quand même eu un déchirement de la rétine. J’ai dû me faire opérer. Et ce n’est pas lui qui va me payer l’opération ! Mine de rien. Je n’ai pas forcément toujours une mutuelle, je n’ai pas forcément ma sécu, des fois c’est un petit peu compliqué. C’est vrai que ça m’a déjà mis dans des belles galères. Comme dirait Paly, on a tous des blessures de guerrier mais c’est des blessures qui ne se soignent que difficilement. La rétine, ils m’ont opéré, ils m’ont fait 150 points laser comme des petits clous, pour consolider, c’est bizarre quand même. J’ai eu le poignet, aussi, à force de bloquer l’high-kick. Ça c’est des douleurs qui sont à l’intérieur, quand je conduis ou que je bouge le volant. L’orteil aussi : entorse et luxation, deux fois. C’est des choses qu’on ne peut pas plâtrer ; Sinon j’ai eu quoi ? J’ai eu un écrasement musculaire à la cuisse ; et puis la fracture du nez. Après, le reste, ce sont des douleurs qu’on ne ressent plus, le foie, le plexus, ce sont des choses qui font très mal sur le coup, mais deux heures après on a plus mal quoi. Mais on revient !

Pourquoi ?

Parce que après, quand on met des coups, ça c’est cool ! Enfin quand c’est bien mis, parce que quand on commence à avoir de la technique, on commence à prendre du plaisir.

Qu’est-ce ça nécessite comme qualité de pratiquer un sport de combat, et notamment la boxe ? Qu’est-ce que ça apporte ?

Ce ne sont pas les mêmes choses. Parce que ça transforme, ça fait évoluer.

Ça nécessite, je n’aime pas le mot de courage mais je me dis, mine de rien…

C’est quand même bizarre ce concept d’aller face à quelqu’un et de lui taper dessus. Je ne suis pas comme ça de nature. Je ne me suis jamais battue, je ne me suis jamais faite agresser, je n’ai jamais été dans un rapport comme ça ; j’ai dû me prendre deux gifles dans ma vie et je sais exactement quand et pourquoi. Je n’ai pas du tout eu une éducation à la ceinture, dans un truc de violence, même verbale. Chez mes parents il n’y a jamais eu un mot plus haut que l’autre. Donc ce n’est pas quelque chose que je conçois, même dans une relation de couple.

Donc là, j’ai commencé à 26 ans. Je dirais que ça demande, oui, du courage , de la persévérance.

Ça développe énormément la confiance en soi ; la confiance en soi par rapport à plein de choses. C’est voir son corps se développer et se dire : mais je suis capable ! Je suis capable !

Par contre ça me fait rire quand les gens me disent : « C’est bien, tu peux te défendre dans la rue ! » J’en ai strictement aucune idée et je ne pense pas. Je pense que à part me mettre en garde et dire : « C’est pas un coup réglementaire ! »

J’ai découvert, je ne dirai pas des qualités mais des côtés de moi que je pensais pas : par exemple arrêter de fumer. La volonté ! La volonté. Oui. Ça développe aussi la persévérance. Il y a aussi le côté réflexion avec soi-même, d’où le fait que le rapport avec le coach soit important. Miriame, il y a des jours où elle va me pousser et je vais être là en train de râler, en train de soupirer parce que j’ai d’autres choses dans la tête et que j’arrive pas à me les sortir et qu’elle le sait très bien, parce qu’elle me connaît par cœur ; Elle va me pousser à bout pour que je sorte ces choses. Une fois j’ai tourné avec Miriame et à la fin j’ai pleuré, j’étais en pleurs et j’étais par terre, parce que j’avais mal, et que j’avais plus de forces. Elle m’avait vraiment poussé à bout et j’étais vidée. Mentalement, physiquement. Mais c’est important de passer par là. Parce que quand je vais arriver en compétition, je ne tomberais jamais face à une fille comme Miriame. Miriame boxe depuis 7 ans, elle fait 15 kg de plus que moi, je ne vais jamais tomber face à une femme comme elle. Elle connaît parfaitement mes points faibles. La fille que je vais affronter, je ne l’ai peut-être jamais vue, elle ne sait pas comment je boxe. La seule fois où j’ai senti que j’avais un petit K.O. c’est Miriame qui me l’a mis. Elle m’a mis un coup de tibia dans la mâchoire. J’étais là : « ah bon ! » Mais c’est mieux de se le prendre comme ça plutôt qu’en compétition et d’être complètement choqué, de pas savoir ce qui se passe.

Comme on dit : faut être à 200% à l’entrainement pour pouvoir être à 50% en compétition. Ça franchement … en compétition c’est du 200% aussi !

Dans le rapport avec le coach, qu’est-ce que tu décides, qu’est-ce que les autres décident, qu’est-ce que tu laisses décider aux autres…

Normalement, un coach, il impose ses choix. En fait, on m’a proposé de m’inscrire dans une autre salle pour l’année prochaine.

On, c’est qui ?

Mon copain ; qui veut que je m’inscrive dans sa salle ! On m’a déjà approché pour d’autres salles mais c’est des salles dans lesquelles je ne me sens pas spécialement bien.

Tu es allée voir ?

Oui. Des fois c’est super loin et mine de rien pour y aller presque tous les soirs de la semaine…. Parfois c’est des vrais salles, des salles qui sont ouvertes H24 pratiquement, ça c’est super ; parce que quand ce n’est pas ouvert ici, il faut soit que j’aille dans une autre salle, mais je n’ai pas spécialement envie quand je suis en prépa, pour ne pas prendre le risque de me blesser, soit c’est dehors. En hiver, dehors, c’est pas top, même pour les articulations, pour tout ça. Dans la salle de mon copain ils boxent tous depuis qu’ils ont 4-5 ans, depuis qu’ils tiennent debout et qu’ils sont en équilibre ! donc arrivé à 27 ans , le coach c’est un deuxième papa. Mon copain me disait : « Ça serait bien que tu viennes t’entrainer cet été, comme ça ils voient un peu comment t’es. A la rentrée, il te met en mise de gants, il voit comment tu te débrouilles, il te fait faire quelques championnats cet automne, et après, début 2018, il t’inscrit en plein-contact. Mais là il te demandera pas ton avis, parce que c’est lui le coach et c’est lui qui décide. Donc t’as pas ton mot à dire. » J’étais là : « Ah ! j’avais oublié comment ça se passait avec les hommes ! » Parce que ici c’est vraiment moi qui décide. On va me dire : « Tu as fait un circuit ; tu veux en faire un deuxième ou tu veux faire de la mise de gants ? » « Ce coup-ci, tu préfères t’entrainer, aller courir ? »

Par contre, à chaque fois que je gagne, pour moi ma médaille elle est vraiment pour tout le monde. Et à chaque fois je mets un mot sur Facebook et je remercie vraiment toutes les personnes, même les filles de la salle, parce que sans elles je pourrais pas tourner, et c’est quand même elles qui se sacrifient énormément, parce que je sais que des fois, elles ont pas envie de faire des sparrings, et qu’elles le font parce que je les regarde avec mes petits yeux doux et que je leur dit : « S’il te plaît » et qu’au final je vais leur faire super mal et je sais que ça les gave ! Alors du coup je les remercie beaucoup ! On m’avait déjà dit ça. Mon meilleur ami m’avait dit : « C’est dommage que tu n’aies pas fait un sport d’équipe parce que tu aurais vu, quand tu gagnes c’est encore plus fort parce qu’il y a toute l’équipe qui gagne avec toi. Mais je n’ai pas choisi d’être douée dans un sport d’équipe ! Mais je me dis : « Finalement, c’est un sport d’équipe. » Parce qu’il y a tous les gens qui sont avec moi. Miriame, au départ je l’appelais jour et nuit : « Miriame, j’ai pris 100g qu’est-ce que je fais ? La pesée est dans deux jours, ma balance n’est pas au poids… » Les moindres petites questions, ou tout simplement : « J’ai mes règles, je suis en train de gonfler, je suis pleine d’eau, qu’est-ce que je fais ? » Parce que ça, je peux pas m’en débarrasser. Et elle avait réponse à tout ! Et ça c’était génial. C’est marrant parce que après, toutes les personnes que je remercie me disent toutes : « Oui, mais au final, on n’était pas avec toi ; au final c’est tes mains, c’est tes jambes. »

Tu aurais envie d’un coaching où tu n’as pas ton mot à dire ?

Vu que j’ai commencé tard, personne dans ma vie ne m’a parlé comme ça. Même mes parents ne me parlent pas comme ça. Dans les salles, les hommes se parlent vraiment mal ! Le paradoxe, c’est que quand c’est à un certain niveau, limite je trouve ça normal. Mes amis qui sont professionnels, c’est leur travail, ils ont deux entrainements par jour et ils sont payés pour faire des combats. Quand ils gagnent ils sont payés encore plus, il y a les primes, ils vivent de ça, de leur sponsors. En même temps je me dis que pour en arriver là, il faut bien passer par des choses qui ne nous plaisent pas. Et Dieu sait que ça ne m’a pas toujours plu, ce que Miriame ou Farah ou Neïla m’ont fait. Un jour Neïla m’a dit : « Tu vas avoir ta première compétition de full -en full on tape beaucoup dans la tête- donc je vais te mettre plein de high-kick, plein de coups avec mes tibias, pour que tu sois habituée quand tu seras en compétition. » Et franchement, c’est des choses qui sont un peu traumatisantes ! Après, sur le coup on ne peut pas le montrer. Mais en soi comme ça, à froid ! Et puis c’est Neïla, c’est ma coach ! Mes coaches, c’est vraiment le côté art martial, c’est le respect. Ici nous encore on peut parler, le coach dit quelque chose on dit : ouais… Avec les hommes, c’est hors de question, c’est à dire qu’on ne soupire pas, on ne râle pas, on ne dit rien. Après, ça peut être pas plus mal. Ça m’a un peu calmée. C’est vrai que pour les enfants ça doit être pas mal, pour tout ce qui est rigueur, discipline. Et en même temps, se faire taper dessus… On les voit les petits en compétition, des fois c’est dur ! Franchement des fois j’ai du mal à regarder. A la compétition, le petit-là, quand il pleurait… Le coach disait : « Mais non, il fait exprès ! » Oui mais bon… arrêtez… enfin…. Après je ne sais pas, je n’ai pas d’enfant.

Tu dis : ça transforme. Comment ça t’a transformée en fait ?

Ça m’a transformée physiquement, c’est à dire que avant, même étant ado, j’avais beaucoup de remarques. Pour moi ce n’était pas de la maigreur mais c’était perçu comme étant de la maigreur, c’est à dire j’ai toujours été autour des 45-47 kg, donc assez fine. Et au départ, mine de rien, je ne pouvais pas rester les mains en l’air pendant deux heures ! Parce que je n’avais pas de muscles dans les bras ! Quand j’ai fait de la muscu à Montréal, je lui ai dit : « Mon souhait ça serait que tu me muscles pour la boxe. » Et vu qu’elle faisait aussi du jiu-jitsu, elle m’a donné des exercices. J’ai vu déjà mon corps qui a commencé à se transformer, et puis après, plus on travaille et plus ça se transforme. Au départ j’étais là : « Mais non, mais c’est quoi ce changement ? Je suis une femme, j’ai 25 ans, mon corps ne peut plus changer. Si, il peut changer mais avec une grossesse ou des choses comme ça, je n’avais pas prévu qu’il change dans ce sens-là quoi ! » Ce qui est marrant c’est que quand on s’entraine avec des hommes ou avec des femmes, le corps ne change pas de la même façon. J’ai vraiment vu la différence et c’était fou. Avec les hommes il y a énormément de pompes et d’abdos mais ils ne vont pas être fait de la même façon ; les femmes ça va plus être la ceinture abdominale, on va dire les petits bourrelets, les fessiers, les bras, ce n’est pas du tout la même chose. Avec les hommes j’avais les obliques : le V qui se traçait et les obliques sur les côtés. Alors qu’avec les femmes, ça va plus être les cuisses ou les abdos du haut. Après il y a tout qui bouge. Mais moi, voir mes cuisses grossir, franchement je l’ai mal vécu, mais en même temps quand on se prend des kicks dans les cuisses on est bien content qu’il y ait quand même un peu de muscles pour amortir.

Est-ce que tu as un rêve ultime, un but ultime dans ce sport ?

Ultime je ne sais pas mais en tout cas, l’étape à laquelle j’aimerais accéder c’est intégrer l’équipe de France et faire partie de la WAKO. La WAKO (World Association of Kickboxing Organizations) c’est la fédération qui développe vraiment le light au niveau européen et mondial. La fédération dans laquelle je suis actuellement, la FFKMDA (Fédération Française de Kickboxing, Muay-Thaï et Disciplines Associées) le fait aussi mais un ami qui est en équipe de France m’a dit qu’ils allaient bientôt arrêter les lights, les catégories light. Ils les ramènent à chaque fois en championnat mais ils s’en foutent un petit peu, ils les prennent pas au sérieux et ils vont les nexter prochainement.

Qu’est-ce qu’il faut faire pour intégrer la WAKO ?

Être champion de France. Etre champion de France et avoir une boxe qui leur plait. Comme pour l’équipe de France. Ils viennent au championnat de France, en général ils viennent le dimanche, où il y a toutes les finales ; et ils s’assoient ; et ils regardent toutes les finales. Et ils notent ton nom ; et s’ils trouvent que tu as une belle boxe, ils descendent, le jour même, ils viennent te voir ou ils viennent voir ton coach, et ils te donnent une convocation. Pour venir au CREPS. Moi j’étais là : « C’est quoi le CREPS ? » En fait c’est pour les disciplines qui sont pas aux J.O. Les autres c’est l’INSEP, et eux, c’est les CREPS.

C’est une sorte d’audition en fait ?

Oui c’est ça. Après on est convoqué à un stage, il me semble que c’est une semaine, où ils vont évaluer nos capacités physiques et la façon de boxer, et puis après ils voient si ils nous sélectionnent ou pas.

Et si t’es sélectionnée, tu…

C’est championnat d’Europe, championnat du Monde, les prépas… !

Tu es à plein temps en train de faire ça ?

Non. C’est des stages. Ils comptent sur les entrainements que tu fais à ta salle, et puis ils t’emmènent à des stages, par exemple pendant deux semaines. Pendant deux semaines au CREPS de Toulouse par exemple, apparemment il y en a un à Lille aussi, il y en a un petit peu partout. Deux semaines et puis après, par exemple là c’était tout le monde en Serbie au mois d’octobre pour les championnats d’Europe. Et là, avec la fédération, en full-contact, si j’arrive à être championne de France dans deux semaines, que j’ai une belle boxe et que ça leur plaît, il y a les championnats du Monde en octobre et c’est au Brésil ! Ce serait juste un truc de ouf ! Même si je perds, j’y vais pas pour perdre, mais si je perds, ce n’est pas grave. Je serais en championnat du Monde au bout de deux ans de boxe, ce serait juste dingue !

C’est quand les championnats de France ?

Début mars. Le WE du 4 et 5. Personne ne le sait ; très peu de gens. Parce que cette fois, je ne le dis pas. En plus c’est à Melun ! donc personne ne va venir.

Quand tu fais ça presque à plein temps, te change complètement ta vie ?

Oui ; Ma vie est axée par rapport à la boxe.

C’est ta priorité avant tout pour l’instant.

C’est une de mes priorités. Quand il y a la compétition, durant les deux semaines qui précèdent, c’est la priorité. Pour l’entourage ce n’est pas forcément facile. Vu que du coup mon copain boxe aussi, en général on ne se voit pas deux semaines avant les compétitions. Quand les compétitions tombent les mêmes WE, c’est cool parce qu’on se dit : on est chacun dans notre bulle ; mais souvent, ce n’est pas les mêmes compétitions. Donc ça nous est déjà arrivé de ne pas nous voir pendant un mois, un mois et demi ; parce que la boxe nécessite un régime alimentaire qui soit strict, donc je ne vais pas aller manger dehors alors que chez moi j’ai tout ce qu’il faut, validé par ma mère et par ma nutritionniste ! Le sommeil aussi. Je ne vais pas le voir et rentrer à pas d’heure alors que le lendemain il faut que je travaille et que j’aille m’entrainer, lui c’est pareil… Donc en période de préparation, oui, c’est la priorité. Quand on est deux à avoir cette priorité… mais bon. Ce qui est bien c’est qu’on se comprend. Quand je me suis fait casser le nez il était là, parce qu’il avait son combat juste après. Sur l’autre tatami. C’est aussi pour ça, je n’étais pas concentrée, franchement je n’étais pas concentrée. Je disais : « Neïla il me faut mes lunettes, il faut que j’aille voir son combat ! » C’était le tatami d’à côté, et comme il y a toujours des bugs dans la fédération, qu’ils se trompent de combat : « Non, ce n’est pas maintenant ! Noémie, Gressin ! » Il avait son protège-dents et son casque, il avait ses gants, il était prêt à y aller. Du coup il s’est arrêté pour me regarder combattre – bon ça va c’était super rapide- et il a combattu après, je suis allée le voir, et après il est venu me voir : « Ben alors, ton nez… » Le soir il m’a appelé : « Ne t’inquiète pas, tout le monde perd, ce n’est pas grave. » Il a su trouver les bons mots, parce qu’il boxe depuis toujours, parce qu’il sait ce que c’est. La plupart de mes potes vont me dire : « C’est bon, ce n’est pas grave, ce n’est qu’une compétition…l’année prochaine ! » Oui mais ce combat que j’ai juste mal calculé, il me pénalise sur tout le reste de la saison en kick. Je n’ai pas été championne d’Ile de France, je n’ai pas été sélectionnée pour les championnats de France. Du coup c’est bien d’être réconfortée par des gens qui savent ce que c’est. Qui ont vécu ça et qui ont les bons mots.

Et par rapport au boulot ? ça change aussi des choses ?

Oui ! parce que du coup, là je suis auto-entrepreneuse… ça se dit entrepreneuse ?

Oui, on peut dire ça, comme tu veux !

Auto-entrepreneur ?… Je monte ma société ! Au départ j’avais un associé, un associé qui ne comprenait pas du tout que la semaine avant la compétition et les 3-4 derniers jours il ne fallait pas du tout compter sur moi, parce qu’en fait je suis vraiment exécrable, les trois derniers jours avant la compétition je suis horrible, parce que je suis pressée que ça arrive, je suis impatiente, j’ai faim ! et je ne sais pas forcément combien d’adversaires j’ai, je ne sais pas combien de temps ça va durer. Du coup je ne peux rien prévoir sur tout un WE, ça me prend trois jours. Et l’organisation… je suis quelqu’un de super carré, donc ne pas savoir qui vient avec moi à la pesée… « ah non, on verra le dernier jour » ! C’est des détails qui font que je ne peux pas me concentrer sur autre chose. Donc en général je reste chez moi, je me mets des films, ou je me dispute avec des gens, avec mes potes en général. Mon associé n’a pas compris ça, donc ça a contribué à notre séparation, professionnelle ; et maintenant je suis toute seule aux commandes du truc. J’ai un bras droit qui comprends ça, qui est une de mes très très proches amies. Elle le comprend et elle prend le relais quand je ne suis pas là.

En fait l’emploi du temps de ton travail se cale sur l’emploi du temps de la boxe, et pas l’inverse.

Oui. L’année dernière je travaillais dans un collège et c’est vrai que les derniers jours avant les pesées j’étais l’ombre de moi-même quoi. Je suis une capricieuse alimentaire. C’est à dire que quand j’ai faim, j’ai faim ! J’ai la chance de ne rien stocker -sauf quand je suis au Canada, là-bas je stocke- mais ici je ne stocke pas, c’est à dire que si j’ai envie d’un grec et bienje mange un grec ! Sauf que là non, c’est juste avant la compétition, tu ne peux pas t’encrasser bêtement alors que tu as fait tout ce qu’il fallait. Quand je suis au travail, que je ne peux pas manger, que c’est les derniers jours et que je suis là avec ma salade verte… au final je ne suis pas vraiment dispo, je suis là sans être là. Ça m’est déjà arrivé de retourner au travail le lundi avec un cocard, c’est moyen. C’est pour ça, en plein-contact si en plus il y a des K.O. Finalement une commotion cérébrale, c’est des choses qui peuvent vite arriver ! En plus, portant les lunettes, avec les problèmes de vue … Donc c’est des choses auxquelles faut réfléchir.

Et tu as monté ta boîte de quoi ?

C’est un magazine web. Pour l’instant c’est un magazine web. Ça va évoluer en marque de vêtements. Ce n’était pas prévu mais sur vistaprint quand on fait les cartes de visite ils proposent plein de choses : le mug, les T-Shirt. J’ai fait des T-Shirt et tous mes potes m’ont dit : « C’est trop cool ! Avec ton logo ! Ils sont à combien ? » Je fais : « C’est pas à vendre en fait ! » « C’est dommage, tu devrais peut-être regarder de ce côté-là parce que finalement il y a plein de gens qui veulent l’acheter. » OK ! On verra. Pour l’instant c’est ça.

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