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Interview de David (lutteur)

David vient du Congo. Il était lutteur professionnel dans son pays. Il continue à lutter à Bagnolet. Son rêve est de participer aux Jeux Olympiques.

La première fois que je suis monté sur un tapis de lutte, c’était au campus, République Démocratique du Congo. J’étais en premier gradua (G1 de droit) à la faculté de droit. Je voyais des sportifs s’entrainer et ça m’a intéressé. J’ai eu envie de pratiquer. J’avais vingt-deux/vingt-trois ans. Je faisais du jiu-jitsu, self-défense. J’étais ceinture marron. J’ai arrêté quand j’ai commencé la lutte. J’avais commencé le jiu-jitsu en bas âge vers neuf/dix ans.

Entre les boxeurs, les judokas, les lutteurs, les lutteurs sont plus forts. J’avais un ami très très fort en lutte. Un lutteur est supérieur aux autres sportifs selon moi. Je voyais les entrainements au campus universitaire de Kinshasa. Je voyais des compétitions au campus entre différentes équipes, par exemple le club Sukisa contre le campus.

La première fois, j’ai apprécié vraiment. C’était impressionnant. En jiu-jitsu il n’y avait pas de compétitions internationales. Un coach de lutte m’a dit que je devrais venir faire de la lutte, avec ma taille, que c’était bon pour moi. Et moi j’avais l’envie. Il m’a un peu intoxiqué, il m’a intéressé, il m’appelait au téléphone, il me disait de venir. La première fois que je suis monté sur le tapis, c’était un peu dur. La lutte c’est un sport un peu brutal. Le combat au sol. Dans les autres disciplines ils ne sont pas aussi forts. C’était difficile pour moi au début mais avec le temps j’ai pris l’habitude.

On s’entrainait trois fois par semaine : lundi, mercredi, vendredi.

Comme il n’y avait pas vraiment un bon niveau chez les étudiants au campus, il fallait que je descende à la cité pour m’entrainer, monter de niveau. Je me suis affilié dans un club de lutte à Kinshasa : « Sukisa Matete ». Je devais prendre du niveau pour compléter les championnats de province et national du Congo. J’avais appris bras-volée et beaucoup de prises mais il fallait que je mette ça en pratique avec des lutteurs d’un bon niveau. Mon problème c’est quoi ? Après l’entrainement quand je rentre à la maison, si j’ai perdu, ça me donne encore plus envie de continuer à m’entrainer. Je me dis : « Pourquoi j’ai fait cette erreur ? » C’est ça qui me motive pour m’entrainer encore dur. Au lieu de me décourager, ça me donne encore envie de travailler.

J’ai commencé par les championnats « Kin Est » (Kinshasa est). Je peux traduire par compétition du quartier, puis des tournois internationaux et le championnat national.

Ma première compétition c’était en 1997. J’avais gagné. C’était contre un athlète du club : « Force Brutale ». Je l’ai gagné par supériorité technique. On n’est pas allés au bout du combat car j’avais marqué beaucoup de points. C’était formidable. Le club Sukisa est un grand club au Congo, ils ont des champions, des grands lutteurs et l’entrainement était vraiment efficace. On n’avait pas d’expérience internationale. Physiquement on était forts, vraiment c’était dur, mais techniquement un peu moins.

Physiquement, j’ai une force naturelle, si tu combats avec moi, tu vas le sentir. Je force les muscles, c’est ma façon de faire. Je suis sorti cinq fois champion de Kinshasa, et cinq fois champion du Congo. Depuis que j’ai commencé à faire de la lutte dans mon pays, on ne m’a jamais battu. J’ai gagné tout le monde. C’est pour ça que j’ai eu une bourse du Comité International Olympique pour partir dans un centre au Sénégal. Je suis parti en 2006. Au Centre International Olympique de lutte de Thiès. Pour la préparation des Jeux Olympiques de 2008 à Pékin. On était sélectionnés par le Comité Olympique. Ils cherchaient de bons lutteurs pour représenter la RDC. En lutte, on était deux athlètes, moi avec un frère. On avait retenu quatre disciplines : lutte, judo, tennis de table et athlétisme. Dans les autres disciplines il y avait un seul athlète de la RDC, en lutte nous étions deux. Je suis resté deux ans dans ce centre pour m’entrainer. Je ne faisais que ça. J’ai atteint un niveau supérieur.

Mon premier voyage pour lutter au niveau international était en 2003. Je suis parti aux Jeux Africains à Abuja au Nigéria au mois de septembre. La même année mais avant, on était déjà partis en Egypte, aux championnats d’Afrique.

Mon style préféré c’est la lutte gréco-romaine. C’est par ça que j’ai commencé. Au Centre Olympique il n’y en avait pas. J’ai été obligé de me mettre à la lutte libre. Mais je suis dans mon assiette quand je fais de la lutte gréco-romaine.

Avant de partir au championnat du Monde à Bakou en 2007, on a fait une escale pour un stage d’une semaine en Georgie. J’ai vu comment ils luttaient. J’ai de la force. Je compte d’abord sur moi. Malgré toutes les techniques, quand je te balance… Je crois d’abord en moi. J’étais vraiment sûr de moi. Après un stage d’une semaine, j’ai fait le tournoi de lutte traditionnelle géorgienne et j’ai eu la médaille d’or.

Au championnat du Monde, j’étais bien placé, je suis sorti en vingt-troisième place. J’avais marqué quatorze points. C’était la toute première fois que je faisais les championnats du Monde. La première manche, en libre, je menais 6-0 ; la deuxième manche 2-1 et la troisième manche, comme je manquais d’expérience, il m’a gagné. Il m’a gagné deux manches et moi une, donc il m’a gagné. Je luttais en 84 kg à l’époque.

En 2008, les championnats d’Afrique. J’ai eu la médaille d’argent. Je gagne ma première médaille.

Je faisais la lutte libre. Si j’avais fait la gréco au championnat du Monde à Bakou, j’aurais pu être automatiquement qualifié. Il n’y avait qu’une seule place au championnat d’Afrique. Je suis sorti deuxième. Mon coach n’était pas, je peux dire, gentil. Il m’a fait faire la lutte libre. Je ne sais pas pourquoi. Parfois les coachs… ce n’est pas un jeu, des fois, les bancs de l’école c’est aussi très important. Un entraineur devrait être obligé de demander son envie à son athlète, nous ne sommes pas des petits enfants. S’il m’avait demandé je lui aurais dit que je voulais faire de la gréco. En gréco je me sens à l’aise. J’aurais voulu qu’il me demande mon envie. Mais lui : « Tu vas faire de la lutte libre au championnat du Monde. » Je l’ai même supplié. Ce n’était pas son argent, c’était l’argent du Comité Olympique. Il m’a tué. C’est un mauvais souvenir, jusqu’à aujourd’hui, je l’ai dans ma tête. On pardonne mais on n’oublie jamais. Parce que si j’avais fait la gréco là, au championnat du Monde à Bakou j’aurais pu me qualifier et avoir une occasion pour aller aux Jeux Olympiques. Je ne suis jamais parti au championnat du Monde, ni aux Jeux Olympiques. Ça aurait pu être la première occasion de participer au championnat. C’est dur. J’ai raté ça deux fois. Je ne sais pas, Inch’Allh, je pense que avant d’arrêter ma carrière, si tout va bien, je peux faire les Jeux Olympiques de 2020. Je sais que Dieu va m’aider. J’espère.

Mon titulaire n’était pas parti au championnat du Monde. Il y avait beaucoup de monde : le premier n’est pas parti au championnat du Monde, le deuxième non plus. On a eu la médaille de bronze. Parce qu’il était parti au championnat du Monde. Ça se faisait comme ça. C’est qui m’a fait gagné l’argent, j’ai raté la première place au championnat d’Afrique et les Jeux Olympiques.

2009, j’ai une médaille d’argent. C’était au Maroc. En gréco. Championnat d’Afrique ;

2010, j’ai une médaille de bronze. En libre. En 98 kg. Championnat d’Afrique en Egypte.

2012, Médaille d’argent au championnat d’Afrique. Médaille de bronze au tournoi qualificatif pour les Jeux Olympiques de Londres.

Je suis arrivé en France en 2013. Je suis venu aux Jeux de la Francophonie. Là, ça devient un peu politique, pourquoi je suis resté. J’avais un problème avec mes responsables. Ça devient politique. C’est pour ça que je suis resté. Je ne pouvais pas retourner au Congo parce que c'était vraiment des menaces.

Quand j'étais au centre à Thiès au Sénégal, le club de Bagnolet était venu s'entrainer avec nous. Donc j’ai eu le réflexe de venir m'entrainer ici. Coach Christian (Christian Danga, entraineur de Bagnolet Lutte 93), on se connaissait déjà depuis l’Afrique. On se connait depuis 2009 au championnat d'Afrique au Maroc. Il accompagnait son pays. Quand je l’ai approché il était gentil. C'est un coach gentil. Il y a des coachs quand tu les approches comme ça ils sont très orgueilleux, mais lui il est sympa, cool.

Quand je suis venu en 2013, il m’a amené jusqu’ici, il m’a montré le club. Je m’entraine ici depuis 2013. Mon but c’est de ramener des médailles au club de Bagnolet, de lutter pour le compte de Bagnolet. Ça fait partie de mon palmarès. J’ai fait mon premier combat ici en 2015. Mais ce n’est rien. Le président Didier connaît ça : j’ai fait les premières séries et maintenant les deuxièmes séries. Je ne peux faire que les tournois parce que je n’ai pas la nationalité française. Si je combats en 2020 aux J.0. ce sera pour la RDC. Je ne peux pas combattre pour la France, je ne suis pas assez fort. Inch’Allah, ce n’est pas facile, mais avec la détermination et la volonté, et le temps. On a des petites erreurs. Il faut travailler. C’est mon ambition, si ça arrive, ça sera bien pour moi, si ça n’arrive pas…Pour combattre ici en France, il faut avoir la nationalité, et je ne l’ai pas. On va voir avec le président Didier si on peut la demander. Même si je lutte pour la RDC, ça sera à l’honneur du club parce que je vais faire ma préparation ici. On a des athlètes de haut niveau ici. Je suis ici lundi, mardi, jeudi, vendredi.

Au centre d’entrainement à Thiès au Sénégal, notre coach était géorgien. On était trop musclés mais il n’y avait pas vraiment de technique. C’est vraiment un mauvais souvenir. En Bulgarie, les femmes étaient plus fortes que nous les hommes. On n’avait pas de technique. Ici vraiment c’est génial. Ici j’ai évolué de niveau, sans blague. Je m’entraine avec des athlètes qui ont le haut niveau. Ça fait deux ans. La façon dont je m’entraine ici ça fait vraiment du bien. Il y avait des mouvements que je ne faisais pas, et que je commence à faire ici. Et ça tient. Et ici je peux faire de la lutte gréco. Où je me sens vraiment très à l’aise. Au centre à Thiès, il n’y avait pas de gréco, que de la lutte libre.

Dans un combat, tout dépend de l’adversaire. Si un adversaire t’impose sa façon de lutter, ça prend du temps. Je préfère marquer des points debout. Avant de venir ici, j’avais un problème au sol. Depuis que je suis venu, je me défends aussi au sol. Le niveau a bougé. Je me défends, je bouge. J’apprends des prises et ça tient en combat. Dans le combat que j’ai fait samedi dernier, je suis content parce que j’ai fait une ceinture de hanche et ça a tenu. Ça m’a fait plaisir. J’ai réussi les prises que je voulais faire. Je les ai beaucoup répétées.

Quand je gagne, ça fait du bien. Pour mes partenaires, parce qu’on s’entraine ensemble, pour tout le club, pour le président. L’essentiel était de monter sur le podium.

Quand je perds, ça fait mal. Comme après un entrainement où je ne travaille pas bien, je rentre à la maison, avant de dormir, je fais mon examen de conscience : comment je me suis entrainé, il faut que j’arrange les erreurs. Quand je perds, ça me donne encore plus envie de travailler, pour corriger mes erreurs. Je commence à regarder des vidéos, même des championnats du Monde pour apprendre des réflexes. J’aime vraiment la lutte. Quand je fais des erreurs, je me concentre, je me demande toujours : pourquoi, pourquoi ? J’essaie de corriger mes erreurs.

J’admire beaucoup Mélo (Mélonin Noumonvi), aussi Gaber (Karam Gaber) l’égyptien, le monstre, il fait la fierté de l’Afrique. Il lutte en gréco.

On montre la fresque de Beni-Hassan

La lutte, c’est le premier sport non ?

Je vois l’engagement, là c’est l’attaque de jambes, je vois la ceinture en pont : il amène quelqu’un au sol, je vois la volée, je vois la ceinture avant, tour de hanche en tête, ici l’attaque aux jambes, là il fait l’hanche, ici je vois lui il fait l’attaque, l’autre la défense il fait le jeté, il fait l’attaque,tirage de bras, l’adversaire tombe devant lui, ici l’attaque des jambes et lui défend, la défense au sol.

Je vais vous le dire d’une façon peut-être un peu impertinente, mais la lutte, c’est comme une femme. La lutte, je l’aime comme une femme. Je manque de mots. J’adore. Sans la lutte, je suis mort. C’est l’amour.

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