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Interview de Théo B. (lutteur)

Théo est un des jeunes lutteurs des Diables Rouges. Cette année il est cadet. Il a toujours voulu faire de la lutte. Son père Xavier, ancien champion de lutte lui a fait essayer d'autres sports mais il n'y a rien eu à faire : Théo voulait lutter.

-Est-ce que tu peux nous raconter la première fois que tu es rentré dans une salle de lutte?

-En fait c’est particulier parce que moi je connais la lutte depuis tout petit, parce que mon père en faisait, en plus mon père travaille ici, donc avant de rentrer dans les salles de lutte, j’allais aux compétitions avec lui, donc je connaissais déjà un tapis de lutte.

-Tu te rappelles de ton premier souvenir d’un tapis de lutte quand tu étais petit ?

-Si si, je m’en rappelle, c’était à la compétition à la salle du gymnase là-bas, derrière la Briquetterie, Gymnase Fanara, c’était la coupe de France, et je me suis dit : « C’est trop bien ce sport et… »

-Ton père était dans la compétition ?

-Non il était pas dans la compétition, il a arrêté la lutte après que je sois né.

Donc je lui ai demandé : « Et toi tu faisais ça avant ? » Parce que en fait il m’a dit : « Viens Théo, on va voir une compétition de lutte. » Je savais déjà qu’il avait fait de la lutte, mais je ne savais pas vraiment ce que c’était, il m’avait juste dit qu’il faisait de la lutte. Je me suis dit bon ça a l’air bien, je vais voir. Donc je me dis que c’est vraiment un sport de combat bien, ça m’a fait plaisir, donc je me suis dit : « C’est ça que je veux faire, je veux faire comme mon père. » Donc je lui ai dit tout le temps : « Papa, je peux faire comme ça ? » Il me disait : « Non, quand tu auras 12 ans. » Donc depuis tout petit je voulais faire de la lutte et j’ai commencé à 12 ans. Et mon premier souvenir quand j’ai été m’entrainer, ma première impression…

-C’était où ?

-J’ai fait quelques entrainements ici à Bagnolet et c’était trop loin au début et je m’étais blessé, je m’étais pas vraiment blessé mais je pouvais plus pratiquer, je pouvais plus faire de sport, parce que j’avais un problème au pied.

-Tu t’étais blessé en luttant ?

-Non pas en luttant, en fait c’est un problème de croissance, j’ai eu un problème de croissance au pied, j’ai passé un an sans faire de sport, donc j’étais pas trop content du coup parce que je venais de commencer la lutte et j’ai vite été stoppé. Après, la première fois que j’y suis retourné, c’était à Créteil. Je me suis entrainé, je me suis entrainé, je me suis entrainé. La première fois que je suis arrivé, j’ai lutté avec Gauthier. En fait depuis tout petit j’avais eu le temps de voir une centaine de compétitions de lutte, donc je savais ce que c’était la lutte, je suis pas arrivé…où on devait m’expliquer, je savais ce que c’était. J’ai lutté contre Gauthier, j’étais un tout petit peu plus lourd que lui à l’époque et j’étais tout gros parce que j’avais pas fait de sport depuis un bout de temps et du coup on avait fait égalité. J’étais content parce que j’avais fait égalité avec un vrai lutteur…

-Gauthier s’entrainait depuis combien de temps ?

-Je sais pas, mais je sais qu’il a commencé tôt, ça devait peut-être faire entre 4 et 6 ans je dirai ; donc moi j’étais content mais je me suis dit : « La prochaine fois c’est moi qui gagne. » Après, je me suis entrainé, je me suis entrainé, et dans notre club on avait une seule personne qui était très très forte, de notre âge, elle avait fait les championnats de France, c’était un peu le Gagik (nom d’un des jeunes lutteurs du club de Bagnolet : le plus fort) du club et tout le monde voulait lutter avec lui. Moi quand j’étais avec lui, je sentais qu’il était fort, il me battait parce qu’il était plus lourd que moi mais je sentais qu’il était pas si si si fort que ça. Il avait juste un an de plus que moi. Il était minime 1, c’est quand on peut faire les premiers championnats de France. Il avait été faire les championnats de France, c’était un des seuls du club qui était allé faire les championnats de France, et il avait fait un mauvais résultat, il a été dans les derniers. Je me suis posé la question : « Pourquoi est-ce que c’est le plus fort de notre club, qui bat tout le monde, mais il fait pas premier au championnat de France ? » Après j’ai continué à m’entrainer, et l’année d’après, quand j’ai eu l’âge de faire les championnats de France…

En fait mon père m’a dit de pas faire de compétition, il m’a dit que quand on fait des compétitions quand on sait pas lutter, ça nous donne plus envie de lutter parce qu’on perd. On perd bien parce que qu’on sait pas lutter. Donc la première année j’ai pas fait de compétition.

Donc la deuxième année quand j’ai eu l’âge de faire les championnats de France, il m’a laissé faire ma première compétition. C’était ma première compétition. Pour aller au championnat de France, avant, il y a deux compétitions : Il y a les Îles de France et après il y a les Interzones et ensuite il y a le championnat de France.

En fait ma première compétition ça a été les Îles de France. Ma première compétition, j’ai tout donné, c’était ma première compétition, et j’ai fait deuxième. Donc j’ai gagné ; j’ai gagné et mon dernier match j’ai perdu d’un point. J’étais énervé et je me suis dit : « La prochaine fois, je le bats. » Normalement on devait se rencontrer aux Interzones. Et en fait il était pas là. Moi j’étais pas très content, du coup j’ai fait deuxième. J’ai été aux championnats de France, et comme il avait pas fait les Interzones, il était pas qualifié, donc j’ai pas eu l’occasion de le rencontrer. Au championnat de France j’ai fait neuvième, je suis rentré et après on a eu des problèmes au club, des histoires, des problèmes, et j’ai dit à Papa : « Moi je veux aller à Bagnolet. ». Comme il travaille ici, je savais que c’était une ville de lutte. Depuis tout petit je connais les lutteurs d’ici, parce que mon père travaille ici et par les compétitions. Ils viennent lui dire bonjour et en même temps ils me disent bonjour, je les connais. Je lui ai dit : « Je vais aller à Bagnolet. Je les connais déjà. Ça va être bien. » Donc, je me suis entrainé, je me suis entrainé. J’avais jamais fait de lutte gréco-romaine, et cette année j’ai fait ma première compétition de lutte gréco-romaine. Et ma première compétition de lutte gréco-romaine c’est les Îles-de-France. Cette année. J’ai lutté avec Manvel (Poghosyan), qui fait de la gréco tout le temps et j’ai re-recontré l’enfant qui m’avait battu l’année dernière. J’étais content.

-Tu l’as battu ?

-Oui je l’ai battu. Je l’ai battu deux fois en gréco. Aux Îles de France, il y avait moi et Manvel du club de Bagnolet et il y avait lui et un autre enfant de son club. Et on les a bien battus en fait. Comme on était quatre, il y en a un qui a pas pu participer, c’était l’autre que je connaissais pas. Ensuite on s’est re-recontrés aux Interzones gréco. Et je l’ai re-battu. J’étais content, sauf que aux Interzones gréco il y a quelqu’un qui m’a encore battu d’un point. J’avais des chaussures de lutte abîmées, déchirées, je devais mettre de l’élasto autour et du coup de glissais. J’ai perdu un point en glissant en fait.

C’est de ma faute, mais j’aurais pas perdu ce point, j’aurais gagné. Ça m’a énervé. En Île de France libre, j’ai refait deuxième, avec Manvel on a battu les autres, ensuite on est allés aux Interzones libre pour se qualifier aux championnats de France et aux Interzones libre, je l’ai re-rencontré. Pareil, j’étais énervé contre lui et à chaque fois que je le regardais, c’était comme une baston de regards. Il me regardait l’air de dire : « C’est pas toi qui va gagner. » Donc ça, ça m’énervait encore plus. Quand je lutte c’est mon père qui vient à ma chaise, qui me donne des conseils, qui m’encourage. Il m’a dit : « T’es venu pour lui, c’est toi qui gagne. » Donc, j’ai lutté contre lui, j’ai lutté, j’ai lutté, j’ai lutté. La première mi-temps, il me met 4-0. Je me suis dit : « C’est mal parti. » Mon père m’a dit : « Tu te réveilles, t’es plus fort que lui, c’est toi qui gagne. » Il a continué à m’encourager, je suis revenu, et j’ai réussi à le gagner 6-4. Après il était énervé bien sûr. J’ai réussi à me qualifier aux championnats de France, donc cette année avec Manvel on est qualifiés aux deux championnats de France. On est contents.

-C’est quand ?

-Les championnats de France gréco c’est fin mars, je crois que c’est dans 25 jours, ou 23 ou 24 je sais plus. Les championnats de France libre c’est en avril.

-Tu fais les deux styles ou tu te concentres sur la gréco en ce moment ?

-À la base, je suis un lutteur de libre, donc je me concentre sur la libre et quand il y a une compétition de gréco, je vais la faire juste pour lutter.

-Ça fait combien de temps que tu fais de la lutte ?

-Là c’est ma troisième année.

-Certains adversaires t’ont marqué plus que d’autres ? quand ils te gagnent juste d’un point ?

-Quand quelqu’un me gagne tout court. Par exemple, aux Interzones j’ai fait troisième, parce qu’il y a quelqu’un qui m’a battu mais il avait pas un style de lutte normal, il faisait du sambo à la base. Le principe du sambo c’est on se retourne, on fait des roulades pour mettre l’autre sur le dos. Je m’attendais pas à ça, et à un moment il m’attaque aux jambes, je défends et il fait un truc bizarre que je connaissais pas et il m’a mis sur le dos. J’étais énervé. Manvel, qui était pas dans sa poule directe, est tombé contre lui en finale. Je lui ai dit : « Fais gaffe, il fait des trucs bizarre. » Et en fait il était nul, parce que Manvel lui a mis 10-0. Il faisait que des coups de lutte, que des trucs, que se retourner bizarrement, des galipettes, ça nous met sur le dos mais… Contre lui je suis énervé, donc si je le revois aux France, ça sera un autre match en fait…

-Qu’est-ce qui te plait dans la lutte ?

-Ce qui me plait c’est qu’on est tout le temps en train d’évoluer. Quand on évolue pas techniquement, on évolue physiquement et quand on évolue pas physiquement, on évolue techniquement. La lutte ce qui est bien aussi, c’est en club. Par exemple ma compétition préférée qu’on a faite c’est les championnats de France par équipe. On était une équipe et on était tous là à s’encourager en lutte, c’était super.

-Par rapport à d’autres sports ? Tu as essayé d’autres sports ?

-Oui j’ai fait plein de sports. J’ai fait le judo, mais c’est un autre monde le judo. La lutte, on arrive, on est direct au niveau de tout le monde, la lutte, on arrive, on peut se qualifier aux championnats de France, on peut tout faire. Le judo, plus on a d’années de pratique, plus on est fort. C’est très carré. Moi je me voyais pas faire du judo parce que dans un sport, quand je m’investis, c’est pour tout de suite être fort. Le judo, je voyais que pour être fort, il fallait être ceinture noire. Je me suis dit, je préfère faire de la lutte que du judo, donc j’irai pas jusqu’à la ceinture noire. En fait j’ai réfléchi à long terme. J’ai fait de l’athlétisme en attendant (d’avoir 12 ans), j’ai fait de l’escalade.

-Tu as dit : à la lutte on peut tout de suite être fort. Fort dans quel sens ?

-La lutte c’est beaucoup de travail. Par exemple, Gauthier, il était à Créteil avant. Il faisait déjà les compétitions depuis tout petit. Quand je suis arrivé (à Créteil), il gagnait plus de compétitions et il commençait à en avoir marre de plus gagner. Il avait envie d’arrêter. Il gagnait aucun match et il en avait marre. Moi j’avais envie de m’améliorer. Je trouvais que Créteil c’était pas un très bon club. Je suis allé à Bagnolet qui est un meilleur club. Avec Gauthier, on y allait ensemble. Gauthier ne connaissait pas Bagnolet. Moi je connaissais. Je suis arrivé, ils me connaissaient déjà. Tout le monde me connaissait. Gauthier ne connaissait personne. Gauthier, il s’est entrainé, il s’est entrainé, il s’est entrainé et petit à petit il a commencé à regagner des matches. En lutte, quand il y a 10 points d’écart, on arrête le match. C’est soit ça, soit le tombé, ou le temps. Gauthier avant il prenait que des 10-0, donc il en avait marre. Il a fait quelques compétitions et il a commencé à mettre des points. Il en avait toujours marre mais nous on lui disait : « Regarde, tu as mis des points, avant tu en mettais pas ! » Et maintenant il gagne. C’est un bon lutteur maintenant, il gagne. Maintenant il s’est blessé Gauthier, donc sa saison elle est finie, mais il va revenir l’année prochaine et il va continuer à s’entrainer.

C’est un peu comme un joueur de foot qui est dans son club qui fait que perdre : il en a marre, il va plus jouer à fond. Il joue une fois à fond, deux fois à fond, il voit que ça marche pas, il va arrêter de dépenser de l’énergie pour rien. Gauthier, le fait de changer de club, ça lui a fait comme une seconde carrière. Il a pris un second souffle et il s’est redonné à fond. Il a vu que si il se redonnait à fond, il progresserait. Cette année il s’était qualifié aux France gréco. Mais il a pas pu lutter parce que il s’est blessé.

-Tu préfères l’entrainement ou les compétitions ?

-L’entrainement c’est bien parce que c’est une phase de progression intensive, c’est intense comme on progresse. En compétition, on progresse pas, mais c’est là où on se prouve ce qu’on vaut. C’est là où on voit à quoi ça nous a servi de progresser. Je dirai que je préfère quand même… c’est compliqué, parce que sans entrainement, il y a pas de bonne compétition, et sans compétition, il y a pas besoin de s’entrainer donc…

À l’entrainement quand on lutte, on essaie de s’améliorer, donc on va tester des choses, on va tester les prises qu’on a apprises, on essaie de découvrir, alors que en compétition, on peut pas découvrir. Souvent quand on découvre à l’entrainement, on tombe sur le dos, on rate. On peut pas se permettre de rater en compétition. En compétition, on fait ce qu’on sait faire, et puis on voit ce que ça fait.

-Qu’est-ce qui te marque le plus : tes défaites ou tes victoires ?

-Les défaites. On retient qui nous a battu. Si on a déjà battu quelqu’un, si on continue à s’entrainer on va le rebattre, mais si on a perdu contre quelqu’un, ça nous donne une autre raison de nous entrainer. Je vais encore plus m’entrainer pour le surpasser. Et au-delà des défaites, je retiens les matches durs. Un match où quelqu’un va me battre facilement, où je vais perdre, forcément je vais être énervé mais je sais que ça s’est pas joué à rien. Ce serait plutôt une faute de comment j’ai lutté, ce serait pas une faute de : j’ai pas été à fond. Alors que si c’est un match où c’est serré, c’est une faute de : je me suis relâché au niveau vigilance ou quelque chose comme ça.

-Qu’est-ce que ça change de faire de la lutte ? à ton rythme de vie ? physiquement ?

-À la base, physiquement je suis un peu dispersé. À l’école, je suis dispersé, je fais des bêtises, en fait j’arrive pas à me retenir. Depuis que je fais de la lutte, je me retiens. La lutte ça me permet de me dépenser, du coup après je suis moins excité dans la vie normale. Quand on fait un entrainement de lutte, le lendemain matin, il y a école. Comme l’entrainement de lutte c’est tard, et l’école on se lève tôt, du coup on est fatigué. Par exemple, quand j’arrive en classe, je suis un des seuls de ma classe à être fatigué comme ça. Je suis fatigué quand je me lève mais une heure ou deux après, ça va, je suis parti dans ma journée, je me suis réveillé.

Si on a du sport à l’école, si j’ai fait un entrainement de lutte la veille… Le sport à l’école c’est facile, mais il y a des choses que je vais pas réussir à faire parce que justement je suis fatigué. Normalement je peux les faire, mais je suis fatigué. Et puis on a beaucoup de courbatures.

-Est-ce que tu te bagarres d’habitude ? Est-ce que ça t’es arrivé de te bagarrer ?

-Oui. Avant, je partais au quart de tour mais depuis que je fais de la lutte, je me dis : « Ça sert à rien. » Je sais. Je regarde les autres se bagarrer et quand vraiment faut se battre…

-Tu veux continuer, tu as un but ? un rêve ?

-Je sais que on peut pas vivre de la lutte. Si on pouvait vivre de la lutte, mon rêve ça serait champion olympique. Pour être champion olympique ou champion du monde, il faut s’entrainer tous les jours, tout le temps. Sauf que je sais qu’on peut pas. On peut pas faire les études et la lutte. C’est soit l’un soit l’autre. En fait on peut faire les deux mais pour avoir un haut niveau haut niveau, il faut choisir la lutte. Moi je pense pas que je choisirai la lutte. Ça sera toujours un loisir. J’ai pas de but ultime. Mon but en ce moment c’est de faire champion de France. Champion de France c’est atteignable en faisant les deux en même temps mais on peut pas faire champion du Monde en faisant deux choses en même temps, ça existe pas quelqu’un qui est champion du monde mais qui est ingénieur aussi. Ça existe pas ça.

-Tu as des modèles de lutteur ?

-Déjà mon père, et ensuite Vadim, mon entraineur.

-Ton père, tu l’as jamais vu lutter ?

-Je l’ai jamais vu lutter mais j’ai vu des photos. Des photos en train de lutter. Je sais que mon père à l’époque, il battait tout le monde. Il était à l’INSEP, donc il battait tout le monde. A l’époque c’était pas 10-0 pour arrêter un combat, c’était 15-0. Il m’a dit qu’il mettait 15-0 à tout le monde. Même en finale. Il survolait les championnats de France.

-Tes deux modèles, ton père et Vadim, tu ne les a jamais vu lutter ?

-Si, Vadim, je l’ai vu lutter. Aux championnats de France par équipe, il a lutté. Quand j’étais petit, il luttait aussi.

-Tu as déjà lutté avec ton père ?

-J’ai déjà lutté avec lui. Juste avant que vous arriviez, je luttais avec lui, il montait sur le tapis, mais après il s’est blessé à l’entrainement, donc il est pas remonté, et après il s’est re-blessé et donc là il est un peu en arrêt.

-Toi, tu t’es blessé parfois ?

-Oui je me suis blessé, j’ai arrêté une ou deux séances parce que j’avais vraiment mal et je reprenais, c’était presque soigné mais j’avais encore mal. À chaque fois que j’ai des grosses blessures, je vais voir l’ostéopathe, il me répare et puis après c’est reparti.

J’ai jamais eu de grosses blessures, dans ma vie je me suis jamais cassé quelque chose, j’ai jamais été gravement blessé.

-Tu es en quelle catégorie en ce moment ?

-Minimes 50 kg.

-Qu’est-ce que tu trouves le plus dur dans la lutte ?

-Le plus dur dans la lutte c’est le mental. Il y a des choses dans la lutte qu’on contrôle pas. Par exemple, Manvel, son poids de corps c’est 55-56 kg. Il fait des gros régimes pour lutter en 50 kg. Quand il y a des gens qui font des gros régimes en face de vous, c’est dur de lutter contre eux parce qu’ils sont légers, ils sont tout secs, mais ils ont une force supérieure à vous, donc déjà physiquement on est mal. Ce qui est dur dans la lutte… dans la lutte il y a une part de chance. On peut pas progresser tout seul, il faut un partenaire. C’est pas exactement le même poids qui compte, si il y a 1 ou 2 kg de marge, ça va, ce qui compte c’est qu’il soit à peu près comme vous techniquement. Si on lutte contre un débutant, on va pas s’améliorer parce qu’il va pas avoir les mêmes réflexes. Quand on s’entraine, on s’entraine, on arrive à un niveau correct de lutte, on prépare les attaques. Par exemple, on fait réagir avant d’attaquer. Les débutants ne connaissent pas : réagir. Si on fait quelque choses pour les faire réagir, il réagit pas donc l’attaque passe pas. Ce qui est dur dans la lutte, c’est le mental. Quand on s’entraine faut pas lâcher. Si on lâche, on peut être en froid avec son entraineur. Si on lâche ça veut dire qu’on en a marre et on en a marre de quoi ? On en a marre des ordres de l’entraineur. Moi j’aime bien que mon entraineur me donne des ordres parce qu’il fait ça pour moi. Il y a des gens ils arrêtent, ils aiment pas leur entraineur, ils progresseront jamais parce que ils comprennent pas que l’entraineur c’est fait pour ça. Ce qui est dur c’est le mental. La Russie c’est le pays où il y a la plus grande école de lutte du monde. Les enfants commencent très tôt en Russie. À la base, les enfants sont tous pareils, ils savent aussi bien lutter. Les athlètes qui vont se démarquer, c’est ceux qui auront le plus de mental, qui vont s’entrainer chez eux, ce sera les derniers à partir à l’entrainement. C’est ça la lutte. Si on veut progresser, il faut s’entrainer, sinon on progressera pas, on progressera trop lentement, et il y aura toujours quelqu’un pour nous rattraper à côté.

-Tu t’entraines chez toi ?

-Oui, quand j’ai le temps je m’entraine chez moi, je m’échauffe un petit peu et je fais du physique, vu qu’il y a pas la place pour faire de la technique, je fais un peu de physique.

-Quels sont tes points forts ?

-Mon point fort, c’est que je stresse pas en compétition. Il y a des gens, à l’entrainement ils sont super forts, mais en compétition, ils ont le trac et du coup ils luttent pas. Moi je dis : « Il y a que deux issues, la victoire ou la défaite. » Il faut se donner à fond. Si je me mets à avoir le trac, je sais que je vais perdre, et personne veut perdre.

-Et tes points faibles ?

-Mon point faible, c’est que j’ai commencé la lutte tard. Quand je lutte contre des gens en compétition, ça fait déjà plusieurs années qu’ils luttent. Mes points faibles… J’ai un physique correct mais je pourrais avoir plus par exemple.

Un lutteur pour moi ça a pas de point faible. Un vrai lutteur, il fait tout ce qu’il peut pour s’entrainer. C’est pas lui qui va choisir d’avoir une mauvaise technique et c’est pas lui qui va choisir de pas avoir le meilleur physique du monde. Si on regarde une finale de championnat du monde entre deux lutteurs, celui qui va perdre, il va avoir des points faibles par rapport à l’autre, souvent il va avoir une moins bonne technique ; sauf qu’il a une moins bonne technique par rapport au meilleur du monde. Il a une moins bonne technique mais il sait quand même lutter, il est en finale des championnats du monde ! Quand on apprend, on fait tout ce qu’on peut pour apprendre, on va pas se dire : je vais faire exprès de pas réussir la technique à l’entrainement. Les points faibles c’est soit physique, parce que le physique, au départ on choisit pas ce qu’on a, mais en le travaillant, on peut choisir. C’est long, mais on peut choisir. Et le mental, ça par contre, on choisit.

-Tu as envie de dire autre chose ?

-Ce qui compte dans la lutte, c’est la persévérance. Le meilleur exemple du club, c’est Gauthier. Parce que Gauthier, il a persévéré, il a pas lâché. Ça faisait un an qu’il avait pas gagné de compétition, mais il a pas lâché, il a continué à s’entrainer à fond, et maintenant il gagne des matches, et des fois quand il gagne il met des 10-0, il fait des tombés, il gagne vraiment.

Mon père, quand il était petit, il s’entrainait beaucoup mais il a pas gagné de compétition pendant quatre ans. Pendant quatre ans il a gagné zéro compétition. Parce qu’il a commencé les compétitions directement. Pendant quatre ans il a pas gagné. Après, il a fait comme Gautier, il a commencé à gagner des matches, et à partir de cadet, c’est là où il a commencé à survoler tout le monde. La lutte, il y a différentes phases, c’est un déclic. C’est comme un joueur de foot, personne naît en étant un prodige du foot. Il peut avoir des facilités mais il va pas être un prodige. Le prodige il va s’entrainer. Dans la lutte ce qui est important, comme dans tous les sports, à l’entrainement on découvre des choses. On tente quelque chose, on sait pas si ça existe. On tente quelque chose, ça passe. On savait pas que ça existait, on savait pas qu’on pouvait le faire, on l’avait jamais fait, mais ça passe. Là on se dit : « J’invente quelque chose. » Pas « j’invente » parce que tout ce qu’on fait ça a déjà été inventé mais on découvre quelque chose. Une fois qu’on a découvert, on a un petit déclic, on se dit : « Je suis plus le lutteur lambda qui se contente de faire ce qu’on lui dit de faire, je suis le lutteur qui essaie de découvrir et qui s’améliore. » Pour moi, c’est ça. Les meilleurs lutteurs, c’est ça. Par exemple, Gauthier. Je suis pas dans sa tête et je discute jamais avec lui et je sais pas ce qu’il fait, mais si il découvre des choses, forcément il peut que s’améliorer. C’est pas un lutteur qui dit : « Je vais à l’entrainement, je fais ce qu’on me dit de faire et si j’arrive pas à faire champion de France ou champion du monde, c’est de la faute de mon entraineur. » Il faut y mettre du sien, il faut essayer de découvrir des choses. Le plus important c’est la persévérance.

On évoque les fresques du tombeau de Beni-Hassan qu’il a vu

-On voyait des prises qu’on voit aujourd’hui, c’était à peu près les mêmes positions. Quelqu’un de dehors va pas comprendre ce que c’est comme technique. Il va pas comprendre comment est tourné le bras… parfois les segments ils étaient tendus, quelqu’un de dehors va pas comprendre ce qu’ils faisaient mais nous en tant que lutteurs on savait ce qu’ils faisaient. Il y avait soit des variantes d’aujourd’hui, par exemple une attaque aux jambes, mais une variante, avec les bras plus hauts ou plus bas, et des fois c’était exactement les mêmes choses. Des enfourchements, des souplesses, des vrais attaques de jambes. Exactement les mêmes choses.

Quelque fois je me dis que c’est normal que ça soit un sport archaïque parce que un homme ça aime se confronter physiquement. Les sports de combat, c’est la boxe, le judo…A l’époque, ils pouvaient pas faire de boxe, parce qu’il y avait pas de gants de boxe, si ils faisaient de la boxe, c’était comme une bagarre. Et le judo par exemple, ils avaient pas d’habits pour se tenir, faire les prises, ou c’était des habits de pas très bonne qualité du coup ils se déchiraient, donc c’était impossible à pratiquer. Un homme ça aime combattre, montrer sa force, sa puissance, son physique, donc le seul moyen ancien de se battre, c’était les corps à corps. De là est parti un sport avec des techniques, des gens qui ont inventé des techniques, puis c’est devenu de la lutte, puis c’est venu comme ça. C’est l’un des seuls sports de combat qui est pratiquable sans avoir des outils. Un gant de boxe, ils pouvaient pas le fabriquer. Un kimono, ils pouvaient pas le fabriquer, donc ils faisaient du corps à corps.

-Tu as déjà rencontré des lutteurs d’autres pays ?

-En France, comme c’est un pays avec beaucoup de diversité au niveau des pays, des origines, on rencontre beaucoup de lutteurs d’origine des pays de l’Est, des Tchétchènes…

Ça vient des pays de l’Est la lutte.

Au championnat de France il y a des arméniens par exemple.

Il y a aussi la Cristolutte, c’est ouvert à tout le monde, il y a des allemands, des espagnols.

A la Cristolutte, j’ai fait troisième, le premier c’était un allemand, le deuxième, je me rappelle plus de son origine, mais il y avait des russes, de tous les pays.

-Merci.

-De rien.

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