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Tu verras dans un an

Je m’abreuve au lavabo. Un camarade me croise alors que je sors « Ça va ? » me demande-t-il – « Ouais » je réponds. – « Tu verras les résultats dans un an » m’encourage-t-il. « Il faut un an et demi pour voir les premiers résultats en boxe ».

Voilà qui repousse de six mois l’échéance que je me suis donnée initialement. Mon objectif l’automne dernier était de suivre une année complète de cours au Boxing Beats. À cinquante trois ans, il me semblait déjà un peu ridicule de débuter ce sport. C’était une entreprise que je savais aussi assez vaine, dans la mesure où il m’est impossible d’être un jour en état de combattre. C’était surtout une occupation passionnante, et je m’y lançait dans les dernières années de ma vie où je pouvais physiquement encore l’oser.

J’ai donc signé un contrat tacite avec moi-même pour un an.

Pour un cours par semaine : celui du lundi avec Frankie.

Ma mission était d’apprendre le plus honnêtement possible la boxe, et de rendre compte dans le présent journal de cette découverte et des questions qu’elle ne manquerait pas de susciter.

Le lieu d’exécution du contrat était le Boxing Beat, d’une part parce que c’est un club qui accueille beaucoup de filles et a formé des championnes, or l’irruption des femmes dans les sports de combat est une nouveauté qui attise ma curiosité, et d’autre part parce que participer aux cours de soutien scolaire constituait un bon observatoire et aussi un défi excitant pour moi qui ai tant détesté l’école.

À défaut d’être doué pour la boxe – ou même d’avoir témoigné d’une marge de progression significative dans ce sport -, je me reconnais au bout de six mois au moins un mérite : celui de la constance. Ce n’est pas la moindre des vertus dans les activités du corps.

Pour être honnête, mon plaisir lors de ces cours du lundi était loin d’être pur et sans nuage. Souvent, je l’avoue, j’ai pris mon vélo pour Aubervilliers plus par devoir que par plaisir. L’épuisement durant les cours, la fatigue les jours après, ne furent pas les épreuves les plus difficiles à surmonter. Un grand obstacle pour moi fut ma timidité, et ma crainte de combattre des inconnus – et même frayer avec un monde qui – c’est évident, alors pourquoi le nier ? – n’est pas le mien.

Au fond, ce sont les gamins qui viennent au cours de soutien qui m’ont donné l’envie de m’accrocher. D’abord, je les aime bien. Ils sont parfois pénibles, mais beaucoup plus souvent bouleversants. Ils me donnent le sentiment d’être utile, ce qui est toujours agréable. Et comme j’éprouve les mêmes difficultés avec les gants de boxe qu’eux avec un stylo, le courage avec lequel ils affrontent les exercices scolaires constituent pour moi une forme d’encouragement à relever le même défi lors des exercices pugilistiques.

Il me semblait très ridicule à l’issue du soutien scolaire du mercredi de ranger mes crayons et de repartir quand arrivaient les boxeurs pour l’entrainement. J’ai donc commencé à venir aussi à ce cours-là que donne Ahmed. Tout le monde s’accordait au reste à me dire que le rythme de pratique et d’apprentissage vraiment sérieux commençait avec deux séances par semaine. De fait, boxer deux fois le lundi et le mercredi me fatigue moins qu’une seule fois.

Revenir cependant l’année prochaine au Boxing beats changerait nettement la nature de mon engagement. Je le rappelle, mon objectif était d’observer de l’intérieur la vie du club et d’avoir une initiation intime, répétée de la pratique de la boxe. Comme on écrit vulgairement dans les dossiers de demande de subvention : accumuler du matériau d’écriture pour un spectacle à écrire.

Or, si je reviens l’année prochaine, ce prétexte sera caduc. Ce ne sera plus le temps de l’enquête, mais le temps de l’écriture. Et cette activité, je le sais d’expérience, requière de prendre la distance avec son sujet.

Donc, si je reviens l’année prochaine, ce sera vraiment pour moi par goût de la boxe, par sympathie pour ce club et ses membres, et pour m’investir vraiment bénévolement dans les activités du Boxing Beats.

À suivre, donc .

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