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Interview de Mahawa (lutteuse)

Mahawa pratique la lutte à Bagnolet Lutte 93 (Les Diables Rouges) depuis l'hiver 2015. Elle est venue par son amie S., lutteuse confirmée.

J’ai commencé la lutte il y a deux mois environ. Avant j’y connaissais rien du tout, c’est S. qui en fait depuis longtemps qui m’a dit de venir à un entrainement. Je suis venue à l’entrainement, j’ai regardé, j’ai participé, ça m’a plu. L’ambiance, les personnes, ce qu’on fait, les entrainements, tout m’a plu. Avant j’avais fait un an de basket.

On va à l’entrainement trois fois par semaine, deux heures à chaque fois, ça fait six heures. Pendant les vacances, y’a des semaines où on vient, des semaines où on vient pas.

La première fois que je suis venue, j’étais intimidée, j’avais peur, je savais pas à quoi m’attendre, la salle c’était normal pour moi, mais j’étais pas habituée à voir autant de monde. Au final ça s’est bien passé. Il n'y a pas de tenue pour l’entrainement, on met un survêtement et un T-Shirt à manches courtes parce qu’il fait chaud, sauf si on veut maigrir.

Faire de la lutte ne change rien à ma vie.

Depuis que j’ai commencé, j’ai toujours besoin d’y aller, au fur et à mesure que j’en fais, que j’y vais, j’ai toujours envie d’en faire. Peut-être que ça deviendra une passion plus tard. Je pense pas que j’arrêterai. Si j’arrête je pense que ça me manquera. Tout me manquerait : les gens, l’entrainement, c’est un tout. Quand on lutte c’est pas de la peur. J’appréhende de faire mal à S. parfois à l’entrainement. On craint souvent de faire mal à l’autre. A partir du moment où tu fais un sport de combat, ou même un sport, faut pas avoir peur de se faire mal sinon tu peux rien faire.

Quand une prise est difficile il faut la répéter longtemps jusqu’à bien la faire. Ça dépend des personnes, si t’apprend vite ou lentement. Des fois je suis trop stressée, je suis trop crispée, j’arrive pas à bien me concentrer aux entrainements. On a fait un stage à mes débuts, on a fait comme si on était à une compétition, on a fait des matches, ça faisait même pas deux semaines ou trois que j’avais commencé, et là j’étais pas aussi stressée, j’avais fait un match et je m’étais pas mal débrouillée. J’ai l’impression que je suis plus concentrée si je suis dans l’optique d’un vrai match. Il y a des entrainements où je suis à fond, mais il y en a d’autres où je n’arrive pas à être à fond. Dans un match, il y a plus de pression.

Là tout le monde me dit de faire la compétition de dimanche (Grand Prix de Bagnolet), mais j’ai le stress, j’ai pas envie de la faire parce que c’est ma toute première et vu que c’est leur compétition j’ai pas envie de la perdre, ça me met beaucoup plus de pression et du coup je sais pas si j’arriverai. J’ai pas décidé si je vais faire cette compétition. Tout le monde me dit de la faire. Je ne sais pas ce qui me bloque. C’est plus la peur de perdre. On a toujours des échecs, on apprend de ses erreurs, bien sûr mais…La peur de perdre, c’est plus par rapport au club, vu que c’est leur compétition, que celle-là tout le monde doit la gagner, ils nous mettent tous la pression, celle-là tu dois la gagner ! Quand je perds, je suis un peu énervée mais je ne suis pas mauvaise perdante, au contraire quand je perds je regarde mes erreurs, ce qui va pas et j’essaie d’améliorer. Quand je gagne, ça me fait plaisir, ça fait plaisir aux autres, c’est un tout. Là je vais voir en vrai, ça sera ma première vrai compétition.

J’ai pas de personne qui me servent de référence dans la lutte, il y a beaucoup de personnes que j’aime vraiment beaucoup, à qui je me suis attachée, mais ce qui me motive le plus, la chose pour laquelle je la fais, ce qui me motive le plus c’est mon père, pour lui montrer que je peux faire un sport, que je peux faire quelque chose d’autre que l’école. Même si à l’école j’ai des bonnes notes, si je le rend fier, je veux qu’il sache que je fais un autre truc, un sport qui me plait. C’est ça qui me motive. Il y a mon frère qui a fait du foot. Depuis qu’il a arrêté, il n'y a que moi qui fait du sport, d’abord du basket, et là je fais de la lutte. Mon père il est pas là pour le savoir, mais c’est pour lui montrer que je peux faire autre chose que l’école. Que je peux réussir dans un autre domaine. Pour le rendre fier. Il est décédé.

Ma mère au début elle voulait pas que je fasse de la lutte. Je suis sénégalaise, et là-bas la lutte c’est très populaire, et en gros, quand je lui ai dit que j’allais faire de la lutte, elle pensait que ça allait être comme de la lutte sénégalaise et en plus on regarde beaucoup ça chez moi et elle avait peur que je me blesse ou quoi que ce soit. Je lui en ai parlé longtemps, j’ai essayé de forcer en quelque sorte, pour qu’elle me laisse, au début aller aux entrainements parce qu’il faut faire des entrainements avant de s’inscrire, et après elle a vu que ça me plaisait et elle m’a inscrite à la lutte. Maintenant elle est d’accord, elle voit que j’aime ça et elle est contente.

Quand j'en regardais à la télé, il n'y avait rien qui m’était venu, j’avais pas l’envie d’en faire. J’en avais déjà fait en sixième, j’avais bien aimé, en sport pendant un trimestre, mais ça compte pas, ça fait longtemps mais j’avais vraiment bien aimé, et après j’ai commencé à parler avec S. et elle m’a dit qu’elle en faisait, elle me disait de venir aux entrainements. Au début je voulais pas et après je suis venue et ça m’a plu.

Je n’ai jamais vu de femmes qui en font au Sénégal. Ici au début j’appréhendais un peu parce qu’il y avait plus d’hommes que de femmes mais au final c’est comme si c’était normal, on s’y adapte. Maintenant je suis habituée. De temps en temps on s’entraine avec les garçons mais on s’entraine plus fille à fille parce qu’on fait à peu près le même poids, on se connaît plus. Avec les garçons aussi on se connaît mais on est plus à l’aise quand on est avec les filles. S. s’entrainait toujours avec les garçons avant, c’est pour ça qu’elle a un niveau plus élevé.

Ce qui me plaît c'est que c’est un sport où on se défoule mais on garde notre colère à nous, je ne sais pas comment dire ça mais en gros, on sait canaliser notre colère. Il y a aussi le respect de son adversaire.

Dans la lutte il faut faire tomber l’adversaire à terre avec des prises. Si l’adversaire nous fait mal, on essaie pas de le taper ou quoi que ce soit. J’aurais bien aimé aussi faire de la boxe. J’avais pas l’intention de faire un sport de combat, c’est venu tout seul. J’avais surtout pas l’intention de faire de la lutte. Je comptais faire de la boxe je crois ou du MMA, je pensais faire ça. Vu que mon frère fait maintenant du taekwondo, je pensais faire un sport dans ce style, mais la lutte j’avais jamais pensé. Maintenant que je connais la lutte je me dis que même dans le taekwondo ou dans le MMA, y’a toujours des prises de la lutte qui reviennent, donc au final je me dis que ça se rapproche. On va dire que la boxe c’est plus sauvage que la lutte, on va dire avec mes mots que la lutte c’est essayer de frapper quelqu’un mais en faisant des prises et sans lui faire mal alors que la boxe c’est direct.

Dans le premier match que j’ai fait, quand j’ai lutté je pensais à rien. Avant de lutter, je me suis juste dit : fais-toi plaisir. Quand je luttais je pensais à rien.

La lutte c’est pas un jeu, on peut dire que le basket, le foot, c’est un jeu mais le karaté, la boxe ou la lutte c’est pas un jeu, c’est un sport, c’est plus un combat.

Quand je suis montée sur le tapis, je pensais à rien du tout, je me suis juste concentrée sur ce que les autres me disaient quand ils m’encourageaient, je pensais juste à mettre l’adversaire sur le tapis.

La lutte, ça m’apporte que du positif, je me sens mieux dans mon corps, je me sens plus en forme, le fait d’être musclée, je sais que pour l’instant je suis pas prête d’arrêter la lutte.

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