Skip to main content

revue de presse la tribu des lutteurs - Véronique Hotte – Le théâtre du blog 10/12/2016

Page 5 sur 6: Véronique Hotte – Le théâtre du blog 10/12/2016

Théâtre du blog - Véronique Hotte 10/12/2016

Les représentations de la lutte abondent dans l’Antiquité, en Égypte – à Beni Hassan en 2000 avant l’ère chrétienne -, en Grèce sur de nombreux vases, souvent en référence aux poèmes homériques, avec par exemple Ulysse et Ajax qui combattent en se ceinturant, arbitrés par Achille.

Parmi les « sports de combat » fondés sur l’affrontement de deux adversaires, le plus dépouillé – le plus ancien et le plus universel – s’exerce entre deux corps sans armes – un exercice ludique. Dans la Grèce olympique, la lutte revient à la compétition, au duel, à l’opposition de deux êtres – force et adresse du corps, des gestes et des prises, en excluant les coups, une lutte réglée sur celle de l’adversaire.

L’exercice se pratique dans un contrôle extrême, excluant toute violence réciproque à finalité belliqueuse, une école de courage et d’endurance.     Trois formes de lutte sont pratiquées au Jeux Olympiques : la lutte « de la tête à la ceinture » baptisée lutte gréco-romaine – la « gréco » ; la lutte « libre » sur tout le corps dite lutte « olympique » et la lutte féminine.

« Ne pas faire mal. Ne pas se faire mal. C’est la première règle qu’apprennent les poussins », raconte Corine Miret dans la Pièce d’actualité N°7 de La Commune – centre dramatique national d’Aubervilliers -, Sport de combat dans le 93 : la lutte, un spectacle de la Revue Éclair sur un texte de Stéphane Olry.

Assise sagement sur un banc, la comédienne et danseuse – sobriété, humilité et grâce – assiste, comme pour une scène en bi-frontalité, face au spectacle et au public, à l’entraînement des lutteurs du club de Bagnolet, « Les Diables Rouges ».

Les athlètes sont originaires du Caucase – mer Noire, pays éloignés et oubliés sur la carte du Monde – : « Ossétie, Daghestan, Mingrélie, Abkhazie, Tchétchénie. Des populations improbables : tcherkesses, avars, lezguines. Des brigands de montagnes… Vallées de proscrits et de crève-la-faim. » Là où règne la pauvreté, s’installe la lutte.

Entraîneurs, athlètes, pères et fils, pères et filles – jeunes enfants, adolescents et jeunes gens -, ils vivent en banlieue parisienne et s’entraînent trois fois par semaine avant les compétitions du week-end. L’entraînement se donne comme tel, un temps et une expérience à part, que ponctue la narratrice Corine Miret dont le monologue fait retour sur son accident – un genou déboîté lors d’un spectacle – et finie la danse.

La narratrice a observé en amont le quotidien du club, les entraînements à horaires fixes au gymnase, la loge d’entrée de Hocine, les couloirs, les surfaces de jeu, les mannequins. Un monde – espace et temps – que partagent les élus de la lutte.

La danseuse fait quelques saluts de cour – une esthétique baroque qu’elle avoue avoir toujours privilégié dans l’élégance des canons de la beauté académique.

Une forme en apparence opposée aux figures de la lutte à la brutalité rustre, soulèvements des corps, renversements, immobilité au sol de l’adversaire.

En réalité, un duel corporel dont le spectateur admire la violence sans armes – assagie – qui fait que l’agression se transforme en exercice et démonstration de qualités – force, courage, endurance, habileté tactique et prouesse généreuse.

Frédéric Baron apporte sa note comique au spectacle, en rupture avec les lutteurs, jouant un des mannequins de lutte, la balance de poids – obsession des lutteurs – et même l’allégorie de la médaille de compétition suspendue et aux paillettes dorées.

Un spectacle inouï – contemplation des corps en exercice, générosité des lutteurs – esprit collectif de partage – jusqu’à épuisement en temps réel des forces engagées.

Marie Richeu. Les nouvelles vagues - France Culture 8/12/2016
Page

Lutte

  • Vues : 5802